[RFI] François Hollande vient d’annoncer lors de la 20e conférence des ambassadeurs son intention de participer au Sommet de la Francophonie, du 12 au 14 octobre, à Kinshasa. Invitée de RFI, Yamina Benguigui, ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères, chargée de la Francophonie, explique et justifie le choix du président français de se rendre en RDC.
RFI : Pourquoi François Hollande a-t-il décidé finalement de se rendre à Kinshasa ?
Yamina Benguigui : Je crois que ça a toujours fait partie de ses priorités, comme il l’a annoncé tout à l’heure. Il a dit : c’est important d’y aller et de tout dire partout. C’est une nouvelle posture, je pense, dans le regard, en tout cas, sur l’Afrique. La RDC est sur la voie de la démocratisation. Donc, c’est le pari aujourd’hui, d’être présent et de parler, encore une fois, de tout.
RFI : Est-ce qu’en refusant d’y aller, le président n’aurait pas envoyé un signal plus fort au pouvoir en place à Kinshasa ?
Yamina Benguigui : Non. Ça ne sert à rien d’isoler un régime. Je ne pense pas que la politique de la chaise vide soit praticable aujourd’hui.
RFI : Est-ce que, aller sur place aujourd’hui, ce n’est pas, quelque part, légitimer, confirmer ce président Joseph Kabila dont la réélection a été contestée ? Ç’est ce que dit notamment l’UDPS, le principal parti d’opposition…
Yamina Benguigui : Ecoutez, moi j’ai juste envie de vous faire une réponse très courte. Ce n’est pas une réunion bilatérale. C’est le sommet de la Francophonie. Donc, il y a beaucoup de chefs d’Etat africains. Les valeurs de la démocratie sont présentes dans leurs sociétés. Je pense à Macky Sall entre autres. Donc, il faut y aller. Et je pense qu’on peut écouter. On peut être à l’écoute du pays aussi.
RFI : Le président français vient d’annoncer qu’il rencontrerait l’opposition politique. Est-ce que vous savez déjà s’il rencontrera Etienne Tshisekedi, le leader de l’UDPS qui s’était autoproclamé président de la République ?
Yamina Benguigui : Pour l’instant, je ne connais pas sa feuille de route. S’il y a une demande… voilà. Je ne peux pas m’avancer pour lui. Il rencontrera les membres de l’opposition, il l’a dit.
RFI : François Hollande s’était donné une période de réflexion. Et il avait demandé début juillet à Joseph Kabila de montrer sa volonté de promouvoir la démocratie. Est-ce qu’il y a eu, ces deux derniers mois, des signes tangibles qui ont été donnés ?
Yamina Benguigui : Alors je vous donne juste une information. Il y a une interview qui a été donnée par monsieur Aubin Minaku, qui est président de l’Assemblée nationale de RDC, le 22 août. Et il dit bien : nous allons adopter deux lois importantes pour la démocratie en République Démocratique du Congo.
Premièrement, la loi portant sur l’organisation et le fonctionnement de la Commission électorale nationale indépendante, la Céni. C’est une loi que nous allons adopter avant le 15 octobre. Nous allons aussi adopter la loi portant la mise en place de la création de la Commission nationale des droits de l’homme, parce que c’est aussi important. Donc, nous nous devons de faire confiance. Nous n’allons pas commencer à décortiquer une réponse ou une parole qui ne seraient pas fiables.
RFI : Vous personnellement, madame Yamina Benguigui, quand vous avez rencontré le président Joseph Kabila, est-ce que vous lui avez posé clairement des conditions pour la venue du président français ? Est-ce qu’il y a eu des exigences de la part de la France ? Et lesquelles, si oui ?
Yamina Benguigui : Non. Vraiment, je crois qu’il faut oublier la posture, de venir et de dire : je veux ça, je veux ça, je veux ça. Ce serait une honte pour les Congolais que la France se comporte comme ça ! Nous nous devons de venir. Oui, peut-être même prendre des coups. Moi-même, j’ai reçu des menaces de mort par mail… Mais ce n’est pas pour ça. Je pense que c’est important, dans la situation de la RDC, que ce sommet ait lieu.
RFI : Est-ce que vous avez évoqué l’affaire Chebeya, du nom de ce défenseur des droits de l’homme, qui a été retrouvé mort en juin 2010, et son chauffeur Fidèle Bazana ? Le procès en appel a repris, est-ce que vous avez émis des souhaits pour un procès plus juste, plus équitable ? Est-ce que vous l’avez formulé ?
Yamina Benguigui : Nous avons abordé, on va dire, tous ces problèmes. Maintenant, je ne peux pas m’ingérer dans la justice congolaise. Je n’étais pas d’accord avec l’expulsion du réalisateur…
RFI : Thierry Michel, le réalisateur belge, donc, auteur d’un documentaire sur le procès Chebeya…
Yamina Benguigui : J’y suis allée, j’ai vu le Premier ministre à ce sujet. Et il va l’annoncer. Thierry Michel va être invité, officiellement, à venir présenter son film. Et j’ai vraiment dit tout ce que je pensais de cette expulsion. Donc, voilà. Ça c’est ma limite. Et ensuite, je pense que la présence de ce sommet peut aussi ouvrir d’autres horizons, y compris sur la justice.
RFI : Si vous aviez, en quelques mots, un message à adresser à tous ceux qui sont opposés à la tenue de ce sommet, et qui ont menacé même d’en perturber le déroulement, ce serait lequel ?
Yamina Benguigui : Moi, je les invite à venir au sommet. Ils sont les bienvenus. On les entendra. Mais il ne faut pas oublier aussi le peuple. Je crois qu’ils sont fiers de recevoir ce sommet, dans un moment où la RDC est très oubliée. Donc, j’espère aussi que ce sommet se fera le réceptacle de ce qui s’y passe pour que, aussi, les nations s’intéressent à ce conflit et fassent évoluer les choses.