Kinshasa – Monusco : avertissements croisés

(Le Phare)

Face à la demande, le jeudi 16 octobre 2014, du rappel du chef du bureau conjoint de l’ONU pour les droits de l’Homme en République démocratique du Congo(BCNUDH), Scott Campbell, au lendemain de la publication d’un rapport de ses services dénonçant des crimes commis par des policiers congolais, le représentant spécial du secrétaire général des Nations-Unies en RDC, Martin Köbler, est monté au créneau le samedi 18 octobre 2014 pour confirmer les résultats de cette enquête. Mieux, le patron de la Monusco a même endossé ses conclusions, en soulignant que l’initiative de cette démarche se fonde sur le mandat du Conseil de sécurité de l’Onu, inquiet des dérapages orchestrés par la traque des « kulunas »( jeunes délinquants violents de la ville de Kinshasa). « J’exprime ma plus grande confiance à Scott Campbell et dans le travail réalisé par toute son équipe. Le rapport Likofi a été préparé en application du mandat donné à la MONUSCO par le Conseil de Sécurité et a respecté la méthodologie utilisée par le Haut-commissariat des Nations-Unies aux droits de l’Homme. Je prends l’entière responsabilité des conclusions et recommandations de ce rapport », a déclaré le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en République démocratique du Congo.
A l’en croire donc, le rapport « Likofi » a été bel et bien partagé avec le gouvernement de la RD Congo en date du 18 août 2014. Les commentaires du ministre de l’Intérieur, Richard Muyej, ont été annexés au rapport. Ce dernier a reconnu, dans sa correspondance du 5 septembre 2014, d’une manière générale, les écarts de comportements avérés dans le chef des éléments de la police chargés de ladite opération. Cela, a-t-il affirmé, avait d’ailleurs fait l’objet des préoccupations des institutions de la République, du gouvernement et du parlement, alors que des procédures judiciaires ont été engagées, puis abouti à des condamnations définitives.
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Considérant cependant que le rapport du BCNUDH n’a pas suffisamment apporté les preuves de ses affirmations liées aux exécutions sommaires et disparitions forcées, le gouvernement a accusé le responsable de cette section de la Monusco d’avoir pris des positions partisanes, de nature à compromettre la stabilité des institutions. « Le moment est sans doute venu de nous séparer d’avec lui et de demander au Secrétaire général des Nations unies de le retirer de notre pays pour manque de professionnalisme et d’honnêteté », a déclaré le ministre de l’Intérieur, Richard Muyej, lors d’une conférence de presse à Kinshasa. Quant à son collègue ministre des Médias et porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, il a fait noter, dans un autre point de presse animé le vendredi 17 octobre, que la décision irrévocable est déjà considérée comme déjà appliquée car « dans quelques jours M. Campbell devra quitter le sol congolais ».
Somme toute, pour ces deux membres du gouvernement, Scott Campbell a rempli désormais les conditions requises pour être déclaré persona non grata.
Il convient de rappeler que le BCNUDH que dirige Campbell à Kinshasa a publié mercredi un «rapport sur les violations des droits de l’Homme commises par des agents de la police nationale congolaise» lors d’une grande opération antibanditisme dans la capitale congolaise entre novembre 2013 et février. Dans ce document, l’équipe de M. Campbell dénonce la mort ou la disparition de plusieurs dizaines de civils pendant cette opération baptisée «Likofi» («coup de poing» en lingala), laquelle a fait au moins 41 victimes, dont 9 exécutions sommaires et 32 cas de «disparitions forcées.
En guise de réponse, Martin Köbler, chef de la MONUSCO, a souligné être profondément préoccupé et perturbé par la demande du gouvernement congolais appelant au départ de Scott Campbell. Tout en demandant au gouvernement de reconsidérer sa décision, le diplomate allemand a souligné que les rapports sur les droits de l’Homme publiés conjointement par la MONUSCO et le BCNUDH sont des catalyseurs importants assurant la bonne gouvernance qui mène à la stabilité. « Les défenseurs des droits de l’Homme jouent un rôle important en RDC et doivent pouvoir effectuer leur travail sans entraves ». D’ores et déjà, il a réaffirmé que le rapport Likofi se veut un instrument important dans la lutte contre l’impunité en RDC.

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A propos de l'auteur : Adeline Marthe