(Mediacongo.net)
Trafic d’uranium, putsch contre Kabila ou barbouzerie? La justice française examine à partir de lundi 23 février la nébuleuse affaire du meurtre de deux opposants congolais, plus de 14 ans après la découverte de leurs corps carbonisés.
Un avocat de la défense, actuellement hospitalisé, demandait le renvoi du procès. Mais la Cour d’assises de Grenoble (Est de la France) a décidé de disjoindre le cas de son client et de juger les deux autres accusés, dont un par défaut puisqu’il est porté disparu – un mystère de plus dans un dossier qui fit couler beaucoup d’encre avant de tomber aux oubliettes.
Le 29 décembre 2000, une voiture était découverte en flammes, frein à main serré, dans un champ de maïs fauché à Chasse-sur-Rhône (Est). A l’intérieur se trouvaient deux hommes tués de deux balles dans la tête et dans le cou.
Après analyse ADN, les victimes s’avéreront être Philémon Naluhwindja, chef Maï Maï d’une tribu de la région du Kivu, dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), et Aimé-Noël Atembina, conseiller militaire du gouvernement congolais à l’époque du président Mobutu Sese Seko (au pouvoir de 1965 à 1997).
Selon l’instruction, tous deux cherchaient alors des financements pour monter un coup d’Etat contre Laurent-Désiré Kabila, le président de la RDC à l’époque, assassiné 18 jours plus tard. Philémon Naluhwindja, qui dirigeait la société minière du Congo (So.Mi.Co), aurait aussi cherché à vendre des barres d’uranium pour financer l’achat de munitions.
Les enquêteurs s’intéressent rapidement à un homme d’affaires belge, Benoît Chatel, lié à l’une des victimes. Né en Belgique, il a passé une grande partie de sa jeunesse dans l’ancien Zaïre (aujourd’hui la RDC), où il a établi plusieurs sociétés dans l’extraction des diamants, les télécommunications, le PMU, etc. Familier des principaux dirigeants de la nouvelle RDC, il revendique en outre un statut d’informateur auprès des services secrets congolais et français.
Il a été condamné à de nombreuses reprises pour des faits d’escroquerie et d’abus de confiance par les justices française et belge.
Avec son associé Alain Deverini, Benoît Chatel aurait fomenté l’assassinat des deux putschistes congolais pour protéger ses intérêts en RDC. Leur homme de main, Domenico Cocco, un Italien proche du milieu et impliqué dans des affaires de proxénétisme et de trafic de cocaïne, selon l’acte d’accusation, se serait chargé de recruter des tueurs, moyennant la somme de 200.000 francs (30.500 euros).
D’après le dossier, Benoît Chatel aurait donné rendez-vous aux deux victimes en leur promettant une importante somme d’argent pour financer leur coup d’Etat. Mais c’est Domenico Cocco et deux « maghrébins » qui se seraient rendus sur place pour les abattre.
Benoît Chatel, 51 ans aujourd’hui (Alain Deverini a 63 ans et Domenico Cocco 62), ne sera pas là pour répondre à ces accusations devant les assises de l’Isère car « il est sans doute mort », selon son avocat Jean-Michel Drevon, sans nouvelles de lui depuis trois ans.
Mais selon Alain Fort, l’avocat d’Alain Deverini qui comparaît donc seul, Benoît Chatel « a manifestement bénéficié d’un certain nombre de concours en tant qu’honorable correspondant de la DGSE » pour disparaître. « On a des photos de lui en 2012 en RDC avec des hommes d’affaires », ajoute-t-il.
Le verdict est attendu vendredi 27 février.