Le Rôle de la Société Civile dans la mise en œuvre de la Réforme de l’armée en République démocratique du Congo
PROPOS INTRODUCTIFS
C’est avec plaisir que nous prenons la parole, au nom des Organisations de la Société Civile de la RDC intéressées à la thématique de réforme du secteur de sécurité et justice, afin de vous faire état du rôle des Organisations de la Société Civile dans la mise en œuvre de la réforme de l’armée en République démocratique du Congo.
Nous disons sincèrement merci au Commandement de l’Etat Major Général des Forces Armées de la RDC ainsi qu’à la mission EUSEC de nous avoir associé à ce séminaire d’évaluation à mi-parcours du processus de la réforme des FARDC. Cela est à nos yeux une bonne marque d’estime.
Sincèrement, l’on se doit de dire, et l’on aura à le préciser à la fin de notre intervention, que si le cadre théorique de la réforme de l’armée est déjà tracé, il reste encore beaucoup à faire, les actions réalisées restent encore largement en deçà des attentes. Nous aurons à y revenir au cours de notre intervention.
En un mot, nous voudrions profiter des minutes qui nous sont accordées pour vous parler brièvement de quatre petits points :
- Ce que nous sommes ;
- Ce que nous faisons ;
- Notre Rôle dans la réforme de l’armé ;
- Les principaux défis.
- CE QUE NOUS SOMMES
Nous sommes un cadre de concertation des acteurs de la Société Civile intéressés à la thématique de la Réforme du Secteur de Sécurité (Police, FARDC, Services d’intelligence) et de la Justice et avons comme nom : Réseau pour la Réforme du Secteur de Sécurité et Justice (RRSSJ).
Notre vision est d’être « un réseau fort et autogéré, élément de la société civile qui motive et propulse une population demanderesse d’une sécurité maximale dans une approche de collaboration positive ».
Pour arriver à cette vision, le RRSSJ poursuit quatre principaux objectifs :
– Le premier objectif est de contribuer à la mise en œuvre du processus de la réforme du secteur de sécurité et de Justice en République Démocratique du Congo ;
– Le deuxième objectif vise à mobiliser les communautés de base en vue de l’appropriation du processus de la réforme du secteur de sécurité et de justice, à tous les niveaux ;
– Le troisième objectif s’attèle à susciter une prise de conscience collective en vue de la responsabilité citoyenne en matière de sécurité et de justice ;
– Le quatrième objectif s’intéresse à mener des actions de monitoring, de plaidoyer/lobbying et de sensibilisation en faveur de la réforme du secteur de sécurité et de justice.
- CE QUE NOUS FAISONS
La formulation du quatrième objectif précédent suggère déjà les trois principaux axes de travail de notre intervention : le monitoring, le plaidoyer et la sensibilisation. En ce qui concerne le premier axe de travail (le monitoring), il constitue l’un des axes le plus important du travail du Réseau en ce qu’il permet de faire une collecte active des informations au niveau de la population à compulser en termes des besoins sécuritaires à présenter, sous le format des rapports, aux prestataires des services de sécurité et obtenir auprès d’eux des réponses appropriées pour une sécurité humaine plus assurée.
Cela nous amène à recevoir chaque jour de nos membres, selon un système de communication que nous avons mis en place, des informations en temps réel sur les diverses tracasseries qui sont le fait des prestataires des services de sécurité, etc.
Les informations que nous collectons font l’objet d’un rapport et d’un argumentaire de plaidoyer en vue d’une amélioration dans la prestation des services en matière de sécurité et justice. Ainsi plusieurs plaidoyers ont déjà eu à être menés par le RRSSJ, notamment le plaidoyer sur la prise en compte des aspects sécuritaires des élections, le plaidoyer en faveur du processus de collecte des données du policier, et plus récemment le plaidoyer en faveur de la promulgation des lois et publication des textes règlementaires en matière de réforme du secteur de sécurité et justice.
Notre approche de travail, en ce sens, est une approche basée sur la collaboration positive avec des acteurs de sécurité tout en emmenant les populations à exiger des meilleurs services de sécurité.
Cette approche part du présupposé que l’amélioration de la sécurité est un souci pour tous bien que son exercice, dans le cadre de l’Etat, soit réservée à des entités identifiées. Tout en réclamant des services améliorés de ces prestataires, il est important que les populations collaborent avec eux dans la réalisation de ce noble objectif.
En ce qui concerne les activités de sensibilisation, le grand souci qui nous anime est de « susciter une prise de conscience collective en vue de la responsabilité citoyenne en matière de sécurité et de justice et de mobiliser les communautés de base en vue de l’appropriation du processus de la réforme du secteur de sécurité et de justice, à tous les niveaux ».
III. NOTRE ROLE DANS LA REFORME DE L’ARMEE
Notre rôle, en ce sens, est plus à trouver dans l’influence des politiques publiques nationales et internationales afin de faire en sorte que la réforme transformationnelle de l’armée puisse réellement être une effectivité.
Et l’indicateur le plus déterminant pour que cette réforme de l’armée puisse être réellement effective est encore à rechercher au niveau de la base même de la réforme qui reste encore à bâtir.
Pour votre information, la base de la réforme, c’est la renaissance de la confiance de la population vis-à-vis de ses institutions, vis-à-vis de son armée, vis-à-vis de sa police, vis-à-vis de sa justice.
Les indicateurs à notre disposition prouvent encore que la population, de manière large, manifeste encore une confiance très timide à son armée.
Or la réforme vient justement du fait que la population ayant perdu confiance dans ses institutions, est censée regagnée de plus en plus cette confiance, à partir d’un certain nombre des signes positifs de transformation de ces institutions. Et ces signes ne sont pas encore assez visibles.
Il y va de notre responsabilité à nous tous de nous engager pour que la RDC arrive à une réforme « essentiellement » profonde de son armée.
Mais pour atteindre ce pari, d’importants défis se dessinent encore à l’horizon.
III. PRINCIPAUX DEFIS DE LA REFORME DE L’ARMEE
Plusieurs défis sont à noter. Ils sont liés :
- Au déficit de volonté politique ;
- A la stabilité de l’instabilité ou tout simplement à l’instabilité chronique ;
- Au style de gouvernance ;
- A la coordination des interventions.
- DEFICIT DE VOLONTE POLITIQUE
Un autre grand défi est lié au retard qu’accuse la matérialisation d’une volonté politique. L’on ne dit pas qu’il n’y a pas de volonté politique. L’on constate qu’elle existe plus dans les discours et tarde encore à se matérialiser avec des actions concrètes du genre « dotation budgétaire ». L’on espère que le Gouvernement congolais pourra prévoir un budget conséquent exclusivement consacré à la mise en œuvre du Plan de réforme des FARDC.
Même pour ce qui peut être fait sans engager beaucoup de moyens, comme la promulgation des Lois déjà adoptées par les deux Chambres du Parlement, la prise des mesures d’application,…l’on constate un retard dans ce sens.
A titre d’illustration : plus de trois année après la promulgation de la loi organique portant organisation et fonctionnement des Forces Armées de la RDC et deux ans après la promulgation de la loi sur le statut du militaire, certaines mesures d’application pour la mise en œuvre de ces lois trainent à être signées. .
C’est dire, à nos yeux, que le défi le plus important se retrouve, si pas dans le manque de volonté politique manifeste, mais tout au moins dans le retard constaté dans la mise en œuvre de cette volonté politique. A chacun de nous de trouver le terme le plus éloquent pour être plus explicite.
- DEFIS LIES A LA STABILITE DE L’INSTABILITE OU A L’INSTABILITE CHRONIQUE
La défaite de la rébellion du M23 ainsi que le lancement de l’opération « SOKOLA 1 » ont suscité des espoirs dans le processus du rétablissement de paix et de la restauration de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national au sein de l’opinion publique congolaise.
Les organisations de la société civile craignent l’enlisement de la situation sécuritaire suite notamment à l’extension de l’activisme des milices au-delà de la zone couverte par le mandat de la Brigade d’intervention, notamment dans la Province du Katanga où les miliciens Bakata Katanga deviennent de plus à plus actifs avec probablement la complicité de certains acteurs politiques et militaires originaires de cette Province, les affrontements interethniques (Hunde-Hutu-Tutsi) dans le Territoire de Masisi par milices interposées, la situation volatile dans le District de l’Ituri suite à l’activisme des miliciens du Front Patriotique et Révolutionnaire de l’Ituri de Bana Loki alias Cobra Matata et le Maï-Maï Simba de Shadala alias Morgan, entrainant un drame humanitaire et des épidémies de tous genres, particulièrement dans le triangle dit de la mort compris entre les localités de Mitwaba, Pweto et Manono ainsi que le centre de la Province du Katanga. Les récentes tueries à BENI dans la province du Nord-Kivu posent des inquiétudes sérieuses quant à l’enlisement de la situation sécuritaire et à la poursuite du processus de réforme de l’armée. Toutefois, il convient de noter que quelques lueurs d’espoir se pointent à l’horizon du fait justement que la justice militaire congolaise se soit saisie de la question et que quelques arrestations de certains officiers soupçonnés se soient produites.
- DEFIS LIES AU STYLE DE GOUVERNANCE
Dans tout pouvoir non contrôlé, gisent en effet les germes de l’autoritarisme. Dans un pays où la culture de reddition de compte est encore à rechercher, où le contrôle parlementaire du secteur de sécurité n’est pas ressenti et pose problème, le plan de réforme des FARDC pourrait être assis sur des bases fragiles si le style de gouvernance n’est pas renforcé.
- DEFIS LIES A LA COORDINATION DES APPUIS EN MATIERE DE REFORME DE L’ARMEE
L’expose des motifs du plan de réforme de l’armée, dans sa version de 2009 stipule à son point 4 que la réussite du plan de réforme repose sur la mise en place d’une Structure de Suivi de la réforme des FARDC.
Cette Structure reste à nos yeux un élément catalyseur du processus de réforme. Le fait qu’elle n’este pas encore visible est de nature à créer un manque d’harmonie dans la coordination des appuis liés à la réforme de l’armée.
CONCLUSION
Ma petite conclusion se formule en attitude de reconnaissance à la Mission EUSEC pour avoir abattu un travail appréciable dans l’appui au processus de réforme des FARDC. Car la plupart d’avancées visibles dans la réforme des FARDC dont nous pouvons largement nous en féliciter, connaissent l’ombre de la Mission EUSEC.
Mais l’on note qu’ils pourraient y avoir d’autres avancées non visibles par déficit de communication.
Je vous remercie !
Par Emmanuel KABENGELE KALONJI,
Coordonnateur National du Réseau pour la Réforme du
Secteur de Sécurité et Justice – RRSSJ
Email : emmanuel-kabengele@rrssj-rdc.org