(Le Phare)
L’Accord-cadre d’Addis-Abeba a du plomb dans l’aile, on le dit et on le répète, n’est plus un mystère pour personne. Le processus de paix en RDC est en panne : tel est le constat malheureux auquel vient d’aboutir le Groupe de travail de dix plates-formes et organisations de la société congolaise. Sur le terrain, même si l’on entend moins des bruits de bottes et de canons, à l’Est de la RDC, précisément à Beni, ce sont des morts qui sont enregistrés chaque jour, allongeant, la comptabilité macabre. La population locale, traumatisée par ces tueries attribuées aux commandos invisibles regroupant des rebelles étrangers, a opté soit pour s’exiler dans d’autres provinces ou dans les pays voisins, soit pour vivre stoïquement ce calvaire.
Plus préoccupant est aussi le fait qu’au moment où les membres des groupes armés locaux font défection et se rendent à la Monusco, aux autorités locales et nationales, le Programme DDR tourne à faible régime, au point que presqu’abandonnés à leur triste sort dans les centres de cantonnement ou de transit, ces rebelles regagnent sur la pointe des pieds leurs fiefs pour relancer leurs activités d’antan. Ce qui démotive leurs compagnons candidats au désarmement volontaire encore retranchés dans les différents maquis.
C’est dire que le processus de paix en RDC est en panne. Et c’est à la suite de ces nombreux problèmes, que le Groupe de travail a organisé le week end dernier, à Notre-Dame de Fatima, une conférence de presse pour susciter une grande interrogation sur les principales causes du dysfonctionnement du processus de paix, afin d’interpeller tous les signataires de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba dont on dit qu’ils ont la solution entre leurs mains.
C’est le coordonnateur national du Réseau pour la réforme de services de sécurité et justice, Emmanuel Kabengele wa Kalonji, qui a livré les grandes articulations du rapport de Groupe de travail. Il était assisté par Nixon Kambale du Centre pour la gouvernance, spécialiste des questions de groupes armés locaux.
Pour les auteurs de cette étude, l’on tend vers un essoufflement de la mise en œuvre de cet Accord-cadre d’Addis-Abeba tant il est vrai, a indiqué Emmanuel Kabengela wa Kalonji, qu’il reste beaucoup à faire, alors qu’on en est à plus de 8 ans après la signature à Nairobi, le 5 décembre 2006 du Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement de la région de Grands Lacs par les 11 Etats membres de la CIRGL. Deux ans après, c’était la signature de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba par les mêmes Etats membres, qui a suscité beaucoup d’espoir au niveau de la population congolaise.
Le Groupe de travail reste persuadé que malgré les avancées, des efforts substantiels sont encore à faire. D’où les craintes formulées par les auteurs de ce rapport qui estiment que si l’on n’y prend garde, l’Accord-cadre d’Addis-Abeba du 24 février 2013, pourtant nécessaire, pourrait allonger la liste des accords de paix en RDC ayant échoué les uns après les autres. C’est ce qui explique qu’après plus de deux ans de mise en œuvre, les parties prenantes et leurs partenaires peinent à s’affranchir de la «liturgie de la parole».
Et pendant que le gouvernement s’évertue à défendre la stabilité et la sécurité sur la quasi-totalité de l’étendue du territoire national, les populations de la majeure partie orientale du pays, connaissent une insécurité indescriptible consécutive à la persistance de l’activisme des groupes armés et à une nouvelle forme de violences d’une extrême cruauté traduisant ainsi la fragilité des forces de sécurité congolaises et la limite du recours à la force, comme unique approche à mettre en œuvre pour la neutralisation des groupes armés.
En filigrane de cette insécurité persistante à l’Est, le Groupe de travail épingle l’exploitation illégale des ressources naturelles et minières, ainsi que le trafic des armes et munitions dans la région qui alimentent les groupes armés.
Au plan politique, le groupe de travail impute le difficile recadrage du processus électoral dans la mise en œuvre d’un calendrier électoral contraignant. Ce qui laisse transparaître des défis majeurs sur le processus de paix en RDC. Après avoir mis en exergue les problèmes de réforme électorale, dont notamment le financement, le coordonnateur national du RRSSJ a abordé la question de la passivité des pays signataires à neutraliser les groupes armés et à s’engager dans les poursuites judiciaires contre les auteurs de graves violations des Droits de l’Homme.
Le groupe de travail a stigmatisé aussi la faible attention de la Monusco, surtout à jouer son rôle de soutenir, coordonner et évaluer l’application en RDC, des engagements nationaux pris aux termes de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, particulièrement en ce qui concerne la neutralisation des groupes armés.
Ce rapport se termine par une série de recommandations au gouvernement, aux Etats de la région et à la Monusco.
A l’exécutif congolais, il a été recommandé l’accélération du processus de réforme des Fardc, la soumission et la promulgation de la loi de programmation militaire, la mise en place du comité de suivi multi-acteurs de la réforme de l’armée, la mise en condition du personnel-clé de nouvelles structures des FARDC récemment affecté, l’amélioration des conditions socio-professionnelles des militaires, et la prise d’autres lois.
Le Groupe de travail pense qu’il serait prioritaire d’orienter les militaires formés vers les responsabilités en fonction des formations reçues, et d’allouer des ressources nécessaires au Mécanisme national de suivi de l’Accord-cadre pour faire face aux problèmes auxquels il est confronté.
Aux Etats de la région, on demande de respecter et d’appliquer les engagements librement souscrits au terme de l’Accord-cadre, et s’abstenir de servir de bases arrières et ou de refuge aux fractions des groupes armés qui continuent à déstabiliser la RDC.
A la Monusco, il est conseillé d’appuyer efficacement les efforts du gouvernement et des FARDC dans la lutte contre les groupes armés locaux et étrangers.