(Le Phare)
Pendant que le Kasaï Central pleure ses morts, pendant que plus de 1, 3 millions déplacés internes se trouvent en errance dans ses forêt et savanes et que plus de 30.000 réfugiés passent des moments difficiles en Angola, loin des terres de leurs ancêtres, un édit provincial soi-disant destiné à combattre les coutumes avilissantes, vient de semer davantage le trouble dans les esprits. Selon le président de l’Assemblée provinciale de cette entité politico-administrative, qui séjourne à Kinshasa dans le cadre de sa présentation et de sa vulgarisation, ce texte viserait l’émancipation de la femme et de la fille kasaïennes.
Ce qui inquiète dans l’affaire, c’est le relais automatique de cette campagne par la Représentante personnelle du Chef de l’Etat, Jeannine Mabunda, qui soutient qu’il s’agit d’un document capital car désormais garant de la stabilité familiale, des vertus, de la paix sociale, de la dignité, de la santé, de l’honneur, du développement de la femme kasaïenne au foyer. Il faut, selon elle, arrêter l’humiliation de la Kasaïenne face à ce qu’elle appelle les « coutumes avilissantes ». Tout en avouant que certains Kasaïens zélés, hommes comme femmes, se servent de certaines dispositions coutumières à l’égard de la femme pour l’humilier dans des circonstances telles que la stérilité ou le veuvage, il faut souligner qu’il existe des valeurs ancestrales séculaires qui ont permis à une longue série de générations kasaïennes d’exclure de leur vécu quotidien des antivaleurs telles que la prostitution, l’infidélité, le mensonge, le vol, l’insoumission, la violence, la paresse, l’oisiveté, la mendicité…. Et, ce sont ces mêmes vertus qu’enseigne la Bible, sans pour autant porter atteinte à la dignité de la femme. Selon la coutume kasaïenne, la notion d’enfant naturel ne passe pas. Un bâtard est difficilement
accepté même dans le clan de sa mère. Lorsqu’on exige d’une fille de se présenter vierge au mariage, n’est-ce pas là une valeur fondamentale pour la principale future éducatrice de la famille ? En ces temps difficiles pour les populations du Kasaï Central, celles-ci ont-elles besoin d’un Edit sur leurs coutumes pour régler les problèmes sécuritaires, économiques, sociaux et culturels qui les accablent ? On aurait aimé voir le président de l’Assemblée provinciale et la Représentante personnelle du Chef de l’Etat en charge de la lutte contre les violences sexuelles et le recrutement
d’enfants focaliser leur attention sur des milliers de femmes et filles de cette province victimes de viols et d’atteintes sans nombre à leur dignité de la part aussi bien des miliciens Kamuina Nsapu que des éléments de l’armée, de la police et des forces de sécurité qui leur imposent la loi du plus fort depuis 8 mois, dans l’impunité la plus totale. Ils feraient œuvre utile en déclenchant une campagne spéciale de lutte contre les pratiques rétrogrades qui détruisent les foyers et l’avenir des jeunes filles dans cette partie de la République. S’ils pouvaient faire la ronde des savanes et forêt du Kasaï ainsi que celle des camps des réfugiés en Angola, avec des kits humanitaires dans leurs bagages, ils apporteraient certainement un
réconfort moral de taille à ces « sinistrés » sécuritaires. Savent-ils qu’en s’attaquant aux coutumes, ils viennent de déclencher une offensive dangereuse contre le Congo profond, de nature à faire aux enfants de demain leur identité ? En plus des affres de la guerre,
certains compatriotes qui évoluent dans certains centres de décisions
de la République donnent la triste impression de vouloir semer le
bordel dans la société kasaïenne.