(7SUR7.CD)
Des ONG congolaises des droits de l’homme appelées à dénoncer les
manigances de certaines personnalités aussi bien congolaises
qu’étrangères (Moïse Musangana)
Depuis l’invasion rwando-ougandaise sur fond de la guerre dite de
libération menée par l’AFDL (Alliance des Forces de Libération du Congo)
en 1996, la RDCongo, plus particulièrement sa partie orientale, est
loin d’être un oasis de paix. Les groupes armés, nationaux et étrangers,
ainsi que des armées camouflées de certains pays qui écument cette
partie du territoire national, ont continué à y semer la mort et la
désolation. Au fil du temps, les motifs des parties belligérantes dans
le conflit ont évolué (Rapport Mapping des N.U, Aout 2010). Et pire,
insinuent J. Kankwenda Mbaya et F. Mukoka Nsenda (J. KANKWENDA MBAYA et
F. MUKOKA NSENDA, La République Démocratique du Congo face au complot de
la balkanisation, pp.17-18, 2013), les guerres de l’Est riment avec le
complot de la balkanisation de la RDCongo à cause de l’immensité et de
la variété des ressources qu’elle regorge et qui font l’objet de
convoitise et de compétition entre puissances et autres forces
prédatrices.
Initialement (en 1996), l’implication des différentes parties au conflit
était motivée essentiellement par des considérations politiques,
ethniques et sécuritaires. Cependant, au cours de la deuxième guerre
déclenchée en 1998 par le RCD (Rassemblement Congolais pour la
Démocratie) suite à un remue-ménage au sein de l’AFDL, situation qui a
vu aussi le MLC (Mouvement de Libération du Congo) atterrir dans
l’arène, l’exploitation des ressources naturelles s’est avérée de plus
en plus attrayante. Ceci non seulement parce qu’elle a permis à ces
groupes de financer leurs efforts de guerre, mais aussi du fait qu’elle a
été pour un grand nombre de responsables politico-militaires le moyen
de s’enrichir sur le plan personnel. Les ressources naturelles sont donc
graduellement devenues un élément moteur de la guerre (Rapport Mapping
des N.U). Leur contrôle a été établi et maintenu par la force. Il a
donné lieu, par l’imposition de systèmes de taxation formels ou
semi-formels dans les sites miniers, au niveau des principaux axes
routiers et aux frontières, de permis et de redevances, à des
réquisitions fréquentes de stocks de minéraux et d’autres ressources.
Dans la perspective du retrait des armées étrangères (Rwanda, Ouganda)
suite aux Accords de Pretoria et de Luanda conclus avec l’aide de
l’Afrique du Sud et de l’Angola (30 juillet, 06 septembre 2002),
d’autres systèmes plus organisés ont été mis sur pied, comme par exemple
la création de sociétés écrans et de réseaux d’élite permettant aux
dites armées d’exploiter les ressources du Congo en collaboration avec
les groupes rebelles qu’elles appuyaient sans jamais apparaître en
première ligne (Rapport du Groupe d’experts, 24/10/2002). Il a émergé,
entre autres, dans la galaxie du RCD devenu par la suite RCD-Goma du
fait de luttes de leadership à l’interne, en plus de Mme Aziza Kulsum
Gulamali, trafiquante connue d’armes dans le conflit burundais nommée
ainsi Directrice générale de la SOMIGL (Société Minière des Grands Lacs)
qui a rapporté au mouvement rebelle la bagatelle d’un million USD par
mois, la SMB (Société Minière de Bisunzu), anciennement MHI
(Mwangachuchu Hizi International), dont le véritable patron, Edouard
Mwangachuchu Hizi, n’en était pas moins une tête couronnée. Ses intérêts
vont l’aiguiller ensuite sur le CNDP (Congrès National pour la Défense
du Peuple), énième mouvement rebelle soutenu par le Rwanda et devenu par
la suite parti politique. Aussitôt après les élections générales de
2011 à l’issue desquelles il est élu Député national dans le Masisi
grâce au vote imposé en sa faveur par les militaires du CNDP, il est
nommé Président du CNDP par Bosco Ntanganda (Rapport d’étape du Groupe
d’experts des Nations unies, Juin 2012), présentement à la CPI (Cour
Pénale Internationale) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité
commis précédemment en Ituri. Et le rapport onusien de renchérir que
sous Bosco Ntanganda, les unités majoritairement composées d’éléments du
CNDP avaient été déployées dans les zones d’importance stratégique pour
garantir sa sécurité et ses intérêts économiques. Quels sont les
intérêts économiques de ce dernier dans le Masisi si ce n’est
principalement le coltan dont l’exploitation et la commercialisation
revenaient quasi exclusivement à la SMB ?
Pour mémoire, Bosco Ntaganda avait succédé à Laurent Nkunda aux
commandes du CNDP quand celui-ci s’est mis à l’abri au Rwanda. Il s’est
engagé début 2012 dans une mutinerie avec la défection de près de la
moitié de l’ancien corps d’officiers de l’ex-CNDP intégrés dans l’armée
congolaise à la faveur de l’Accord signé entre Kinshasa et Kigali en
2008 ; révolte qui va donner jour en mai 2012 à un autre mouvement
rebelle, le M23 (Mouvement du 23 mars), sous le houlette du colonel
Makenga Sultani qui pense ainsi se débarrasser du «Terminator» qui a
maille à partir avec la communauté internationale à la suite du mandat
d’arrêt lancé contre lui (Jason Stearns, «Repenser la crise au Kivu :
mobilisation armée et logique du gouvernement de transition», in
Politique africaine 2013/1, N°129, pp.23-49). Cette nouvelle aventure ne
tente pas Edouard Mwangachuchu (Jason Stearns, idem), au regard sans
doute de son positionnement politique sur l’échiquier national. Après
s’être fait élire Sénateur au Nord-Kivu en 2007 suite à sa débâcle aux
législatives 2006, il est Député national en 2011. Mais, il ne manque
pas moins de sympathie envers le M23. Dans sa livraison du 29 août 2012,
le journal «Le Potentiel» note : «Le président du CNDP Edouard
Mwangachuchu, toujours Sénateur, demanderait au Gouvernement de
comprendre ses amis rebelles du M23 en mettant en avant l’esprit de
réconciliation comme si c’est le gouvernement qui pose problème».
Le coltan plus attractif
Dans la partie Est de la RDCongo, le coltan, la cassitérite et l’or sont
les 3 principaux minéraux qui suscitent la convoitise. Mais, lorsque le
prix du coltan flambe en 2000, ce minerai devient le plus attractif de
tous (Rapport Mapping des N.U). En plus de son potentiel économique qui
est substantiel, ce minerai s’avère hautement stratégique en ce que le
tantale est indispensable à l’industrie aéronautique, aérospatiale et de
défense, voire dans la téléphonie mobile et autres équipements
électroniques (Ecole de la guerre économique, «La guerre du coltan en
RDC, Novembre 2008). D’où la ruée vers ce que l’on appelle désormais «or
gris». Et naturellement, le caractère lucratif de l’exploitation
illégale des ressources dans la partie Est du Congo, singulièrement le
coltan, a conduit à la militarisation des sites miniers et des régions
les abritant, ainsi qu’à la propension de maintenir le contrôle sur ces
régions. Conséquence : de graves violations des droits de l’homme et le
coût de ce pillage, en termes de vies humaines, est énorme (Rapport
Mapping).
Les groupes armés ne sont pas les seuls comptables de ce désastre.
Global Wittness établit un lien causal direct entre le commerce des
minerais et les atrocités perpétrées contre les civils congolais
(Déclaration faite au Congrès mondial de la téléphonie mobile à
Barcelone, in «Le Potentiel» du 18/02/2009). Il va sans dire que les
entreprises ayant opéré à l’ombre de ces bras armés et bénéficié de
leurs faveurs, la SMB comprise, ne peuvent s’en tirer indemnes. Mais
contrairement au bon sens, celle-ci s’investit sans vergogne à étouffer
toute initiative nationale dans le secteur du coltan dans le Kivu, voire
annihiler toute concurrence sur cette partie du pays, ainsi que cela
transpire de son mémo adressé au Président de la République en mars
2019. Elle semble être réconfortée par l’attitude on ne peut plus
passive et conciliante de l’Etat. Ayant joui jadis du monopole de
l’exploitation du coltan dans le Nord-Kivu, elle rayonne sur une partie
de la concession de la société étatique SAKIMA lui octroyée sous le PE
4731 depuis 2006 par arrêté du Ministre national des Mines sous prétexte
de mise en conformité des titres obtenus sous l’administration RCD en
2000 et 2001. Ce qui a conduit à la superposition des titres. Par
ailleurs, ses activités, en marge du devoir de diligence, sont
caractérisées par des violations massives des droits humains et, de
temps en temps, par l’insolvabilité vis-à-vis des exploitants artisanaux
miniers qui, au travers de leurs syndicats, entre autres la COPERAMMA
(Coopérative des Exploitants Artisans Miniers de Masisi), s’avèrent
impuissants afin de faire aboutir leurs revendications, voire leurs
dossiers pendants devant la justice. Leur mémo adressé au Président de
la République en date du 06 mai 2019, sans doute en réaction de celui de
la SMB deux mois plus tôt, en témoigne.
Pis encore, la SMB est suspectée, au regard de déconvenues qui se
dressent sur son chemin lui faisant ainsi perdre sa position sur le
terrain, de contribuer à la campagne de sape du coltan congolais sur le
marché international en vue de le faire frapper du sceau de minerai de
sang. A cet effet, les opérateurs du secteur, sous la conduite du
Vice-Président de la FEC Sud-Kivu Dieudonné Kasembo, s’en sont plaints
mi-décembre 2019 auprès du Prix Nobel congolais de la paix Denis Mukwege
dont ils ont sollicité l’appui pour conjurer pareil sort aux minerais
congolais.
La RDCongo, un enjeu géostratégique
La RDCongo regorge de richesses naturelles de toutes sortes, allant
d’une multitude de minéraux – dont les diamants, l’or, le cuivre, le
cobalt, la cassitérite et le coltan – au bois, café et pétrole. Mais,
force est de constater que cette grande richesse naturelle n’a que très
marginalement profité au peuple congolais et est, au contraire, à
l’origine de nombreuses et graves violations des droits de l’homme et du
droit international humanitaire (Rapport Mapping des N.U). Depuis la
période coloniale, en passant par les trois décennies du régime du
Président Mobutu, voire les 22 ans des régimes Kabila père et fils, les
questions de l’exploitation des ressources naturelles et les droits de
l’homme ont toujours été très étroitement liées.
Sur la panoplie de ces minerais, deux sortent du lot ces dernières
décennies au regard de leur caractère manifestement stratégique : le
cobalt et le coltan. Leur potentiel économique est énorme en ce que la
RDCongo regorge, pour le premier, 50 % des réserves mondiales et le
cooper belt qui s’étend du Katanga à la Zambie représente 34 % de la
production mondiale de cobalt et 10 % de la production de cuivre du
monde, et pour le deuxième, le coltan, 60 à 80 % des réserves mondiales
se trouvent dans la région du Kivu (Rapport Mapping des N.U).
L’importance du tantale est tel que, à l’instar du cobalt et du
tungstène, il résiste à la fois à de très hautes et de très basses
températures, propriétés qui en font un minerai très recherché dans les
industries de pointe comme, entre autres, la fabrication des
condensateurs des téléphones portables et des micro-ordinateurs. Il
forme des alliages spéciaux avec le fer et l’aluminium pour obtenir les
aciers spéciaux utilisés dans la construction aéronautiques et
aérospatial et entre directement dans la fabrication des roquettes et de
lance-roquettes et indirectement dans toutes les armes intelligentes
téléguidées dotées des microprocesseurs (KIBANDA MATUNGILA, «Les
ressources stratégiques comme fondement économique des guerres de
balkanisation à l’Est», in J. KANKWENDA MBAYA et F. MUKOKA NSENDA,
op.cit, pp.91-118). Point n’est donc besoin de souligner son importance
hautement stratégique qui fait courir les multinationales, ainsi que
toutes les grandes puissances économiques et militaires du monde.
L’Europe, les USA, la Chine et bien d’autres pays en sont non seulement
avides, mais sont aussi préoccupés par les réserves à travers le monde.
Certes, l’Australie, le Brésil, voire le Canada, en produisent en
quantité, mais l’enjeu géostratégique pour ces puissances, qui
raisonnent en termes de réserves, reste la RDCongo avec environ 80 % des
réserves mondiales (Ecole de la guerre économique, Idem). Par ailleurs,
laisse entendre Kibanda Matungila, au Brésil et au Canada
particulièrement, le tantale n’est pas associé au niobium (colombium) :
«il apparaît seul et les conditions difficiles de son exploitation
surenchérissent le prix de revient du kilo de ce métal rare et
stratégique». Ce qui rend donc compétitif le coltan congolais. Mais,
l’exploitation de ce coltan reste généralement artisanale, sans valeur
ajoutée considérable. D’où certains Congolais sollicitent l’appui de
leur gouvernement pour non seulement en industrialiser l’exploitation,
mais aussi procéder à sa transformation en poudre du tantale sur place
au Congo en rapport avec la vision du Président de la République. Ce qui
couperait ainsi court aux prétentions de certains pays voisins.
Toutefois, l’on raconte que l’avantage comparatif affiché par l’or gris
congolais a pesé pour beaucoup dans la fatwa qui a frappé jadis cette
ressource sur le marché international, car considérée comme liée au
sang. Il eut fallu une grande croisade sous la houlette des deux
organisations du secteur de l’électronique qui a commencé en 2010 par le
Katanga sur le devoir de diligence de l’OCDE (Organisation de
Coopération et de Développement Economiques) en rapport avec la loi
Dodd-Frank pour que le coltan congolais, ainsi que bien d’autres
minerais soient exportés. D’autant qu’il était plus absurde que les
mêmes minerais extraits du Congo soient certifiés «verts» lorsqu’ils
franchissent les frontières nationales. Le Dr Denis Mukwege se l’est
entendu dire le 16 décembre 2019 par une délégation des opérateurs
miniers du Sud-Kivu.
Le contrôle des mines de coltan de la RDCongo demeure donc un enjeu dans
cet espace des Grands Lacs où les USA semblent avoir damé des pions aux
puissances européennes (Allemagne, France et Belgique) qui y avaient
pris pied autrefois. Et sur le terrain, la course au coltan, pilotée par
les Etats, se fait sans éthique (Ecole de la guerre économique, idem).
Aujourd’hui comme hier, les multinationales qui participent à
l’extraction du coltan au Kivu finance indirectement la guerre par les
taxes payées aux groupes rebelles qui maitrisent les mines de la région.
Par devers ces derniers, les sociétés écrans et les réseaux d’élite
comme dit précédemment. Ainsi donc, les Etats pilleurs de la RDCongo,
principalement le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi, desquels le coltan
quitte les Grands Lacs, se sont retrouvés partenaires stratégiques selon
un échiquier géopolitique dessiné par ces puissances occidentales
couvrant politiquement leurs multinationales.
Interconnexion entre la SMB et les groupes armés
Le Rapport Mapping des Nations unies note qu’on ne peut dresser
l’inventaire des violations les plus graves des droits de l’homme et du
droit international humanitaire commises sur le territoire de la RDCongo
entre mars 1993 et juin 2003, et cela est aussi vrai bien après, sans
examiner, même brièvement, le rôle qu’a joué l’exploitation des
ressources naturelles dans la commission de ces crimes. Et dans un
nombre important d’évènements, la lutte entre les différents groupes
armés pour l’accès aux richesses du Congo-Kinshasa et leur contrôle a
servi de toile de fond des violations perpétrées sur les populations
civiles. Autant que les groupes armés auxquels elle était arrimée, à
savoir le RCD et le CNDP, voire le M23, la SMB est aussi comptable des
violations massives des droits humains qui ont entouré l’exploitation
des minerais dans le Kivu, principalement le coltan dont elle a joui, du
reste, du monopole dans le Nord-Kivu. Mais aussi paradoxal que cela
puisse parâitre, elle s’est vue céder, moyennant artifices juridiques,
une portion de la concession de la SAKIMA, une entreprise de l’Etat. Ce
qui a donné lieu, selon la COOPERAMMA à travers son mémo au Président de
la République, à la superposition des titres que sont le PE 76 avec 360
carrés octroyés par l’Etat à une société étatique dénommée SAKIMA et le
PE 4731 avec 36 carrés attribués à MHI, devenu SMB. D’après ce
syndicat, cette situation est à la base des conflits enregistrés dans le
Masisi entre, d’une part, les concessionnaires et, d’autre part, entre
les concessionnaires et les propriétaires terriens. D’où la
recommandation de voir l’Etat récupérer la concession attribuée,
contrairement au Code minier, à la SMB.
Un rapport du GEC (Groupe d’Etudes sur le Congo) révèle que ceux des
exploitants miniers artisanaux qui ont fait la tête pour vendre leurs
minerais à la SMB – ce qui est une entorse au devoir de diligence –
l’ont appris à leurs dépens. Ils ont connu toutes sortes de tracasseries
et subi des violences horribles. Dans son mémo au Président de la
République, la COPERAMMA l’accuse, entre autres, de retards répétitifs
allant jusqu’à trois mois dans le paiement des lots des minerais lui
fournis, tricherie et rabais du pourcentage de la teneur des minerais,
fixation unilatérale de prix à payer sans tenir compte du prix sur le
marché, menaces aux creuseurs et aux propriétaires des puits, de
militarisation des sites miniers, d’incitation de policiers et
militaires à la commission des actes répréhensibles par la loi
(arrestations arbitraires, tortures, menaces de mort, coups et
blessures, assassinats), somme toute, de graves violations des droits de
l’homme. Ces faits sont confirmés par l’ITSCI (Initiative
Internationale sur la Chaîne d’approvisionnement en Etain) par courrier
du 09 août 2019 adressé à son Administrateur-Gérant, Ben Ngamije
Mwangachuchu, frère d’Edouard Mwangachuchu Hizi.
Outrés par les pratiques de la SMB, les membres de la COOPERAMMA ne
s’étaient pas empêchés d’alerter le 13ème Forum annuel de l’OCDE sur les
chaînes d’approvisionnement responsables en minerais tenu à Paris du 23
au 25 avril 2019. Six jours avant ces assises, soit le 18 avril, ils
avaient organisé, en guise de protestation, une marche pacifique à
Rubaya pour dénoncer le non-paiement de leurs créances pour des minerais
livrés il y a 4 à 5 mois et stigmatiser les tracasseries de tous ordres
dont ils sont l’objet de la part des forces de sécurité présentes dans
les sites miniers. A les en croire, 175 T de minerais avaient été livrés
à la SMB, sans que celle-ci délie le cordon de sa bourse depuis
plusieurs mois. Pourtant, plusieurs recoupements faisaient état de 3
millions USD obtenus de la multinationale américaine AVX. Seuls quelques
chanceux avaient pu trouver leur compte.
Le Rapport final du Groupe d’experts des Nations unies (Novembre 2014)
renchérit en accusant l’ex-MHI du retard dans le paiement des minerais
lui fournis par des exploitants miniers artisanaux et autres négociants,
ce qui pousse certains d’entre eux à se tourner vers des circuits
illégaux. Il l’accable aussi sur ce qui s’apparente à l’encouragement de
la contrebande minière en ce que celle-ci vendrait les minerais à un
prix d’environ 20 % inférieur à celui offert par les acheteurs au
Rwanda. Conséquence : les minerais congolais sont aspirés dans ce pays
voisin.
Le monde du coltan inquiet dans le Kivu
Le monde du coltan dans le Kivu semble être dans une tourmente. Sous la
conduite du Vice-Président de la FEC Sud-Kivu Dieudonné Kasembo, des
opérateurs économiques du secteur ont rencontré le 16 décembre 2019 le
célèbre Dr Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix 2018, pour solliciter
son implication dans la campagne visant à sauver le coltan congolais.
Ils se disent fatigués à force d’être indexés d’exploitation illégale
des minerais. Déterminés à œuvrer pour la paix, ils ne veulent plus que
les minerais congolais soient qualifiés de minerais de guerre, alors que
ceux-ci ne sont pas revêtus du même qualificatif quand ils sont vendus
ou exportés dans certains pays voisins. Ils dénoncent ainsi des actions
de sape de l’économie congolaise. En réaction, le Prix Nobel de la paix a
appelé à l’amélioration du climat des affaires. Il a pointé du doigt
les créateurs du chaos en RDCongo qui sont à la manœuvre pour continuer à
exporter les minerais congolais sous prétexte qu’ils ont des sites
miniers. Allusion sans doute faite aux Etats pilleurs de la RDCongo qui y
œuvrent à l’ombre de certaines multinationales par le biais des
sociétés écrans ou des réseaux d’élite en connexion avec des groupes
armés.
La crainte des opérateurs du secteur du coltan dans le Kivu n’est pas
une vue d’esprit. Ils sont convaincus, au regard d’un concours étrange
des circonstances, qu’une action de sape contre l’«or gris» congolais
est en cours.
Avec le voile qui se lève de plus en plus sur ses pratiques en rapport
avec le coltan, la SMB semble être dans des mauvais draps. Elle perd de
plus en plus de l’influence sur l’activité du coltan en RDCongo, par
conséquent des pans entiers du marché. Ce qui la marginaliserait peu à
peu sur le plan international et mettrait à mal ses partenaires qui ne
ménageraient aucun effort pour saper le coltan congolais sur le marché
international. L’ex-MHI ne baisse pas pour autant pavillon. A l’interne,
il met les bâtons dans les roues de ses concurrents qu’il diabolise à
outrance. Son mémo au Président de la République Félix Tshisekedi en est
une illustration.
Voilà qui ne rassure pas les opérateurs économiques, hôtes du Dr Denis
Mukwege, qui sentent un vent de menace soufflé sur le coltan congolais.
D’où la quête de soutiens pour éloigner l’éventualité de toute sanction
sur le plan international.
Mais en dépit du profil très peu flatteur de certains opérateurs du
secteur du coltan en RDCongo et dont la connexion avec des mouvements
rebelles et groupes armés, de multinationales, avec éthique pourtant
bien clamée, ne s’embarrassent pas à les prendre en estime, bafouant
ainsi les droits les plus élémentaires des Congolais en termes des
droits humains. Voilà pourquoi des ONG congolaises des droits de l’homme
telles l’ACAJ, l’ASADHO et bien d’autres doivent s’inviter dans cette
question du coltan pour dénoncer les manigances de certaines
personnalités aussi bien congolaises qu’étrangères et, in fine, les
trainer devant des instances judiciaires afin de répondre de leurs
forfaits, passés et actuels.
Il ne serait donc pas malvenu aussi que la justice congolaise,
requinquée avec la récente nomination des hauts magistrats, se lève et
se saisisse d’office pour s’impliquer, même à titre symbolique, de
manière à mettre fin, sinon réduire des pratiques qui continuent à faire
le lit des violations massives des droits de l’homme en RDCongo et
donner lieu à l’exploitation illégale de ses ressources qui ne profite
pas à son peuple. Mais, il reste que le Gouvernement congolais doit
jouer sa partition en s’exaltant dans la supervision et le contrôle de
ce que font les entreprises opérant sur son territoire afin de protéger
les chaînes d’approvisionnement. En conséquence, les communautés en
proie aux outrances dans la production minière, en l’occurrence les
exploitants miniers artisanaux du Masisi, seront protégées. Le
Gouvernement est vivement appelé à prendre ses responsabilités.