Ituri: en pleine insécurité, la province est pourtant un Eldorado pour l’exploitation de l’Or par les chinois

(MEDIACONGO.NET)

Pendant que la partie Est de la République Démocratique du Congo fait face à une situation d’insécurité permanente depuis des décennies, caractérisée par la destruction des milliers de vies humaines à la suite des guerres à répétition qui ont aussi emporté avec elles l’espoir des congolais de la région, forcés de vivre une crise économique qui ne dit pas son nom, les potentialités du sous-sol riche en matières premières de cette région demeurent quand à elles surexploitées.

Des investisseurs étrangers qui ont pris en main presque tous les secteurs miniers que ce soit au Nord-Kivu, au Sud-Kivu ou même en Ituri, ne laissent pourtant aucune chance aux nationaux de jouir de la richesse de leur pays.

Sur les cinq territoires que compte la province de l’Ituri, les expatriés chinois sont en grand nombre visibles dans les gisements aurifères de Djugu, Mambasa et Irumu, car regorgeant d’énormes réserves en Or, l’une des ressources les plus lucratives au monde.

Ils occupent d’énormes espaces à exploiter, la plupart de cas, sans même que les autorités coutumières ne soient notifiées officiellement de leur présence dans leurs entités.

Quand le chat n’est pas là, les souris dansent

A l’absence de l’autorité de l’Etat, ces exploitants étrangers se comportent en maîtres du terrain et fixent eux-mêmes les règles du jeu. Ils décident sur quoi faire, quand et comment. De ce fait, en dépit de plusieurs tonnes d’or extraites chaque année, ces chinois n’arrivent pas à répondre aux exigences convenues dans les cahiers des charges qu’ils signent avec les entités locales.

Ils laissent ainsi les communautés de base et par extension l’Etat congolais, s’appauvrir davantage malgré toutes ses ressources naturelles stratégiques dont ils s’emparent.

Détruisant l’environnement sur plusieurs hectares, ces chinois saccagent sans pitié l’écosystème de toutes les rivières dans les trois territoires où ils se livrent à une exploitation sauvage.

En septembre dernier, le député national Emmanuel Leku Apuobo, élu de Mambasa, a même estimé que: “ l’exploitation minière et des ressources naturelles par les sujets Chinois en territoire de Mambasa, ne profite pas aux populations locales ”, ajoutant que “ces étrangers estimés à une centaine, détruisent systématiquement l’environnement de la région et l’Etat congolais a du mal à recouvrer ses droits. Les militaires sont détournés de leur mission pour sécuriser les carrés miniers, en violation de la loi ”.

Même son de cloche de la part du president de l’Union des associations culturelles pour le Développement de l’Ituri (UNADI), une structure qui regroupe les 21 communautés originaires de cette province.

Ayendu Bin Ekwale son président qui s’entretenait avec le professeur Ntumba Lwaba du panel chargé d’accompagner le mandat de la RDC à la tête de l’union africaine, que la rivière Ituri est déjà polluée par les activités intenses d’exploitation exercées par ces sujets chinois.

Cette rivière est la plus grande en Ituri, en terme de longueur, du fait qu’elle traverse presque tous les 5 territoires que compte cette province. Ceci veut insinuer qu’une fois polluée, alors les conséquences de cette action seraient catastrophiques pour la population de l’ensemble de l’Ituri.

En outre, la société civile dans tous les territoires où s’exploite le minerais d’or, ont déjà lancé des alertes sur la destruction systématique de l’environnement par des exploitants illégaux, constitués en grande partie de ces sujets chinois et d’autres étrangers.

Collaboration avec les groupes armés

Des études scientifiques prouvent qu’il y a une corrélation entre les violences en Ituri et l’exploitation des minerais de l’Or. Pierre Jacquemot par exemple, démontre dans son ouvrage intitulé Ressources minérales, armes et violences dans les Kivu (RDC), qu’il existe un lien causal direct entre le commerce des minerais et les conflits persistants dans les deux provinces du Kivu et de l’Ituri.

Ce commerce nourrit les achats d’armes et entretient les tensions, dans une économie certes frauduleuse mais très organisée.
Ensuite, d’habitude la garantie sécuritaire est le socle de tout entrepreneuriat dans n’importe quelle région du monde, à moins d’être de mèche avec les causeurs de l’insécurité.

En Province de l’Ituri, les exploitants chinois opèrent en majorité dans des endroits isolés et en proie aux exactions des groupes armés. En territoire de Djugu, nous pouvons citer la région minière de Banyali-Kilo sous occupation de la milice dénommée Coopérative pour le Développement du Congo (CODECO, en sigle).

Dans cette région, nous avons remarqué au début de cette année (en Février 2021), la présence de plusieurs campements d’exploitation minière des chinois, visiblement avec un investissement conséquent, dont une vingtaine de machines excavatrices, sans comptabiliser le reste. Mais ils ne sont gardés qu’avec moins de dix militaires loyalistes.
Nous trouvons qu’il est inexplicable qu’un tel investissement ne soit pas si bien protégé dans une zone sous influence d’un groupe armé.

En dépit de ce qui précède, nous pensons pour leur sécurité, ces chinois coopéreraient bien avec des groupes armés et ce, avec une complicité possible de certains hauts dignitaires et hauts gradés de Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC).

Leur présence inquiètent plusieurs acteurs politiques et associations des forces vives de l’Ituri qui ont même demandé une mission interministérielle pour tirer au claire cette situation, malheureusement les appels sont resté jusqu’à ce jour lettres mortes.
Cette attitude du silence semble donner raison à l’opinion qui pense que même certaines personnalités au sein du gouvernement sont impliquées dans l’exploitation illégale de minerais en Ituri.

Nomination de points focaux chinois

Le Gouverneur militaire de l’Ituri, le Lieutenant Général Luboya Nkashama Johnny, avait appelé, au cours d’une réunion tenue le 18 septembre 2021 à Bunia, à l’intention des exploitants miniers chinois et congolais opérant dans sa juridiction, de se conformer aux lois du pays, selon la nouvelle approche édictée par le chef de l’Etat, Félix Tshisekedi Tshilombo, imprimée par l’Exécutif provincial militaire.

A en croire les intentions du Gouverneur militaire, nous pouvons dire qu’il s’inscrivait dans le respect du code minier car il a demandé, en outre, aux exploitants de travailler en collaboration avec la Division provinciale des mines et de régulariser leur situation, pour se protéger.

Malheureusement, le Gouverneur a été peut-être induit en erreur en prenant la décision de nommer certains sujets chinois comme points focaux, représentant tous leurs compatriotes travaillant pour la plupart en illégalité dans cette province.
Selon des experts dans le domaine minier et certains acteurs politiques, le Gouverneur militaire et son administration se sont montrés amateurs sur la maitrise de textes régissant le secteur minier en Ituri. Ainsi, des voix se sont levées pour exiger le retrait pur et simple de cette décision, que la majeure partie de l’opinion locale et nationale voyait comme une sorte de légitimation de l’exploitation illégale des minerais congolais par des sujets chinois.

Recadrage du ministère national des mines

Dans sa correspondance du 19 octobre 2021 adressée au Gouverneur militaire de l’Ituri, le ministère national des mines a rappelé ce dernier à l’ordre et a déclaré que la décision de la nomination des chinois comme points locaux est nulle et de nul effet.

Dans sa correspondance, cette autorité de tutelle écrit: « en ce moment où les efforts sont concentrés sur la lutte contre l’exploitation minière illicite, particulièrement par les sujets étrangers, je peine à comprendre le sens de votre démarche du fait qu’il existe une administration et des services spécialisés des mines dans la province de l’Ituri. Vous êtes sans ignorer que les efforts sont parfois sapés par certaines forces négatives ».

Le même document signé par le Vice-ministre des mines, a exigé à ces sujets chinois nommés comme points focaux, de se présenter urgemment dans son bureau à Kinshasa pour de plus amples information sur leur nomination, mais ces ordres donnés, ont semblé être ignorés sciemment par l’administration militaire de l’Ituri.

Dans sa lettre de réplique, datée du 21 octobre 2021 et adressée à la ministre des mines, le Lieutenant Général Luboya Nkashama Jonny a plutôt préféré ne pas répondre aux ordres du ministère des mines, mais il lui a plutôt invité à la maîtrise de son secteur en Ituri.

« En définitive, en vue d’assainir le secteur minier en la province de l’Ituri, je vous prie de diligenter une mission de contrôle et d’évaluation du secteur minier qui devra lever toute équivoque sur ce dossier et formuler des recommandations pour la bonne gouvernance de ce secteur, selon la vision de son excellence monsieur le Président de la République, Chef de l’État, Commandant suprême des FARDC et de la PNC, dans le cadre de la politique Nationale du secteur telle que mise en œuvre par le Gouvernement de la République » a écrit pour sa part le patron de l’état de siège dans cette partie du pays.

Selon le Gouverneur militaire, cette mission interministérielle permettra de savoir comment ces sujets chinois sont arrivés en Ituri car parmi eux, certains ne sont même pas connus par la Direction Générale de Migration DGM.

Il sied de noter que depuis maintenant quelques semaines, cette mission interministérielle se fait toujours attendre au chef-lieu de l’Ituri.

Pour obtenir des résultats escomptés dans les opérations militaires en cours et parvenir à restaurer l’autorité de l’Etat sur l’ensemble de République Démocratique du Congo, le gouvernement congolais devra mener un contrôle sérieux et minutieux du secteur minier. Sans doutes on y trouve beaucoup d’ambiguïtés qui ne facilitent pas la tâche aux structures étatiques sur place d’exercer leur souveraineté.

En outre, l’Etat doit arriver à bien contrôler toutes les entrées et sorties de ces asiatiques sur son territoire afin de les identifier correctement.

Recommandé pour vous

A propos de l'auteur : Rédaction