(ACTUALITES.CD)
L’actualité en République Démocratique du Congo (RDC) reste dominée, entre autres, par des attaques armées, la semaine dernière dans le territoire de Rutshuru dans le Nord-Kivu, contre les positions des forces armées congolaises. Plusieurs militaires congolais y sont tombés. Pour mieux comprendre cette situation, ACTUALITE.CD a interviewé le Professeur docteur Martin ZIAKWAU, internationaliste et chercheur des dynamiques sécuritaires dans l’Est du pays.Contenus SponsorisésÀ Découvrir AussiSe détartrer les dents sans aller chez le dentiste c’est maintenant possibleBulletin Santé pour Dental Cleanpar Taboola
ACTUALITE.CD : Quelle lecture faites-vous du récent accrochage entre l’armée congolaise et le M23 à Rutshuru ? Quel est le chiffre des militaires décédés à cet effet d’après vos recherches ?
Martin ZIAKWAU : Le recoupement des informations issues des sources militaires et non-militaires indique que les Forces armées de la République Démocratique du Congo auraient perdu plus ou moins 30 militaires dont le colonel Ndume Baganyigabo, commandant du bataillon des FARDC à Bukima, Ngugo et Nyesisi dans le Rutshuru attaqué le 23 janvier à 23 heures. Il est de plus en plus évident que les attaques de ces localités ne sont pas le fait du M23. Il s’agit de l’intervention directe des forces spéciales de l’armée d’un pays voisin, vite repliées et ayant laissé place à des supplétifs sous le label de ce dernier groupe armé pour le besoin de dissimulation. C’est un casus belli qui requiert une très forte mobilisation nationale en soutien aux forces de défense et de sécurité du pays, et pour prévenir le pire. Rien ne devrait, à l’analyse, être écarté de ce qui pourrait advenir dans les dynamiques sécuritaires dans l’Est du pays. Le jour et l’heure de ces attaques armées sont non moins éloquents.
Que ressortir du jour et de l’heure de ces attaques armées ?
Le pays était, dans sa partie orientale, à moins d’une heure du passage au jour ayant marqué le troisième anniversaire de la prestation de serment du Président Félix TSHISEKEDI (le 24 janvier) qui a axé sa politique extérieure, entre autres, sur le rapprochement avec les pays voisins pour résoudre notamment le problème sécuritaire dans l’Est du territoire national. Il est opportun d’en questionner aujourd’hui le résultat et de formuler des propositions pour corriger ce qui est à la base de reculs et de piétinements.
Par ailleurs, l’heure de ces attaques atteste nettement l’intervention d’une armée étrangère. Aucun groupe armé ne peut opérer la nuit si elle n’a pas la formation requise ni les matériels de vision nocturne. Considérant que les combattants du M23, militairement défait en 2013, seraient en attente de rapatriement au pays, suggère d’exclure que ce soit eux qui aient infligé une action coercitive de cette envergure à l’armée congolaise. Si le contraire est prouvé, ça attesterait une réorganisation de ce groupe armé, non sans appuis extérieurs pour leur financement et leur approvisionnement en armes et munitions. Ce qui contribue à mettre davantage en évidence la complicité d’au moins un pays voisin. D’autant plus que ces localités congolaises attaquées sont à la frontière avec le Rwanda.
Qu’est-ce qui fait obstacle au rapatriement des combattants de l’ex-M23 ?
Je pense que c’est au Gouvernement qu’il revient de répondre à cette préoccupation. C’est pour lui une occasion d’affirmer le changement de narratif dans un contexte aussi critique que celui en cours. Je ne sais pas si les perceptions dans l’opinion nationale ou le défaut de financement des opérations de rapatriement pourraient constituer des éléments de réponse convaincante. Le pays ne devrait pas continuer d’afficher une posture qui s’apparente à de la passivité qui contraste avec les actions à mener en vertu de l’état de siège.
Les vaillants militaires tués en 24 heures ont été mis à terre le samedi 29 janvier à Rumangabo. Ceci est passé comme un fait divers. Les drapeaux n’étaient pas en berne. Le Gouvernement doit lutter contre la banalisation de ce genre de fait qui devrait mobiliser quasi spontanément toutes les institutions de la République et tous les citoyens en vertu de l’unité nationale à préserver et défendre mordicus. Le Gouvernement de la République, qui a initié la campagne « Bendele ekweya te » en soutien à l’état de siège, devrait faire assez montre de cohérence et revoir sa communication sous peine de se contredire davantage. J’ose espérer que le pouvoir exécutif va vite rattraper le retard accusé en protestant, par la voie diplomatique, contre l’incursion de cette armée étrangère.
Dans une récente interview à Jeune Afrique, le Président rwandais Paul Kagame a déclaré : « nous avons donc demandé aux Congolais de les reprendre (les M23, ndlr), quel que soit l’endroit où ils les mettent ». Est-ce la RDC qui traîne les pas?
Cette interview a été réalisée le 20 janvier, et publiée une semaine après. Les attaques contre les FARDC ont eu lieu le 23 janvier. Par ailleurs, dans cette interview, le Président rwandais a exprimé un niveau assez élevé de volontarisme qui met à l’épreuve le degré d’engagement de la RDC de résorber particulièrement le problème de M23. Il revient au Gouvernement congolais de prendre ses responsabilités et de répondre en actes. La RDC doit se projeter dans le futur et le construire dans une cohérence stratégique dont les contours doivent être assez lisibles.