( ACTUALITES.CD)
Une accalmie s’observe ce vendredi 10 février à Sake, à 27 Km de Goma, dans le territoire de Masisi. Cette cité située à l’Ouest de la capitale du Nord-Kivu a connu, jeudi, une ambiance inhabituelle. Une panique généralisée a été observée suite aux détonations d’armes entendues dans la cité ainsi qu’à partir de la ligne des combats entre les FARDC et le M23, du côté de Luhonga, à une dizaine de kilomètres de Sake.
« Plusieurs habitants, au moins 80%, ont vidé la cité. Nous sommes moins nombreux à n’avoir pas céder à la panique. Nous nous sommes bien réveillés ici à Sake. La situation est calme sauf imprévu », témoigne à ACTUALITE.CD un habitant ayant passé la nuit à Sake .
La panique vécue a provoqué de nouveaux déplacements des populations. Certains habitants se sont dirigés à Minova au Sud-Kivu, alors que d’autres ont pris la direction de Goma.
Essoufflée, Furaha est arrivée à Goma, transportant son bébé sur sa poitrine, un gros colis au dos, tirant par la main son fils de moins de cinq et ses quatre autres enfants suivent derrière. Elle a fait le pied de Sake jusqu’à Goma, près de 30 km parcourus. Elle a fui les affrontements entre les FARDC et le M23.
« Je suis tellement fatiguée. Et mes enfants n’en parlons même pas . Je ne sais pas où se trouve leur père parce qu’il s’est rendu très tôt au champ. Je sais que nous avons des membres de famille ici mais je ne me souviens pas bien de leurs adresses. Je les cherche », témoigne-t-elle.
La panique et la psychose ont gagné du terrain, jeudi 9 février à Sake. Plusieurs sources confirment que la panique est née de l’incompréhension entre des militaires en provenance et en partance du front, à l’occasion de la relève. Ils ont tiré plusieurs coups de feu, causant ainsi le déplacement des certains habitants ayant cru qu’il s’agissait de l’entrée du M23 dans la zone.
« Nous nous rendions au champ pour chercher quoi mettre sous la dent parce que nous sommes très affamés. Arrivés en cours de route, nous avons croisé des militaires en provenance de la ligne de front. Ils nous ont dit que l’ennemi les a contournés. A quelques mètres, nous avons entendu des tirs. Malheureusement, certains habitants ont été victimes de pillage de leur bétail, argent, téléphone et autres. Pourtant, l’ennemi était encore loin mais les soldats tiraient en désordre », dit Shashira Mapenzi, habitante de Kimoka rencontrée sur son chemin de refuge vers Mugunga.
« Nous avons fui le M23 depuis Karenga jusqu’à Sake. Arrivés ici, on trouve les soldats en train de fuir. C’est ainsi que nous nous sommes déplacés également. Les enfants dorment à la belle étoile. D’autres sont égarés. Nous demandons le renforcement des militaires pour ramener la paix chez nous et nous permettre de rejoindre nos villages. Nous ne savons pas où aller maintenant » se désole pour sa part Rachel Buhongi, une sexagénaire, ayant fui les affrontements de Karenga depuis lundi dernier.
« Les soldats sont revenus des lignes des combats avec armes et autres effets. Ils ne nous ont rien dit. Nous nous déplaçons ne sachant pas là où nous allons. Nous fuyons à cause de la panique causée par le gouvernement », regrette de son côté , Buhendwa Ndongotsi, habitant de Saké.
Profitant de la pluie qui s’est abattue dans la région, les rebelles du M23 ont débordé, tôt le matin de jeudi, certaines positions de l’armée vers Karenga et se sont emparés d’une partie de Luhonga, à moins de 10 km de Sake, sur la route Kitshanga. Des détonations d’armes lourdes et légères ont été entendues jusque dans la cité de Sake. Ce qui a créé également une psychose au sein de la population, explique l’armée.
« Les FARDC sont en train de stopper l’aventure de l’armée rwandaise et ses supplétifs du M23 qui ont tenté de déborder notre position de Kingi pour venir nous attaquer à partir de Lupango et ainsi couper la cité de Sake. Voilà pourquoi il y a eu des agitations dans la population mais aussi ces déplacements en masse de la population. Je tiens à rassurer la population que son armée tient bon et est en train de repousser l’ennemi. L’ennemi continue de reculer. Nous demandons à la population de garder son calme et d’avoir confiance en son armée », a dit sur Radio Okapi, le lieutenant-colonel Njike Kaiko Guillaume, porte parole du secteur opérationnel Sokola 2.
« J’en appelle aux sanctions contre les militaires ayant causé cette panique parce que maintenant là, on peut les qualifier de traîtres, d’ennemis de la République. Parce qu’en faisant ce qu’ils ont fait là, ils jouent le jeu de l’ennemi qui peut profiter de cette panique et s’infiltrer dans la cité, pourtant le front est loin de Sake », plaide un leader communautaire de Sake.
Sake est située à moins de 50 Km de Kitshanga, une autre agglomération stratégique du territoire de Masisi passée sous contrôle du M23 depuis le jeudi 26 janvier dernier. La prise de Kitshanga par le M23 a coupé la ville de Goma à la partie Nord de la province du Nord-Kivu, seule voie qui restait pour l’approvisionnement de la capitale provinciale en vivres et autres biens, depuis la fermeture, voilà maintenant plus de 3 mois de l’axe Goma-Rutshuru, également occupé par le M23.