RAPPORT MENSUEL PROVINCIAL DU NORD-KIVU MAI 2015

I.CONTEXTE ET SITUATION SECURITAIRE DU MOIS

 Le mois de mai marque encore le massacre des populations civiles ; femmes enfants, jeunes et vieux dans le Territoire de Beni. Ce carnage à la machette de la population est devenu monnaie courante dans le Territoire et ville de Beni, Les violences s’intensifient à chaque attaque dont les auteurs seraient les rebelles ougandais ADF-NALU [Allied Democratic Forces-National Army for the Liberation of Uganda] qui terrorisent la paisible population.

Transformé en un mouroir, Beni compte chaque jour ses morts : un massacre de civils a été perpétré dans la nuit du mardi 11 au mercredi 12 mai 2015 par des hommes armés à Mapiki et Sabu. C’est aux environs de 19 heures locales mardi 11 mai 2015, que des hommes armés ont fait incursion à Mapiki et Sabu. Les assaillants ont découpé à la hache et à la machette plusieurs habitants, causant la mort d’une vingtaine d’entre eux. Sept civils ont ainsi été tués à Mapiki et quinze à Sabu.

Pour sa part, Monsieur Amisi KALONDA, Administrateur du Territoire de Beni, a appelé la population de sa juridiction à quitter rapidement les zones reculées et à se rapprocher des positions des Forces Armées de la RDC.

Ces nouvelles tueries sont survenues au lendemain du séjour du vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur à Beni, Evariste BOSHAB, qui était en mission d’évaluation de la situation sécuritaire dans ce territoire.

Le cinquième mois de cette année, marque aussi une mobilisation de toutes les couches de la population de la province du Nord-Kivu contre ce qu’elle qualifie de trop, allusion faite aux derniers massacres de Beni. Le mot d’ordre des journées villes mortes, lancé par la Société Civile de Beni, pour protester contre l’insécurité grandissante a été suivi, le marché central Kilokwa et les commerces dans la ville n’ont pas ouvert malgré l’appel à la reprise des activités Gouverneur de province, Monsieur Julien PALUKU.

À Beni ville, « tout a été fermé » pendant trois jours consécutifs !

« Les populations de Oicha et de Butembo ont emboîté le pas » en rejoignant la protestation. Au fait, dans les différentes agglomérations au Nord de la province, les habitants ont observé la ville morte pour compatir avec la population victime de Beni et exprimer leur consternation face à ces massacres récurrents.

A Goma, la Coordination provinciale de la Société Civile du Nord-Kivu avait initié le port des habits noirs, ou une étoffe noire autour du cou.

Toutes les activités sont restées paralysées.

D’autre part, dans la localité de Bunyatenge, Le jeudi 21 Mai, qu’il a été constaté un arrêt des enseignements dans les écoles catholiques. Toutes les activités socio-économiques sont à l’arrêt.

Exaspérés par ces nouvelles tueries, les habitants de la ville de Beni sont descendus dans la rue, le 19 mai, en dénonçant l’inertie et la passivité des forces de l’ordre, le silence quasi-coupable des autorités, au niveau central…

L’on enregistre des cas d’insécurité dans les villes et territoires de la province :

1. a) Territoire de Masisi

Existence d’un conflit tribal entre les habitants de Ufamandu 2 et ceux de Walowa Lwanda. A la base, un membre d’un groupe armé de Walowa Lwanda avait tué un habitant de Ufamandu 2, dès lors un conflit est né, en mettant des frontières entre les habitants (hunde et nyanga) de ces deux localités, sous les regards impuissants des services du secteur de sécurité.

C’est au mois de mai, que les leaders communautaires tentent de résoudre ce différend en sollicitant l’intervention de la police sous les auspices du Programme STAREC [Stabilisation et Reconstruction des zones sorties des conflits à l’Est de la République démocratique du Congo].

  1.b) Territoire de Rusthuru

La route Goma-Rusthuru reste dangereuse un axe « coupe-gorge » où presque chaque jour sont enregistrés des cas de kidnapping, vol, tuerie…

Selon un communiqué des notables de l’Intercommunautaire du Nord-Kivu, du 20 mai, les kidnappings à répétition à Rutshuru et Lubero ne font que renforcer la dégradation de la situation sécuritaire dans la province… Le Président de cette mutuelle, Monsieur Jean SEKABUHORO, parle même de «…véritables affrontements entre les

communautés Nande et Hutu, dans la localité de Nyamilima…».

Outre les affrontements intercommunautaires, la localité de Nyamilima a aussi connu l’insécurité attribuée notamment aux Maï-Maï Nyatura. Le bilan est des dizaines de personnes tuées à l’arme blanche ou par balle, dans leurs champs, depuis le début de 2015.

1. c) Territoire de Walikale

La situation humanitaire et sécuritaire se dégrade dans le Territoire de Walikale. Les affrontements de multiplient entre deux factions du mouvement rebelle Nduma Defense of Congo (NDC), dans le Secteur de Ihana, Utunda et Luberike. Le Bureau d’Etudes et d’appui au Développement du Territoire de Walikale (BEDEWA) souligne d’importants déplacements de populations, « estimés à plus de 3.000 personnes, sans assistance humanitaire ».

Dans une autre zone de Walikale, le Groupement de Walowa-Uroba, un conflit interne oppose cette fois-ci différentes mouvances au sein des rebelles Raïa Mutomboki, depuis février 2014. Des violents combats qui affectent les populations civiles, contraintes de fuir, pour se mettre à l’abri, faute de protection.

  1 .d) Territoire de Nyiragongo

Depuis le remplacement des « commandos » des FARDC, la population de ce Territoire vit dans la psychose d’une éventuelle incursion des éléments de l’Armée rwandaise.

1 .e) Ville de Goma

Le phénomène kidnapping d’enfants prend de plus en plus de l’ampleur dans la ville de Goma où la famille de l’enfant MUHINDO Butsapu recherche désespérément son petit. La ville de Goma avait connue en date du 20 mai une situation peu habituelle, à la base un conflit entre conducteurs des motos et ceux de bus de transport en commun, tout était parti d’un accident de circulation au niveau de la station MUTINGA en commune de Karisimbi,un conducteur de bus avait tamponné un conducteur de moto qui est décédé sur place. Du coup, les « motards » en colère s’en sont pris aux conducteurs des bus, perturbant ainsi la circulation…

  1 .f) Territoire de Lubero

La population du Territoire de Lubero est sans cesse victime d’exactions de la part des éléments des FDLR [Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda]. Ces derniers pillent les récoltes et d’autres biens de valeur.

 

  1. ETAT D’AVANCEMENT DE LA REFORME DU SECTEUR DE SECURITE EN PROVINCE

 

2.1. Actions menées par les acteurs étatiques [Assemblée Provinciale, Autorité

       Civile locale, Commandement de la PNC et des FARDC…]

 

  1. a) Réforme de la Police Nationale Congolaise

26 mai : début de la dernière phase de l’opération d’identification biométrique des policiers retardataires de la province du Nord-Kivu. A Goma, l’opération se déroule dans l’enceinte du Commissariat Provincial de la Police Nationale Congolaise au Nord-Kivu.

Sans titre

  1. b) Réforme de l’Armée

A part les opérations Sokola, aucune action d’envergure n’a été posée, allant dans le sens de la réforme des FARDC d          ans la province du Nord-Kivu.

2.2. Actions menées par les acteurs non étatiques

1 .a) Interaction du RRSSJ provincial avec les acteurs étatiques [Partage régulier D’informations, actions de plaidoyer et lobbying]

* Monitoring de l’opération collecte de données des policiers retardataires, par l’entremise des membres du RRSSJ/Nord-Kivu dûment accrédités, en tant qu’observateurs indépendants de la Société Civile.

1. b) Travail de terrain avec les communautés de base [sensibilisation, formation, Monitoring, mobilisation communautaire…]

* 07 mai : organisation d’un atelier sur l’intégration du Genre dans le processus de la réforme du secteur de sécurité en RDC, en collaboration avec le Centre de Recherche pour la Justice et la Résolution 1325 [CRJ 1325].

Le personnel féminin de la Police Nationale et de l’Armée, les membres du RRSSJ/Nord-Kivu et autres acteurs ont pris une part active à cette session qui a connu la facilitation de Me Goyon MILEMBA, Coordonnateur Provincial du RRSSJ/Nord-Kivu qui s’est appesanti sur l’état des lieux de l’intégration du Genre dans le processus de la réforme de la Police Nationale.

Une des recommandations-clés est allée dans le sens de la prise en compte de la sexospecificité dans l’intégration du Genre dans la réforme du secteur de sécurité en RDC…

1 .c) Implication et rôle des médias dans la mise en œuvre des activités de terrain

Les médias ont été impliqués dans l’atelier de sur l’intégration du Genre dans le processus de la réforme du secteur de sécurité en RDC.

III. PREOCCUPATIONS MAJEURES DE LA BASE ET RESULTATS OBTENUS AU  COURS DU MOIS

3.1. Préoccupations majeures recueillies auprès des communautés de base

1 .a) Réforme du secteur de sécurité

  • L’incapacité de l’armée à maîtriser venir à bout des rebelles d’ADF-NALU, dans le Territoire de Beni ;
  • Le silence des autorités, au niveau central, face à la requête de la Société Civile demandant le changement à la tête des opérations Sokola ;
  • L’insécurité généralisée sur l’étendue de la province du Nord-Kivu.

 

  1. b) Mise en œuvre de l’Accord-cadre et de la Résolution 2098

Il sied de noter que l’opération collecte de données des policiers s’inscrit dans la logique de la réforme de la Police Nationale Congolaise, le premier des six  engagements  renouvelés par la République démocratique du Congo, dans l’Accord-cadre d’Addis-Abeba pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région.

             3.2. Résultats obtenus au cours du mois

1. L’accréditation des membres du RRSSJ/Nord-Kivu, comme observateurs indépendants de la Société Civile dans les opérations d’enregistrement des données biométriques des l’opération collecte de données des policiers retardataires démontre – à suffisance – l’interaction qui existe entre le Commissariat Provincial de la PNC et le RRSSJ/Nord-Kivu.

2.La réflexion sur l’intégration du Genre dans le processus de la réforme du secteur de sécurité a permis de mieux cerner les problèmes auxquels fait face le personnel féminin de la Police et de l’Armée.

 

  1. ENJEUX, DEFIS ET RECOMMANDATIONS

4.1. Les enjeux

* Protection des personnes civiles ;

*Finalisation des lois relatives à la réforme de l’Armée, en particulier la loi de programmation.

  4.2. Les défis à relever au mois suivant

* Le suivi général des opérations d’identification des policiers de la province du Nord-Kivu. Car, il s’agit d’une étape importante  dans le processus de la réforme de la Police Nationale Congolaise et la population doit y participer, à travers les structures citoyennes, l’exclure c’est biaiser en quelque sorte les résultats, à priori.

4.3. Les recommandations majeures

    1. Au Gouvernement de la République
      • Privilégier l’efficacité des FARDC, en conjuguant les efforts avec la MONUSCO pour mettre les groupes armés étrangers qui sèment la désolation hors d’état de nuire [ADF-NALU et FDLR] ;
      • Procéder au changement à la tête des opérations Sokola pour des raisons évidentes.

     

    1. A l’Armée

    Dans le cadre des Opérations Sokola :

    • Définir les zones de protection pour accueillir la population, en cas de combat ;
    • Définir un plan spécial de protection des civils, conformément au Droit International Humanitaire.

    Fait à Goma, le 30 mai 2015
    Le RRSSJ/Nord-Kivu

     

 

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A propos de l'auteur : Adeline Marthe