Communiqué de presse: Impasse dans les pourparlers de Kampala:risque d’embrasement de la situation sécuritaire en RDC

 

Kinshasa, le 06 Février 2013. Bien que prévisible, l’impasse dans les pourparlers de Kampala entre le Gouvernement de Kinshasa et la rébellion du M23 accroit les risques d’embrasement de la situation sécuritaire dans la région, a déclaré aujourd’huile Centre pour la Gouvernance.

Le Centre constate que les parties belligérantes ont anticipé l’impasse en se préparant activement a une confrontation armée, option dont elles ne semblent s’être éloignées que momentanément, le temps des « négociations » de Kampala. Le Centre constate que les deux parties se livrent a présent à une course infernale pour le renforcement et la consolidation de leurs dispositifs militaires, notamment par l’achat d’importants matériels militaires et leur entassement respectivement à l’aéroport de Bangoka à Kisangani pour le Gouvernement et dans les localités de Gasizi,  Rugari Buhimba, Monigi et Rutshuru pour la rébellion du M23 ainsi que la dissimilation de leurs militaires respectifs vêtus en tenues civiles dans la Ville de Goma et ses environs.

Il s’observe parallèlement une recrudescence de l’insécurité due à la prolifération et à la persistance des groupes armés encouragés ou suscités par les deux belligérants et dont l’activisme tend à susciter des conflits intercommunautaires dans la plupart des agglomérations de la Province du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.

L’activisme des groupes armés suscités par le gouvernement dans le cadre du processus gouvernemental de recrutement au sein des Forces Armées de la République Démocratique du Congo s’accompagne de nombreuses violations et crimes des membres de ces groupes contre les populations civiles dans la partie orientale de la RDC comprise entre les Districts de l’Ituri en Province Orientale et de Tanganyika au Katanga, en passant par les Provinces du Nord et du Sud-Kivu.

Un de ces groupes s’est rendu coupable d’une attaque contre la prison centrale de Kakwangura à Butembo, le 13 janvier 2013, sous le commandement du Colonel Salongo T5 du 5ème Secteur FARDC. L’attaque s’est déroulée alors qu’un groupe des miliciens mai-mai du groupe Kakule Sikuli alias Lafontaine se rendaient en formation dans la Province Orientale après avoir été démobilisés à Luofu, au Sud du Territoire de Lubero. Ancien officier du CNDP et ayant déjà déserté plus de trois fois dont la dernière en 2012 pour rejoindre la rébellion du M23, le Colonel Salongo en est à sa quatrième intégration dans les FARDC pour occuper son poste habituel au sein du 5ème Régiment du Colonel Mugabo déployé dans la partie comprise entre Kanyabayonga, Territoire de Lubero et Eringeti, en Territoire de Beni-Oïcha. D’après un officier interviewé par le Centre, la réintégration continuelle du Colonel Salongo au sein des FARDC lui permet de faciliter les défections des éléments de l’Armée nationale en faveur du M23 et de constituer le relais entre le M23 et des officiers FARDC, parmi lesquels on cite le Colonel Eric Ruhorimbere, Commandant du premier secteur déployé à Beni.

Comme c’est le cas depuis 1998 à la vieille de chaque importante confrontation armée, les groupes armés multiplient des crimes dont l’objectif semble être de terroriser les populations, de tester la capacité de réaction des services de sécurité, d’accaparer les ressources. Des citoyens sont enlevés par des membres des groupes armés qui demandent des rançons en argent pour leur libération. On a ainsi déploré l’enlèvement d’un médecin, le Docteur PALUKU MOKONGOMA en juillet 2011, Oïcha (Territoire de Beni), des prêtres de la Paroisse Notre Dame des Pauvres, notamment le Curé Père Jean NDULANI, Anselme Wasukundi, et Edmond Kisughu, le 19 octobre 2012, à Mbau  et de huit personnes à Mbau, le 21 janvier dernier par des individus que les sources  soupçonnent appartenir au groupe ADF/NALU. On a également déploré les viols commis dans la localité de Mbau (Territoire de Beni) sur trois femmes par les militaires des FARDC le 23 janvier 2013. Dans certaines localités, les accrochages entre FARDC et groupes armés ont connu une inquiétante escalade comme cela a été le cas dans la localité de Bungeya au Katanga, ce jeudi 24 janvier 2013 où les FARDC ont affronté les éléments du groupe Kyungu Gédéon Mutanga. Dans d’autres localités ce sont des groupes armés entre eux qui s’affrontent, notamment à Nyamilima le mercredi 23 janvier 2013 entre le groupe FPD de SHETANI et les miliciens NYATURA alliés aux FDLR et M23, ce qui a fait craindre le risque d’une dégénération à un conflit interethnique entre habitants Nande et Hutu dans cette localité.

Après avoir réagi à la naissance de la rébellion du M23 en déclarant qu’il ne sera plus procédé à l’intégration des groupes armés comme stratégie de réforme de l’armée et du rétablissement de la paix, le gouvernement a accru des contacts discrets ces derniers mois avec des groupes armés en Ituri et dans les Provinces du Nord et du Sud-Kivu en vue de les regrouper en prévision des prochains affrontements contre le M23. C’est le cas du processus en cours de regroupement des éléments du groupe FRPI du Colonel Banaloki alias Cobra Matata à Aveba , Gety et Bukiringi suivi des appels des notables locaux et de la société civile adressés au Président de la République d’accéder aux demandes de ce groupe, notamment l’octroi de l’amnistie en leur faveur et l’érection de l’Ituri en Province. C’est également le cas de la réunion organisée en décembre 2012 dans un hôtel de Butembo entre des émissaires du gouvernement  et les représentants de plusieurs groupes armés du Nord-Kivu, dont ceux du groupe Seli wa Kava, en préparation des pourparlers devant se tenir à Kasese en Ouganda. Loin de favoriser le retour de la paix, une telle politique de tâtonnement qui frise l’absence d’une stratégie globale de défense favorise plutôt la prolifération des groupes armés qui veulent profiter des « négociations » avec le gouvernement pour bénéficier des promotions dans l’armée, la police et les postes de l’administration territoriale.

Le Centre pour la Gouvernance considère que cette question de la persistance de l’insécurité rentre dans le cadre de la gouvernance défaillante dans plusieurs secteurs de la vie nationale et qu’elle ne saurait être résolue de manière isolée sans prendre en compte les autres aspects de la crise multiforme que traverse le pays, notamment dans la gouvernance démocratique, responsable et redevable ; le restauration de l’Etat de droit et la décentralisation ainsi que le recadrage du processus électoral.

C’est pourquoi, le Centre pour la Gouvernance en appelle à la tenue rapide et sans conditions des concertations politiques comme unique voie de sortie de crise en République Démocratique du Congo. Ces concertations, du reste voulues par tous, doivent regrouper les acteurs politiques, la société civile et les délégués de tous les groupes armés, sous l’égide d’un Facilitateur commun des Nations Unies et de l’Union Africaine avec l’appui technique de l’expertise congolaise.

Ces concertations politiques auront pour but de discuter et de diagnostiquer tous les maux de la crise multiforme que traverse la RDC dans les domaines de la gouvernance politique, économique, social et de l’Etat de droit ; en mettant l’accent sur la problématique de la décentralisation, l’impasse du processus électoral, la réforme du secteur de la sécurité, la gestion des ressources naturelles et minières, l’intégration régionale tant sur le plan politique qu’économique ainsi que l’éthique dans la gestion publique, la réconciliation nationale et la lutte contre l’impunité, particulièrement concernant l’exploitation illégale des ressources naturelles, le trafic des armes et les violations massives des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

Fait à Kinshasa, le 06 Février  2013

La Direction du Centre pour la Gouvernance

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