RDC: La forte militarisation de la région inquiète

[Le Potentiel] Malgré tout le dispositif déployé dans la région pour contrer les rebelles de la LRA, Joseph Kony, son leader, a gardé toute sa capacité de nuisance. Des armées de la RDC, de la RCA, du Soudan du Sud et de l’Ouganda sont, aux côtés d’autres troupes étrangères, actives sur le terrain pour la même cause. Cette forte militarisation de la région n’inspire pas confiance. Elle risque à la longue de se retourner contre les efforts de stabilisation de la partie Nord-Est de la RDC.

Joseph Kony, leader du mouvement rebelle ougandais, Armée de résistance du seigneur (LRA), passe pour un vrai mystère dans la région comprise entre l’Ouganda, la RDC, la Centrafrique et le Soudan du Sud. Il y a un moment, l’homme était présenté comme ayant sensiblement perdu sa capacité de nuisance.

Comme pour narguer ses détracteurs, il s’est signalé à nouveau sur le terrain semant l’horreur et la désolation sur son passage. Rien que pour le neutraliser, trois pays, en ce compris, l’Union africaine et les Etats-Unis, se sont mobilisés pour le traquer. Si l’on faisait le décompte, c’est plus de 15 000 hommes armés qui sont à ses trousses. Une forte militarisation qui n’est pas sans conséquence sur la stabilité de cette région d’Afrique, et surtout de la RDC.

Depuis le début de cette année, Joseph Kony aligne déjà un bilan très impressionnant en terme d’exactions commises dans son rayon d’action. Selon Human Rights Watch (HRW), entre janvier et mars 2012, la LRA a mené au moins 53 nouvelles attaques en RD Congo et en RCA, au cours desquelles elle a enlevé 90 civils et en a tué neuf autres. Informations confirmées par les Nations unies. Le nombre des attaques dans le Sud-Est de la RCA a considérablement augmenté par rapport à celles signalées en 2011.

La chercheuse senior pour la division Afrique de Human Rights Watch, Anneke Van Woudenberg, indique, à ce propos, que «l’intensification des attaques de la LRA montre que le groupe rebelle n’est pas affaibli et qu’il constitue toujours une menace sérieuse pour les civils». Elle pense que «l’Union africaine, les Nations unies et les gouvernements de la région doivent prendre des dispositions urgentes pour mettre en œuvre des mesures complètes de protection des civils et s’impliquer véritablement pour qu’elles portent leurs fruits».

La grande inconnue

Ce regain d’activités des éléments de la LRA est la preuve qu’il y a anguille sous roche dans toutes les opérations militaires menées dans la région censée abriter des hommes armés, toujours fidèles à Joseph Kony. Pourtant, sur le même terrain, il y a, juste pour le traquer – et c’est la version officielle distillée dans l’opinion, une meute d’hommes armés qui n’arrivent pas à mettre la main sur le rebelle ougandais. Au fil des jours, Kony passe pour l’hydre de la mythologie. L’on sait le localiser sur le terrain, mais personne n’arrive à démanteler sa force de frappe. Qu’y a-t-il donc autour de la nébuleuse LRA ? Difficile à répondre à cette interrogation.

Toujours est-il qu’à force de voir Joseph Kony poursuivre ses randonnées macabres, l’on se pose des questions sur ce que représentent réellement les forces militaires régionales et internationales déployées dans la région.

Tenez ! Pour la même cause, à la fin de l’année 2011, les États-Unis ont déployé 100 agents des forces spéciales dans la région affectée par la LRA en tant que conseillers militaires auprès des forces armées menant des opérations contre le seigneur de guerre, rapporte HRW. En mars, l’Union africaine a annoncé une initiative de coopération régionale pour renforcer les efforts de lutte contre la LRA, y compris le déploiement d’une force d’intervention régionale (Regional Task Force, RTF) de 5 000 personnes, regroupant des soldats de l’Ouganda, de la RD Congo, de la RCA et du Soudan du Sud qui sont, pour la plupart, déjà déployés dans la région, souligne, par ailleurs, HRW. L’Union européenne et les autres donateurs ont indiqué qu’ils soutiendraient cette initiative.

Malgré tout ce dispositif, Kony résiste. Qui pis est, il continue à tuer et à violer à tout bout de champ. L’énigme Kony reste entière. Sa présence et celle de différentes forces armées déployées pour contrer son action nuisent sérieusement à l’équilibre de la région, estiment certains analystes. Car, en dehors des rebelles de la LRA, la zone comprise entre le Nord de la RDC, le Soudan du Sud, l’Ouest de l’Ouganda et le Sud de la RDC passe pour une région à très forte tension. La tension actuelle entre le Soudan et le Soudan du Sud en témoigne éloquemment. Et si, pour le cas de la RDC, on intégrait la donne FDLR, l’on serait bien en face d’une bombe qui pourrait exploser à tout moment, remettant en cause tous les efforts de paix entrepris dans la région.

Il y a sûrement derrière Kony une main invisible, un plan macabre qui ferait du rebelle ougandais la pièce maîtresse du puzzle pour justifier, d’une certaine manière, la présence des militaires étrangers dans la région. Rappelez-vous dans cette région, le Soudan du Sud est d’une importance stratégique pour certains pays comme les Etats-Unis. Ce qui témoigne de la promptitude avec laquelle Washington a mobilisé ses forces spéciales pour encadrer les armées nationales. Est-ce que les Etats-Unis partageraient la même préoccupation sécuritaire? Pas évident. Pour les Américains, le Soudan du Sud passerait en priorité.

Or, avec un Kony toujours actif, les Etats-Unis ont un argument en béton pour justifier leur présence. Sinon, pourquoi continue-t-il à courir dans une zone minée à son détriment? Serait-ce pour servir de fond de commerce à une action internationale difficile à cerner à ce jour ?

Il est vrai qu’en laissant Kony en liberté, c’est toute la région qui finira par s’embraser. Il y a de quoi raviver l’inquiétude sur la forte militarisation de la région comprise entre l’Ouganda, le Soudan du Sud, la RDC et la RCA.

Le Potentiel

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A propos de l'auteur : Rédaction

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