Emmanuel Kabengele, Coordonnateur du Réseau pour la Réforme du Secteur de Sécurité et de Justice (RRSSJ) a accepté de nous accorder une interview sur son périple américano-européen, au cours duquel il a plaidé auprès des partenaires financiers, en faveur du soutien tous azimuts de la réforme du secteur de sécurité en République démocratique du Congo, en particulier pour que le processus de la réforme de l’armée, cheval de bataille de ce Réseau prenne un nouvel élan.
D’ores et déjà, les échos qui parviennent au Bureau de Coordination Nationale du RRSSJ font état des retombées positives de l’action de lobbying et de plaidoyer, menée au niveau international.
Rédaction : Vous revenez de l’extérieur du pays, pouvez-vous résumez en quelques mots votre voyage?
Emmanuel Kabengele (E.K.) : Mon séjour de deux semaines à l’Etranger était essentiellement une tournée de plaidoyer international dans le cadre de suivi des recommandations du rapport publié conjointement avec des ONG nationales et internationales. Ce rapport intitulé « RDC : prendre position pour la réforme du secteur de sécurité » a pour but d’attirer l’attention des partenaires de la RDC sur la nécessité d’activer particulièrement la réforme de l’Armée en particulier, où on n’a pas enregistré des grands progrès (avancées significatives).
Rédaction : Pouvez-vous nous citer les pays que vous avez visités et pourquoi ?
E .K. : Les recommandations du rapport ont ciblé un certain nombre de pays et d’institutions internationales (la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International, les Nations Unies…) directement intéressés par le processus de la réforme du secteur de sécurité en RDC. C’est dans ce contexte que j’ai été aux Etats-Unis, précisément à Washington DC siège des Institutions de Bretton Woods et à New-York où siège l’Organisation des Nations Unies. A Paris, j’ai eu à échanger avec les hauts fonctionnaires du Ministère des Affaires Etrangères, celui de la Défense ainsi qu’avec l’Ambassadeur de la RDC en France.
A Berlin, j’ai eu des séances de travail aux Ministères des Affaires Etrangères, de la Coopération au développement, et avec quelques Députés allemand.
A Bruxelles, j’ai été reçu au Ministère des Affaires Etrangères et au Ministère de la Défense. Il s’en est suivi une séance de travail au siège de l’Union européenne, avec le Parlement Européen et des délégués des Etats membres de l’Union européenne.
Rédaction : Après tous ces contacts et échanges, quelles sont vos attentes ?
E.K. : J’en ai plusieurs. Je m’attends à une réponse forte de la part des pays et institutions visités, en termes d’appuis significatifs à la réforme de l’Armée qui doit prendre de l’envol en RDC et se mettre au diapason d’autres processus en cours, notamment celui de la Police Nationale. Le dernier son de cloche qui vient de nous être donné par le Conseil de Sécurité des Nations Unies la semaine dernière nous rassure du fait que nous avons été entendus. Toutefois, nous attendons la reconfiguration effective du mandat de la MONUSCO, annoncée pour le mois de juin prochain.
Rédaction : A peine une semaine depuis votre retour au pays, que déjà le Conseil de Sécurité des Nations unies réagit par une déclaration à la presse sur la RDC, comment percevez-vous cette prompte réponse ?
E.K. : Pour nous, c’est déjà dans l’esprit des recommandations du rapport sus évoqué. Je l’ai présenté le 20 avril dernier devant les 15 membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Juste quelques jours après, ils réagissent, c’est énorme. Surtout lorsqu’ils évoquent le cas de Bosco Ntaganda et qu’ils insistent sur la désarmement des groupes armés comme nous l’avons recommandé, j’affirme que, quelque part, nous avons été entendus.
Rédaction : Dans leur déclaration, les membres du Conseil de Sécurité ont souligné l’importance de la poursuite du processus d’intégration dont l’échec est à la base des multiples défections enregistrées dans les rangs des Forces Armées de la RDC (FARDC), pensez-vous que, pour la cohésion de l’armée, qu’il soit nécessaire de persévérer dans cette voie?
E.K. : Je le pense bien. A mon avis, si le processus se fait avec beaucoup plus de professionnalisme et avec un engagement de la part des éléments à réintégrer, cela pourrait aboutir à l’une des solutions recommandées dans le rapport pour la démilitarisation de l’Est de la RDC.
Rédaction : Quelle est votre réaction lorsque dans cette même déclaration le Conseil de Sécurité enjoint les autorités congolaises de continuer avec l’appui de la MONUSCO, d’élaborer et de mettre en place une stratégie détaillée de construction d’un secteur de sécurité efficace en RDC ?
E.K. :C’est l’une des recommandations-clés du rapport. Au fait, la réforme du secteur de sécurité se doit d’être menée sous le leadership du Gouvernement congolais qui, malheureusement, tarde à se manifester.
Rédaction : Pourquoi le Gouvernement tarde-t-il sur une question si cruciale qu’est la sécurité de la population ?
E.K. : Je ne suis pas habilité à répondre à la place du Gouvernement mais, à mon avis, le problème doit être à deux niveaux : soit c’est la volonté politique du Gouvernement qui fait défaut, soit, il y a un sérieux retard dans la matérialisation de cette volonté politique.
Rédaction : Vous avez évoqué le cas du général Bosco Ntaganda, le Conseil de Sécurité recommande au Gouvernement congolais d’enquêter sur lui particulièrement et sur tous les membres des groupes armés qui ont perpétré des crimes sur les femmes et les enfants et de les traduire en justice, qu’en pensez-vous ?
E.K. : Dans notre rapport et même parmi les actions prioritaires à mener, la lutte contre l’impunité occupe une place de choix. Si Bosco Ntaganda est mis entre les mains de la Justice c’est déjà un bon début.
Rédaction : Après tous ces échanges, quel est l’impact réel de votre tournée sur le RRSSJ ?
E.K. : Si je puis parler en termes d’impact, le plus grand atout est la visibilité accrue du RRSSJ au travers de ce plaidoyer international et la multiplication de contacts noués pour un partenariat élargi et diversifié dans les jours à venir.