[Jeune Afrique] La retraite des militaires congolaisface à l’avancée d’un nouveau mouvement rebelle dans le Nord-Kivu confirmeencore une fois l’état préoccupant des forces de sécurité congolaises.
« Que la population reste tranquille,qu’elle fasse confiance à son armée. C’est la seule armée qu’elle a detoutes les façons. » Derrière cet appel au calme lancé le 10 juillet depuisGoma par Didier Etumba, le chef d’état-major des Forces armées de la Républiquedémocratique du Congo (FARDC),il y a comme un aveu. En effet, les Congolais n’ont que cette armée. Etc’est loin d’être une assurance-vie. En moins de trois jours, du 6 au 8juillet, une colonnerebelle composée au grand maximum de 2 000 hommesa bousculé 4 000 militaires déployés sur une étroite bande du Nord-Kivufrontalière de l’Ouganda et du Rwanda. Le mouvement du M23, créé et commandépar un colonel séditieux depuis début mai, Sultani Makenga, a conquis unedemi-douzaine de localités avant de se replier sur Bunagana. Sans coupférir.
« Après la défaite de Bunagana,le seul endroit où il y a eu véritablement des combats, il y a eu l’abandonde Rutshuru, où l’armée a plié bagage », résume un haut fonctionnaire internationalchargé des questions de sécurité en RDC. Pourquoi ? « La combativité supposéedes FARDC s’est évanouie dès que le M23 a musclé son jeu. L’histoire tourneen rond, c’est désespérant », lance ThierryVircoulon, le directeur d’International Crisis Group (ICG)en Afrique centrale. Le moral, la discipline et l’équipement des troupessont en cause. Encore une fois, certains soldats s’en sont pris aux populations.Mais la plus grosse lacune concerne le commandement.
Une intégration des ex-rebelles »imposée »
« Des unités valables, formées par la Belgique et l’Afrique du Sud, étaient sur le front. Mais la coordinationa fait défaut. Les échelons intermédiaires ne sont pas à la hauteur »,explique notre expert, qui pointe notamment l’insuffisance en moyens de communication. « Il est difficile de faire des merveilles avec seulementdes puces pour téléphone portable ! » C’est le fruit de l’Histoire dansun pays qui se reconstruit péniblement depuis une dizaine d’années. Les derniers officiers sont sortis des écoles militaires il y a vingt ans.Et cela fait seulement deux ou trois ans que les programmes de formationont repris.
Autre aspect, et pas des moindres,le « brassage » à marche forcée des ex-rebelles depuis les accords de paixde Sun City, signés en 2002. La dernière intégration au sein des FARDC,début 2009, a concerné les 4 500 hommes du Congrèsnational pour la défense du peuple (CNDP) dirigés par Bosco Ntagandaaprès la mise sur la touche de Laurent Nkunda. Dans la foulée, Bosco Ntagandaest catapulté général, malgré un mandat d’arrêt lancé, en 2006, par laCour pénale internationale (voir encadré ci-dessous). Trois ans plus tard,celui que l’on appelle Terminator a pris le maquis avec un carré de fidèles,qui pour certains ont rejoint Makenga. « Parmi ceux qui sont restés ausein de l’armée, un bon nombre compose une sorte de cinquième colonne renseignantle M23 », assure un diplomate européen en poste à Kinshasa. Un proche collaborateurdu présidentJoseph Kabila ne démentpas : « La communauté internationale nous a imposé d’intégrer des mutinset des rebelles sans formation, cela a été un coup fatal. » De fait, lesgrades ont été généreusement distribués à d’ex-chefs de guerre dont laprincipale occupation a consisté à détourner les soldes versées à la troupe.Si on ajoute à cela les commandements parallèles court-circuitant l’état-majorde Kinshasa, les alliances nouées entre officiers dans les Kivus pour contrôlerles mines de cassitérite…, c’est la chronique d’un désastre annoncé.
« Seuls des pourparlers régionauxpeuvent offrir une issue »
Même si le M23 a la « politesse» de ne pas vouloir prendre Goma, le rapport des forces sur le terrainlui est favorable. Il contrôle la zone frontalière avec le Rwanda, le parcde la Virunga, et dispose d’appuis dans les montagnes du Masisi. Entreles deux, la route de Goma. De quoi poser ses conditions : « Le retourdes réfugiés congolais qui sont au Rwanda, une bonne démocratie, et nosgrades militaires qui doivent être confirmés », a rappelé Makenga. Passonssur le deuxième point, qui relève de la posture, et sur le troisième, toutaussi improbable pour des mutins qui ont été radiés par le Conseil supérieurde la défense, présidé par Joseph Kabila. Mais le retour des réfugiés estun enjeu lourd. Selon les chiffres du Haut-Commissariat pour les réfugiés(HCR), ce sont 57 000 personnes qui doivent rentrer au pays. Leur régiond’origine est le Masisi, mais leurs terres ont été récupérées par d’autresgroupes communautaires, notamment les Hundes. « Seuls des pourparlers régionauxpeuvent offrir une issue », résume notre diplomate, pour qui il ne faitaucun doute que le Rwanda a les moyens d’agir. Selon un groupe d’expertssur la RDC qui a remis ses conclusions au Conseil de sécurité de l’ONU,le 21 juin, le voisin a apporté une assistance au M23, en hommes et enarmes. Depuis, Bruxelles, New York, Paris, Washington envoient des messagesà Kigali. Le 11 juillet, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, appelaitles présidentsKabila et Kagamé pour leurdemander de « mettre fin à la crise ».
Jeune Afrique