Les rebelles du M23 quittent la ville de Goma

[Le Monde]

03/12/2012)

Le pompiste de la station Congo pétrole, à la sortie de Goma, regarde s’éloigner les pick ups des rebelles du M23 et essaye de calculer combien de litres, dans leur retrait de la grande ville de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), les hommes en arme ont mis dans leurs réservoirs en omettant de payer la note. « Ils ont dit de mettre full tank (le plein) puis ils sont partis comme ça. Ils n’ont pas tous payés mais au moins ils s’en vont », commente-il doucement dans la poussière de la route voisine, ruban de terre qui longe l’aéroport sous contrôle de l’ONU, avant de monter en direction de la région du Rutshuru, où les hommes du M23 ont accepté de se replier samedi, en cédant à des pressions régionales et internationales.
Une semaine plus tôt, la formule de ce retrait avait été arrêtée à Kampala, en Ouganda voisin, lors d’un sommet de la Conférence internationale sur la région des grands lacs (CIRGL), mettant un terme à l’avancée rebelle dans la foulée de leur prise de Goma, le 20 novembre. Il a fallu ensuite plusieurs jours de tractations, avant que le M23 (Mouvement du 23 mars), après avoir rassemblé une partie de ses troupes les plus avancées dans la ville voisine de Saké (à une vingtaine de kilomètres de Goma la veille)la veille, ont finalement quitte la capitale du Nord Kivu samedi en fin de matinée, dans un long convoi de camions flambants neufs de l’Office des routes suivi d’une série de voitures particulières.

PILLAGES

Entré en ville le 20 novembre, le M23 s’était appliqué à tenir ses hommes pour éviter les pillages. Mais les derniers jours, la discipline s’est relâchée. Vendredi, pendant plusieurs heures d’affilée, forces rebelles et casques bleus de la Monusco (Mission de stabilisation de l’ONU en République démocratique du Congo) s’étaient fait face, armes à la main, à l’entrée de l’aéroport, les hommes du M23 exigeant de pénétrer dans l’enceinte pour y prendre possession d’une cargaison de 80 tonnes d’armes, essentiellement des munitions, abandonnées par les forces loyalistes lors de leur fuite pendant la prise de la ville.

Ce n’est pas la seule saisie de matériel militaire du M23. Depuis l’avant-veille, des convois d’armes et de munitions avaient déjà été transportés vers les zones du nord de Goma où l’accord de Kampala prévoit que le M23 soit stationné dans l’attente de négociations avec le pouvoir congolais. Une dizaine de containers de matériel militaire abandonnés par les FARDC (Forces armées de RDC) lors de leur décrochage de Goma a notamment été saisi par le M23 prés du port de Goma. Tout ce matériel a déjà été emmené en camion en zone rebelle, augmentant la puissance de feu potentielle du M23 dans le cas de reprises des hostilités. L’un des camions évacuant le matériel tractait un obusier de 122 mm qui a intéressé les observateurs. Alors que les FARDC disent ne pas avoir abandonné ce type d’armes sur le port, des questions se posent sur ce calibre précis, que des rapports des Nations unies associent avec des unités de l’armée rwandaise dont ils ont établi qu’ils appuyaient le M23 dans certaines opérations, notamment lors de la prise de Goma, comme ils le résument dans leur dernier travail d’enquête.

Le colonel Vianney Kazarama, porte parole du 23 justifiait le fait que son mouvement s’est saisi de véhicule et de matériel appartenant à l’état en nous déclarant : « On prend les moyens de l’état parce que nous sommes en train de créer un état. Dans sommes dans une lutte noble. » De même, pour évoquer les stocks de munition de l’aéroport, le colonel Kazarama parle de  » notre logistique  » et accuse l’Onu de l’avoir  » confisquée. » D’autres pillages ont eu lieu en ville, notamment dans des maisons de responsables politiques et militaires gouvernementaux qui avaient fui la ville le 20 novembre.

« C’EST QUEL GENRE DE LIBÉRATION ? »

Ce départ des forces armées et des responsables politique du mouvement est supposé permettre au M23 de s’installer sur des  » collines stratégiques « , à une vingtaine de kilomètres de Goma, selon une bonne source au sein du M23. Là, les rebelles attendant la suite du processus ouvert par l’accord de Kampala, et tout particulièrement l’ouverture de négociations avec le pouvoir congolais. Prés du commandement de la 8e région militaire, à Goma, où quelques centaines de rebelles s’étaient réunis avant de prendre la route, avec leurs responsables militaires, le chef d’état-major général du M23, le général Sultani Makenga disait depuis sa voiture, prêt à prendre la route penser examiner la situation  » dans les quarante-huit heures « , pour déterminer si l’entrée des forces loyalistes (dont les premiers éléments devraient appartenir au 41e bataillon commando), et les contacts avec Kinshasa se déroulent dans de bonnes conditions. « Par la force ou par la négociation, nous reviendrons à Goma » disait-il avant de démarrer.

A la banque centrale voisine, un détachement de la Monusco et des officier du Mécanisme de vérification conjoint de la CIRGL prennent possession de l’établissement dans la confusion. De nombreuses rumeurs de pillage ont couru au cours de la présence rebelle en ville, alimentées par des responsables à Kinshasa. En réalité, personne n’a fait sauter les portes des coffres et en l’absence des possesseurs des clefs et du code. Ce n’est pas le pillage généralisé redouté par certains habitants, mais cela anime les esprits. « On dit qu’on nous a libéré, mais c’est quel genre de libération ? Ca fait la quatrième fois que ca nous arrive à Goma, ils (les rebelles) disent qu’ils sont venus pour nous sauver et ils nous enterrent.  » commente John Kamuswekere, un petit commerçant du centre ville. Non loin, un autre habitant de la ville corrige :  » On peut jeter des fleurs au M23 car ils n’ont pas tracassé la population. On n’a pas de problème avec eux. Ils n’ont pris que des butins de guerre et ils ont pillé comme nos soldats avaient pillé avant eux. »

 

 

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