[RTBF]
12/01/2013
Denis Mukwege était l’invité ce samedi du Grand Oral RTBF-Le Soir. Ce médecin, qui s’est fait connaître pour son aide aux femmes violées dans l’Est de la République démocratique du Congo, explique que les soldats des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) participent aux violences sexuelles.
Le gynécologue Denis Mukwege, qui avait dû s’exiler en Belgique après une tentative d’assassinat à Bukavu, rentrera dans son pays ce lundi. Interrogé dans le Grand Oral, il explique que les enfants issus de viols dans l’est de la RDC sont à leur tour victimes de violences sexuelles: « Je travaille maintenant depuis plus de 10 ans à la prise en charge des femmes victimes de violences sexuelles. Depuis quelques années, j’ai observé que les femmes que j’avais soignées et qui ont eu des enfants issus du viol, ces femmes revenaient puisqu’elles étaient violées pour la seconde, la troisième fois. Mais ce qui était encore plus grave, c’est que j’ai observé que, parmi ces femmes, il y en a qui revenaient avec les enfants issus du viol qui étaient, à leur tour, violés. Je crois que comme parent, comme époux, comme enfant, je suis né quand même d’une femme, c’est inacceptable! »
A propos de ce qui se passe dans l’est de la RDC, Denis Mukwege évoque une « responsabilité nationale » du pouvoir: « On ne peut pas dédouaner, sur le plan national, la responsabilité. Lorsqu’on dirige un pays, il y a des choses qu’on doit absolument pouvoir mettre en place. L’Etat de droit, avoir une armée, par exemple ; ce sont des choses dont on ne doit pas se passer. Sinon, s’il n’y a pas une protection de la population » insiste-t-il.
« Vous pouvez avoir des femmes »
Il regrette aussi l’impuissance de l’armée congolaise: « Je n’ai pas peur de le dire, je crois que la façon dont ils ont formé ce qu’ils appellent aujourd’hui FARDC, pour moi, ce n’est pas une armée. Excusez-moi, je pense qu’au Congo, il y a des hommes et des femmes capables de constituer une armée qui peut protéger la population civile. Mais les gens qui sont aujourd’hui dans ce qu’on appelle FARDC, ce sont des anciens groupes armés. Après qu’on ait eu des négociations et qu’on ait signé des accords, on a dit ‘voilà, venez tous ensemble’« .
Des militaires des FARDC participent aux viols, confirme-t-il: « Exactement ! Malheureusement, les groupes armés, la plupart recrutent des enfants qui entrent dans l’armée à l’âge de 10-12 ans, à qui on remet un fusil, en leur disant tout simplement ‘voilà, avec ça, vous pouvez avoir de l’argent, vous pouvez avoir de la nourriture, vous pouvez avoir des femmes’« .