(Le Potentiel)
Les services étaient au courant des attaques du 30 décembre. Qu’est-ce qui s’est passé le lundi 30 décembre 2013 ? C’est la quintessence de la question d’actualité que le sénateur Mutinga, également rapporteur de la Chambre haute du Parlement, a adressé simultanément au vice-Premier ministre, ministre de la Défense nationale et au ministre de l’Intérieur. Dans leurs réponses, ces derniers ont fait des révélations, notamment, les services de sécurité et de défense étaient tous au courant de ces attaques qui ont causé mort d’homme et créé la psychose au sein de la population. Question : si tel est le cas, pourquoi a-t-on donc laissé faire, alors qu’on pouvait anticiper et étouffer le mal dans l’œuf ? Suspense !
Contrairement à toutes les versions distillées dans l’opinion en rapport avec les attaques perpétrées le lundi 30 décembre 2013 simultanément à Kinshasa, Lubumbashi, Kolwezi et Kindu, le gouvernement vient finalement de rendre publique la version officielle des faits à la suite de la question d’actualité du sénateur Modeste Mutinga Mutuishayi. Hier mercredi, Alexandre Luba Ntambo, vice-Premier ministre et ministre de la Défense nationale, Richard Muyej Mangez, ministre de l’Intérieur, ont de la manière la plus officielle présenté à la nation le film des événements du lundi 30 décembre 2013.
Que retenir des interventions de ces deux membres du gouvernement ? En tout cas, une chose – et c’est l’essentiel : les services de la défense et de sécurité étaient tous au courant de ce qui se tramait.
Unanimement, les deux membres du gouvernement ont reconnu que les attaques du 30 décembre n’ont pas été une surprise d’autant que les services commis à la défense et à la sécurité du territoire national suivaient le mouvement des instigateurs. Autrement dit, les services étaient conscients de l’imminence de l’attaque, surtout qu’ils étaient au courant des dates projetées pour passer à l’action.
Les membres du gouvernement ont tenté de balayer d’un revers de la main la première préoccupation du sénateur Mutinga, clairement exprimée en ces termes : « Etant donné que les attaques se sont déroulées de manière simultanée dans trois provinces, nous sommes en droit de conclure qu’il s’agissait d’une action planifiée et coordonnée. Comment nos services, dont on connaît l’efficacité habituelle, n’ont-ils pas eu vent de la préparation de ce complot afin de l’étouffer dans l’œuf ? »
Pour le vice-Premier ministre et ministre de la Défense nationale, « les assaillants n’ont nullement surpris les forces de défense et de sécurité », alors que pour son collègue de l’Intérieur, « nos services étaient effectivement informés de la menace que présentait « le ministère de la Restauration » du prophète Mukungubila Mutombo ». Ce qui, selon lui, « a justifié la prise en charge de l’intéressé ».
LES ZONES D’OMBRE
Seulement voilà. Si tel était le cas, pourquoi n’a-t-on pas anticipé ? Pourquoi a-t-on laissé pourrir la situation jusqu’à subir les attaques du 30 décembre 2013 alors que l’on pouvait les empêcher et cueillir les insurgés sans qu’il y ait écoulement de sang ? Autant de questions qui taraudent les esprits, davantage ravivées avec les nouvelles révélations des membres du gouvernement. Que les services de défense et de sécurité aient été au courant, cela suppose qu’on pouvait bien éviter la centaine de morts qu’on a enregistrée dans cette journée.
Par ailleurs, un os est survenu dans l’argumentaire des délégués du gouvernement à la Chambre haute du Parlement. Ils ont fait état une commission ad hoc qui devait apporter toute la lumière sur ce qui ce qui s’est réellement passé le 30 décembre 2013, simultanément à Kinshasa, Kindu, Lubumbashi et Kolwezi. « La suite de l’enquête, promet Alexandre Luba, permettra au gouvernement d’en savoir davantage sur les responsabilités, sur les ramifications et autres complicités éventuelles ». Point de vue également exprimé par Richard Muyej pour qui « les conclusions (de cette commission) détermineront le degré de responsabilité des uns et des autres ».
Cette annonce aussi rassurante soit-elle laisse ouverte la voie à toutes sortes de supputations. C’est surtout sur l’absence d’une action de dissuasion du moment que les services de renseignements avaient fait leur travail. Ne dit-on pas que mieux prévenir que guérir?
Le ministre de l’Intérieur trouve cependant une bonne raison de se défendre. Selon lui, « dès qu’il y a eu des indices d’insécurité, toutes affaires cessantes, les services de sécurité et de défense se sont déployés pour neutraliser les assaillants et rétablir ainsi l’ordre public qui était perturbé dans trois provinces ». « Le plus important à retenir, souligne-t-il, est que ces services se sont montrés à la hauteur de la tâche, comme en témoigne aujourd’hui la quiétude qui règne au sein de cet Hémicycle ». Soit !
Toutefois, la question d’actualité du sénateur Mutinga a permis de lever un pan de voile sur les événements survenus le 30 décembre 2013. Les réponses de deux membres du gouvernement à la tribune du Sénat ont soulevé bien des préoccupations et non des moindres. Il s’agit de chercher à comprendre pourquoi les services de défense et de sécurité n’ont pas précédé ces événements ? N’avaient-ils pas reçu les ordres ?
Ou cherchaient-ils encore à en savoir plus lorsque les assaillants sont entrés en action ?
Cela laisse entrevoir l’existence des hics sinon des zones d’ombre autour de ces attaques. Le gouvernement se devait de crever l’abcès pour tirer cette affaire au clair. Peut-être la réponse viendra de la commission ad hoc, mise en place à cet effet.
En encadré, la question d’actualité du sénateur Mutinga et la reconstitution telle que présentée par le ministre de l’Intérieur.