(Le Phare)
La République Centrafricaine de 2014 marche sur les pas de la République Démocratique du Congo. L’annonce, par le Secrétaire général de l’ONU, du projet de déploiement de 12.000 hommes en territoire centrafricain, rappelle à de nombreux Congolais les 17.000 casques bleus présents dans leur pays, avec une forte concentration au Nord-Kivu. Le compteur signale aujourd’hui près de 20.000 soldats étrangers en RDC, en tenant compte du contingent de la Brigade Internationale. Mais la paix y reste encore précaire, en dépit de l’éradication du M23 et des opérations de traque d’autres forces négatives nationales et étrangères par l’armée congolaise, avec l’appui des troupes onusiennes.
Même si les Nations Unies ont beaucoup fait pour stabiliser la partie Est du grand Congo, de nombreuses critiques sont émises au sujet de nombreux foyers d’insécurité encore actifs et de nature à donner l’impression que l’interminable « guerre de l’Est » s’apparenterait à un business. Ainsi, la présence sur leur territoire d’un des plus forts contingents militaires onusiens dans les annales des opérations de maintien de la paix à travers le monde et la mobilisation d’importants moyens financiers à cette fin continuent de soulever la controverse.
Qu’à cela ne tienne, les Congolais peuvent se réjouir de commencer à voir le bout du tunnel de la « libération » de leur patrie de l’emprise de certains voisins indélicats et belliqueux.
L’initiative de Ban ki-moon en faveur du peuple centrafricain laisse penser que l’insécurité qui prévaut à Bangui ainsi que dans plusieurs villes et localités de la RCA dépasse les capacités d’intervention de l’armée française et des troupes africaines venues en appui à l’opération «Sangaris».
Un tel message souligne mieux que de nombreux discours la situation chaotique qui prévaut en Centrafrique, à l’instar du Congo de 1999, où l’on avait compté une constellation d’armées africaines et de mouvements rebelles, avec des agendas divers et divergents. A l’époque, l’année ayant suivi la chute du maréchal Mobutu avait vu la RDCongo prise en otage d’une part par les rébellions du RCD (Rassemblement Congolais pour la Démocratie) et du MLC (Mouvement de Libération du Congo) soutenues par les armées du Rwanda et de l’Ouganda et, d’autre part, par les armées de l’Angola, de Namibie et du Zimbabwe, venues à la rescousse du pouvoir en place à Kinshasa. Deux théories s’affrontaient sur le terrain diplomatique : « guerre de libération » dans l’entendement des mouvements rebelles pro-rwandais et ougandais, « guerre d’agression » dans le lexique du gouvernement de Kinshasa.
Dans le but d’éviter une « guerre mondiale africaine », les Nations Unies s’étaient finalement résolues d’y positionner des troupes d’interposition, qui avaient laissé à chaque camp belligérant le soin d’administrer souverainement son « morceau » du Congo de 1998 à 2003, année de la mise en œuvre de l’Accord global et inclusif signé en décembre 2002 à Sun City, au terme du Dialogue intercongolais. A ce jour, en dépit de la fin de la période de Transition et de l’organisation, en 2006 et 2011, d’élections législatives et présidentielles, le pays connaît une situation sécuritaire toujours volatile en Province Orientale, au Nord-Kivu, au Sud-Kivu, au Maniema et au Nord-Katanga, en dépit de la présence d’un contingent de plus de 17.000 casques bleus dans ses murs.
Forces négatives : un fléau difficile à vaincre
Les Congolais savent, mieux que quiconque, que les Centrafricains sont partis pour une « longue nuit » d’insécurité, surtout que leurs « Seleka » et « Anti-Balaka », qui font penser aux nébuleuses Mai-Mai de l’Est, entretiennent de solides « bases » à Bangui. La chance de la RDC, c’est de voir les forces négatives internes se livrer aux tueries, viols et pillages loin de la capitale. Les troupes françaises et africaines présentes dans la capitale centrafricaine ont pu noter à quel point il est difficile d’éradiquer des hors-la-loi prêts à se fondre dans la population civile, exactement comme le font les Mai-Mai au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et au Nord-Katanga.
Comme déjà souligné dans nos productions antérieures, la RDCongo doit se montrer fort attentive à tout ce qui se passe de l’autre côté de la rivière Oubangui, de manière à étouffer toute tentative d’exportation de l’insécurité dans la province de l’Equateur. Le déploiement futur des casques bleus en Centrafrique doit être capitalisé dans le sens du renforcement de la présence des FARDC le long de la frontière commune, de manière à éviter la bêtise de 1994 au Nord-Kivu, après l’assassinat suivi de la chute du régime de Juvénal Habyarimana. Kinshasa devrait se sentir interpellé par toutes les missions de paix en œuvre en territoire centrafricain.
La grande leçon à tirer des interventions étrangères en Afrique est que plusieurs Etats sont sans armée. par conséquent, ils ont intérêt à construire leur propre système s’ils tiennent à retrouver une paix durable. Car, tôt ou tard, les palliatifs finissent par montrer leurs limites.