(Radio Okapi)
Le Représentant spécial du Secrétaire général de l’Onu et chef de la Monusco (Mission des Nations Unies pour la Stabilisation au Congo), Martin Köbler vient d’obtenir difficilement, au Conseil de Sécurité, la prolongation du mandat de cette force pour une année, soit jusqu’au 31 mars 2015. Le principal sujet de débat était le coût exorbitant de l’entretien des Casques Bleus et du personnel civil en territoire congolais, soit un milliard cinq cents millions de dollars américains par an.
Plusieurs Etats contributeurs ne sont plus chauds à continuer à supporter cet « effort de guerre », en raison du sentiment que les décideurs congolais semblent traîner les pieds dans le processus de réforme de l’armée nationale. Aussi les membres du Conseil de Sécurité ont-ils recommandé à Martin Köbler et ses collaborateurs de réfléchir déjà aux modalités de retrait des éléments de la Monusco de la scène congolaise. Bien que le précité ait apaisé tout le monde en assurant que rien ne ferait dans la précipitation, il a toutefois précisé que le retrait progressif des forces onusiennes est un processus irréversible.
Le vrai message de Köbler aux Congolais est que le compte à rebours a commencé. Il s’agit d’un avertissement sans frais à tous ceux qui, dans le cercle des décideurs politiques et militaires, étaient tentés de croire que la sécurité du territoire national, et particulièrement de sa partie Est, serait assurée par les troupes onusiennes pour une durée indéterminée. Maintenant, il faut se réveiller et penser à accélérer le processus de réforme de l’armée, de la police et des services de sécurité.
Le temps nous est désormais compté. D’ores et déjà, le dispositif national de sécurité devrait bouger dans la perspective de l’auto-prise en charge, dans un avenir plus ou moins proche, de tout ce qui a trait à la défense de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale.
Faut-il se réjouir ou pleurer ?
Les Congolais devraient-ils se réjouir ou pleurer, à l’annonce du projet de retrait des forces onusiennes des terres de leurs ancêtres ? Logiquement, on devrait être heureux d’avoir enfin l’occasion de montrer à la face du monde qu’on est capables de s’assumer au plan sécuritaire. Il faut avouer que les gouvernants comme les civils congolais se sont parfois montrés sévères dans leur critique des actions de la Monusco, l’accusant de ne pas protéger suffisamment les populations civiles et de ménager les forces négatives étrangères (cas de la prise de Goma par le M23 en novembre 2012).
Dans plusieurs déclarations officielles, les autorités congolaises ont eu à réclamer le retrait de la Monusco du territoire congolais, estimant que les FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du Congo) étaient capables de sécuriser les personnes et leurs biens sur toute l’étendue de la République. Vu sous cet angle, le projet de décrochage de la Monusco du territoire congolais tombe à pic, car il va permettre à l’armée nationale, à la police nationale et aux services de sécurité de faire valoir leur technicité et leur professionnalisme dans le domaine de la défense nationale.
La leçon de La Crimée…
Les Congolais devraient tirer la leçon toute fraiche de La Crimée, annexée par la Russie parce que l’Ukraine n’a pas les moyens militaires de s’opposer au diktat de son voisin. Il y a aussi la Corée du Sud qui continue d’être l’otage de l’armée américaine depuis plus d’un demi-siècle, sous prétexte des menaces de son voisin belliqueux du Nord. La RDC aurait déjà perdu le Nord-Kivu et le Sud-Kivu depuis 1999 n’eut été la présence de la Monusco sur le théâtre des opérations. D’où, il n’est pas exclu qu’avec la perspective du retrait des troupes onusiennes, l’Ouganda et le Rwanda ne se remettent à peaufiner des stratégies de reconquête de cette partie du territoire national.
La construction d’une armée professionnelle, forte et républicaine doit être la priorité des priorités des gouvernants de la RDCongo, afin de prévenir des lendemains difficiles post-Monusco. Car, les velléités annexionnistes rwandaises et ougandaises ne tarderaient pas à se manifester dès que les casques bleus plieraient bagages. L’histoire nous a déjà montré que le droit international ne pèse pas devant la loi de la force émanant des Etats militairement puissants par rapport aux Etats victimes d’agression.
Si les Congolais ne prennent pas la mesure des enjeux militaires de demain, la balkanisation tant redoutée serait un jeu d’enfant pour le Rwanda et l’Ouganda. Leurs armées ne demandent pas mieux que de renouer avec leurs safaris militaires au Congo.