FFJ appelle l’Etat congolais à cesser d’emprisonner le journaliste

(Le Potentiel)

A l’occasion de la célébration de la 21ème  Journée internationale de la liberté de la presse commémorée le 3 mai de chaque année, Freedom for journalist (FFJ), rappelle à l’Etat congolais l’irréversible mouvance de la dépénalisation des délits de presse qui reste une réelle exigence de la démocratie dans le monde.
Freedom for journalist (FFJ), association de défense et de promotion de la liberté de la presse en République démocratique du Congo, souligne que célébrée cette année sous le thème «La liberté des medias pour un avenir meilleur : contribuer à l’agenda de développement post-2015 », la Journée internationale de la presse devrait interpeller particulièrement le gouvernement de la République démocratique du Congo à favoriser l’exercice de la liberté de la presse, pour ainsi espérer voir les médias apporter une contribution à l’essor de la communauté.

Cette organisation fait remarquer que le pays se prépare à affronter des enjeux sociopolitiques déterminants d’ici 2016. Par conséquent, les dirigeants devront créer un environnement propice en vue de permettre aux médias et aux journalistes de couvrir, en toute sécurité et indépendance, des élections générales, nécessaires dans un pays démocratique. Seuls des médias libres et indépendants pourront accompagner ces scrutins et donner une information au-delà des clivages.

Par médias libres, il y a lieu d’entendre ceux qui exercent dans un environnement favorable et sécurisé, régis par des textes non liberticides où les journalistes ont accès à la critique à travers leurs écrits qui interpellent les dirigeants sur la gestion de la cité, et où les gouvernants devront savoir qu’ils sont soumis à l’obligation de reddition des comptes à leurs populations.

Le développement, concept contenu dans le thème, n’est envisagé que dans un contexte d’un Etat organisé et structuré avec des dirigeants réellement élus par le peuple et mus par l’intérêt général.

Si certains médias privés exercent dans la plus grande peur d’être suspendus, le principal média audiovisuel public de la RDC, la Radiotélévision nationale congolaise (RTNC), censé cependant recevoir tous les courants sociopolitiques du pays, est devenu un média d’Etat, mieux un instrument de propagande politique, très enclin à faire l’apologie de la pensée unique et dont les journalistes sont soumis à la toute puissance politique. Le pluralisme d’opinions n’y est  nullement garanti, préjudiciant, par ce fait, tout effort du développement qu’un média pluraliste est appelé à apporter à l’ensemble de la communauté.

Une loi liberticide

En République démocratique du Congo, aucune initiative de réforme en faveur des médias et des journalistes n’a jamais été entreprise par le pouvoir politique. Des projets et autres propositions de loi initiés n’ont, à ce jour, fait l’objet d’examen ni d’adoption au niveau du Parlement. C’est notamment, la proposition de loi portant accès à l’information publique, l’actuelle loi sur la liberté de la presse garde tout son caractère liberticide, alors qu’une version revue et corrigée portée par des organisations professionnelles moisit dans la chemise des arriérés législatifs.

L’acide dans l’actuelle loi est que le journaliste peut, à tout moment, être enfermé en prison pour avoir dit la vérité. Cette loi, héritée de l’époque de la dictature du maréchal Mobutu, donne une large manœuvre au juge qui est en droit de ne se fonder que sur la plainte plutôt que sur la véracité des faits rapportés par le journaliste.

Les facilités prévues par la loi sur la liberté de la presse au profit des médias ne sont toujours pas accordées. Les promesses gouvernementales de se conformer à la réglementation  ne sont, jusqu’à ce jour, pas  réalisées, contraignant ainsi la profession à se mourir. Les journalistes exercent le métier dans la peur en s’imposant la censure et l’autocensure.

En 2013, les journalistes ont été l’objet de toutes sortes de violations, allant de l’interpellation, des menaces à l’assassinat. Le rapport 2013 de FFJ a enregistré deux cas d’assassinats. Dans l’ensemble, FFJ a documenté 119 allégations d’atteinte à la liberté de la presse et du droit du public à l’information.

A l’entrée de la nouvelle année 2014, l’organisation a déjà enregistré une trentaine de cas d’atteinte aux droits civils et politiques du journaliste dont un tué et une dizaine d’allégations du droit du public à l’information. Les statistiques présagent un nombre effroyable à la fin de l’année.  A la célébration de cette mémorable journée, l’étrange atteinte à la liberté de la presse a été l’enlèvement nocturne d’un journaliste de son lieu de reportage pour la prison centrale de Kinshasa puis l’agression, dans la même période, d’un défenseur de la liberté de la presse dans le pays.

La justice instrumentalisée

Pire, en plein 21ème siècle et en dépit de la clameur du globe, l’Etat congolais continue à mettre le journaliste en prison contre le vœu international visant l’interdiction de la pratique qui va en nette contradiction avec des exigences de la démocratie. Les gouvernants se sont, tout au long de l’année, servis des médias et des journalistes qu’ils en ont servis, allant de l’intimidation des journalistes à l’instrumentalisation de la justice contre des médias et des professionnels des médias censés pourtant être libres et indépendants.

Deux chaînes de télévision proches de l’opposition ont été suspendues depuis 2011 et aucune volonté politique de réouverture n’a été affichée.

Les journalistes dans l’Est de la RDC ont connu un incroyable martyr semblable à celui de leurs confrères du nord malien. Si les journalistes français Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont succombé atrocement à la cruauté des rebelles maliens du MNLA, dans l’est de la RDC, le journaliste Guylain Chanjaro a été retrouvé tué, Jean-Michel Luwawa, journaliste comme lui, a été retrouvé pendu au centre du pays. Aucune enquête gouvernementale sérieuse n’a pu être menée pour élucider les circonstances de ce double meurtre.

Les atteintes à la liberté de la presse enregistrées sans cesse en augmentation sont l’œuvre, pour la plupart des cas, de certains détenteurs de la puissance publique. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication, censé réguler en toute indépendance les organes de presse, est, à souhait, instrumentalisé par les politiques en violation de sa propre législation, et en permanent conflit de compétence avec le ministère des Médias, censé disparaître en conformité avec la loi du 22 juin 1996 fixant les modalités de l’exercice de la liberté de la presse.

Au chapitre des recommandations, le gouvernement que FFJ accuse, à raison, d’apporter une tacite protection aux prédateurs de la liberté de la presse, avec en prime, une complice impunité, doit sans attendre : engager des poursuites pénales contre les ennemis d’une presse pluraliste, libre et indépendante, initier une loi portant dépénalisation des délits de presse, accélérer l’examen et l’adoption de la proposition de loi portant accès à l’information publique, mettre en place une commission d’enquête mixte gouvernement-organisations de défense de la liberté de la presse en vue d’apporter toute la lumière sur les deux cas d’assassinats des journalistes, rétablir les télévisions réputées proches de l’opposition suspendues depuis les élections générales de 2011, favoriser l’exercice libre et indépendant de la liberté de la presse, ouvrir le média audiovisuel public à toutes les opinions sociopolitiques.

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A propos de l'auteur : Adeline Marthe

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