Nouvelle rébellion à l’Est : réalité ou piège ?

(Le Phare)

Depuis la défaite militaire des rebelles du M 23, en novembre 2013 et celle, toute récente, de leurs homologues ougandais de l’ADF-Nalu, nos compatriotes de l’Est du pays devraient en principe commencer à humer l’air frais de la paix.

Mais, la voie devant mener à la pacification totale et durable de cette partie de la République, semble encore longue.

Alors que les FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du Congo) et les forces onusiennes se préparent à attaquer les FDLR (Forces Démocratique pour la Libération du Rwanda), conformément aux prescrits de l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba et de la Résolution 2098 du Conseil de Sécurité de l’Onu, la Société Civile du Nord-Kivu fait état de la naissance d’une nouvelle rébellion dans cette partie du pays. Celle-ci porterait un emblème pour le moins étonnant : « Force pour la Protection du Peuple Hutu » (FPPH). Depuis quand des Hutus congolais se sentiraient-ils en insécurité dans un territoire où pullulent des centaines d’éléments FDLR, avec lesquels ils partagent la même souche ethnique ? Voilà l’énigme à laquelle il faudrait répondre avec exactitude, au risque de ne pas cerner les véritables contours de ce mouvement rebelle.

En tous les cas, la localité de Lubero aurait été choisie comme la base de son futur état-major opérationnel. Il y aurait à sa tête un certain colonel Kasongo, décrit comme un ancien du RCD (Rassemblement Congolais pour la Démocratie), du PPD et du CNDP (Congrès National pour la Défense du Peuple) et un des bénéficiaires du programme de désarmement, démobilisation, réinsertion. On prêterait à la FPPH l’intention de s’appuyer sur les FDLR et les Mai-Mai Nyatura avec pour objectif inavoué de mener des actions militaires pour la conquête future des territoires de Beni, Rutshuru, Masisi et Nyiragongo, en vue de la création d’une province autonome, ayant pour chef-lieu la ville de Goma.

Selon toujours la Société Civile du Nord-Kivu, certains membres des institutions de la République (Sénat, Assemblée Nationale, Gouvernement), originaires du Nord-Kivu, seraient au parfum du projet et auraient même marqué leur accord pour son financement. Encore au stade embryonnaire, ladite rébellion serait occupée à recruter et à former militairement des jeunes combattants dans les localités de Mwekwe, Munol, Buleusa, Busu et Kisavulo.

Réalité ou piège ?

Faut-il croire ou non à l’alerte donnée par la Société Civile du Nord-Kivu ? Ne s’agirait-il pas d’un nouveau piège tendu à la RDC, dans le but de la détourner de sa mission consistant à déclencher la chasse aux rebelles Hutu, qui y perpètrent des pillages des minerais, des vols des produits de champ et de l’élevage, des viols, des tueries…depuis deux décennies ? C’est le lieu d’inviter les services compétents des renseignements civils et militaires à quadriller davantage la zone de Lubero en particulier et le « Grand Nord » en général pour savoir de quoi il retourne réellement.

Car, sans informations suffisamment vérifiées et recoupées, la RDCongo risque de se lancer dans une traque aveugle des Hutus, oubliant que les Tutsi rwandais, principaux animateurs des rébellions qui déchirent le pays depuis 1996, n’ont pas encore dit leur dernier mot. Ne serait-on pas dans un schéma visant à distraire les forces congolaises de sécurité, afin de les lancer sur une fausse piste, alors que le véritable danger se trouve être le M23 en hibernation à nos frontières ?

L’on en est sans ignorer que le colonel Sultani Makenga et ses hommes, bien que défaits militairement et exclus pour la plupart du bénéfice de l’amnistie, campent toujours en Ouganda et au Rwanda, où ils ne cessent de recruter et de reconstituer leur arsenal militaire, dans un objectif que chaque Congolaise et Congolais peuvent deviner : relancer les hostilités au Nord-Kivu.

Par conséquent, les FARDC devraient prendre les dispositions utiles en vue de renforcer leur présence militaire dans tous les « points chauds » (Beni, Rutshuru, Masisi, Nyiragongo, Goma) cités par la Société Civile du Nord-Kivu. En tout cas, l’annonce d’une rébellion ayant pour préoccupation principale la protection des Hutu en RDC parait fort suspecte. Elle mérite un sérieux suivi, afin d’éviter toute désagréable surprise.  Dans cette province où tout est possible, rien ne devait être négligée.

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A propos de l'auteur : Adeline Marthe

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