RDC / Rwanda: accrochages à la frontière, pourquoi cette escalade?

(RFI)

Pour la deuxième journée consécutive, des tirs ont résonné jeudi matin pendant près d’une heure à la frontière entre le Rwanda et la République démocratique du Congo. Des tirs à l’arme lourde au même endroit que la veille, à une vingtaine de kilomètres au nord de Goma. Le calme est revenu mais les deux armées ont renforcé leurs positions. Ce sont les premiers échanges de tirs après plus de 6 mois de calme à la frontière. La Monusco et le Quai d’Orsay appellent les deux parties à la retenue.

La première conséquence de ces accrochages a été un renforcement de la présence militaire de chaque côté de la frontière. Côté congolais, 3 chars ont été placés à 20 kilomètres sur la route vers Goma. Côté rwandais, des témoins parlent de plusieurs chars qui auraient été déployés de l’autre côté de la frontière. Selon les analystes, que chacun renforce le dispositif militaire est une mesure de précaution classique, mais c’est aussi le signe d’une tension qui est montée d’un cran il y a 48 heures et qui met du temps à redescendre.

Pour preuve, beaucoup de villageois ont fuit la zone. Pas de chiffres officiels, mais c’est le reflexe dans cette zone instable : fuir en attendant que ça se calme. Enfin, une petite fille de 14 ans a été retrouvée tuée par balle. Les autorités congolaises ont dit qu’elles ouvraient une enquête pour savoir si elle a été tuée par des tirs congolais ou rwandais.

Bilans contradictoires

Les deux pays s’accusent mutuellement d’être à l’origine de ces accrochages. Ils ne sont pas non plus d’accord sur le bilan des violences qui ont éclaté mercredi. Kigali affirme avoir tué 5 soldats congolais. Jeudi, l’armée rwandaise a montré à la presse cinq cadavres, présentés comme ceux de militaires de République démocratique du Congo tués lors de ces échauffourées. Une information que Kinshasa dément catégoriquement. Le Congo affirme qu’il n’y a eu qu’un seul soldat tué hier : un caporal de l’armée congolaise.

Il en va de même sur l’origine de la salve de tirs de jeudi. Kinshasa affirme qu’il y a eu une incursion de l’armée rwandaise sur son territoire. Opération au cours de laquelle un soldat aurait été capturé, puis exécuté par l’armée rwandaise. Le Rwanda affirme l’inverse. Des soldats congolais seraient venus au Rwanda à deux reprises et ouvert le feu. Les forces rwandaises auraient choisi de riposter.

Impossible d’avoir une version concordante de l’origine de ces accrochages. Et vu les relations historiquement compliquées entre le Rwanda et la RDC, il n’y en aura sans doute pas.

Regain de tensions dans une zone disputée

Cette zone frontalière, et en particulier cette position militaire de Kanyésheja où ont eu lieu les échanges de tirs, a été a plusieurs reprises l’objet de tension. En janvier déjà, il y avait eu un conflit de démarcation de la frontière qui s’était arrangé par le dialogue. Que ce soit sur l’appartenance d’un pâturage, au Rwanda ou au Congo, ou du bétail qui traverse, à cet endroit, la frontière est particulièrement mal délimitée. Elle sillonne entre les collines, est il n’est donc pas toujours facile de savoir si l’on est au Rwanda ou au Congo.

Résultat : une hypothèse est de dire qu’une banale traversé de soldat du mauvais côté a dégénéré. Mais ce qui est nouveau, ce sont les échanges de tirs et surtout les tirs à l’arme lourde mercredi et jeudi.

Les deux côtés s’accusent mutuellement

Pour Kinshasa, les autorités de Kigali seraient nerveuses depuis le début du processus de  désarmement des rebelles hutus rwandais du FDLR, les Forces de libération démocratiques du Rwanda, ennemis historiques de Kigali. Cette attaque viserait à faire capoter ce processus de désarmement soutenu par le Congo.

Kigali affirme de son côté subir des incursions répétées de soldats congolais sur son territoire pour voler de la nourriture ou provoquer son armée. Selon certains officiels rwandais, le caporal congolais tué mercredi était un rebelle déguisé en soldat congolais.

C’est extrêmement compliqué. Le Mécanisme conjoint de vérification, un organe où siègent des experts rwandais et congolais et qui est censé arbitrer ces conflits frontaliers a commencé son enquête des deux côtés de la frontière cet après-midi. Ses résultats sont évidemment attendus avec impatience sur le terrain.

 

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A propos de l'auteur : Adeline Marthe

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