Accord-cadre d’Addis-Abeba : bilan mitigé

(Le Potentiel)

Après les Etats-Unis qui ont exigé des Etats signataires une nette implication dans la mise en œuvre de l’accord-cadre d’Addis-Abeba, les Nations unies viennent à leur tour de donner de la voix à un accord qui peine à se mettre en œuvre.

Le secrétaire général, Ban Ki-moon pense cependant que cet accord est « un pilier de la consolidation de la paix et de la stabilité en République démocratique du Congo et dans la région ». Il félicite, par ailleurs, « des progrès réalisés dans la mise en œuvre de notre (Ndlr : Nations unies) stratégie visant à faire face aux cycles récurrents de violence dans l’Est de la République démocratique du Congo et à promouvoir la stabilité dans la région des Grands Lacs ».

Se référant au faible impact sur le terrain, Ban Ki-moon se dit « préoccupé par la lenteur des progrès accomplis dans la mise en œuvre des engagements pris au niveau national, en particulier en ce qui concerne la réforme de l’armée et la mise en place d’une force d’intervention rapide, un élément essentiel de la stratégie de sortie de la MONUSCO énoncée dans la résolution 2147 (2014) ». « Les engagements nationaux étant toutefois liés les uns aux autres, note-t-il, il faut progresser sur tous les fronts pour modifier la dynamique du conflit, ce qui exigera surtout une direction forte ».

Comme bien d’autres dirigeants mondiaux, le secrétaire général des Nations unies aborde la question du processus électoral tel que piloté par la CENI. A ce propos, il rappelle que « la publication en temps voulu de l’intégralité du calendrier électoral, en particulier, contribuera à la réalisation de cet objectif et garantirait que la communauté internationale apporte son plein appui au processus ».

Concernant la neutralisation des FDLR, il est favorable à une solution négociée, souhaitant « la mise en place d’un processus qui permettrait de parvenir à ce résultat sans recourir à une action militaire ». « Mais ce processus, estime-t-il, doit être crédible et assorti de délais précis ». Quant aux ADF-Nalu, Ban Ki-moon souligne qu’ils « ont été sensiblement affaiblies, mais pas vaincues ». C’est dire que, de l’avis du secrétaire général des Nations unies, le bilan à mi-parcours de la mise en œuvre de l’accord-cadre d’Addis-Abeba est mitigé.

Selon le secrétaire général de l’ONU, diverses pesanteurs doivent être préalablement surmontées. Ce qui exige, soutient-il, plus d’implication de tous les acteurs engagés dans le processus de paix dans la région des Grands Lacs.

Ci-dessous, l’essentiel des observations contenues dans le rapport présenté par Ban Ki-moon sur la Mission des Nations unies pour la stabilisation de la RDC.

Encadré
Les observations de Ban Ki-moon

Depuis mon précédent rapport et l’adoption de la résolution 2147 (2014), par laquelle le Conseil de sécurité a prorogé le mandat de la MONUSCO, des progrès ont été réalisés dans la mise en œuvre de notre stratégie visant à faire face aux cycles récurrents de violence dans l’Est de la République démocratique du Congo et à promouvoir la stabilité dans la région des Grands Lacs.

À la suite de la défaite du M23, des opérations militaires contre les ADF se sont poursuivies et les premières mesures en vue du désarmement des FDLR ont été prises. La présence du Gouvernement dans les zones libérées des groupes armés, y compris dans les îlots de stabilité bénéficiant de l’appui de la MONUSCO, augmente progressivement. Ces progrès, quoique louables, sont encore trop lents et restent extrêmement fragiles.

Les ADF ont été sensiblement affaiblies, mais pas vaincues. Malgré les lourdes pertes en vies humaines qu’elles ont subies lors des opérations menées contre les ADF, les FARDC, avec l’appui de la MONUSCO, doivent poursuivre leurs efforts pour démanteler la structure de commandement et de contrôle des ADF.

Le désarmement des FDLR, qui a commencé le 30 mai, doit être mené à son terme sans retard. Je souhaite la mise en place d’un processus qui permettrait de parvenir à ce résultat sans recourir à une action militaire, mais ce processus doit être crédible et assorti de délais précis. L’engagement de tous les partenaires – gouvernement, MONUSCO, SADC et Conférence internationale sur la région des Grands Lacs–, de concert avec les principaux États membres intéressés de la région, est nécessaire pour faire en sorte que le désarmement des FDLR se fasse sans équivoque ni condition préalable. Il faut procéder sans délai à une évaluation rigoureuse de l’action menée à jour, qui n’a pas donné les résultats escomptés après la reddition initiale de quelque 200 combattants des FDLR. Les opérations militaires contre les groupes armés demeurent une option, et devraient à nouveau être sérieusement envisagées si le processus de négociation ne donne pas de résultats satisfaisants.

Des groupes armés sont toujours en activité dans les quatre provinces de l’est et continuent de représenter une grave menace pour les civils. Au lendemain de la défaite du M23, quelque 6 000 éléments des groupes armés se sont rendus aux autorités congolaises et à la MONUSCO. Le descriptif de projet pour le programme de désarmement, démobilisation et réintégration ayant été publié, il incombe au gouvernement congolais, à la MONUSCO et à la communauté internationale de faire en sorte que le programme soit désormais mis en œuvre et doté de ressources suffisantes. Ce programme permettrait non seulement d’empêcher que ces éléments retournent dans les groupes armés, il constituerait aussi un moyen important d’inciter d’autres membres de groupes armés à renoncer à leur mode de vie destructeur. Il est également nécessaire que des progrès concomitants soient réalisés en matière de rétablissement de l’autorité de l’État dans l’est du pays et d’appui aux mesures de stabilisation, si l’on veut qu’il n’y ait pas de vide sécuritaire, que la population reçoive les services essentiels et que la reprise économique s’enracine. J’engage le gouvernement à affecter des moyens suffisants, en particulier des ressources humaines, à la réalisation de cet important objectif, et j’exhorte les donateurs à redoubler d’efforts pour appuyer ces initiatives dans l’est du pays.

Il demeure essentiel que, tout en faisant face à la menace que représentent les groupes armés dans l’est du pays, le gouvernement, avec l’appui de la communauté internationale, s’attaque aux causes profondes du conflit en mettant en œuvre des réformes indispensables, comme il s’est engagé à le faire au titre de l’accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région. Je demeure préoccupé par la lenteur des progrès accomplis dans la mise en œuvre des engagements pris au niveau national, en particulier en ce qui concerne la réforme de l’armée et la mise en place d’une force d’intervention rapide, un élément essentiel de la stratégie de sortie de la MONUSCO énoncée dans la Résolution 2147 (2014). Les engagements nationaux étant toutefois liés les uns aux autres, il faut progresser sur tous les fronts pour modifier la dynamique du conflit, ce qui exigera surtout une direction forte. La communauté internationale, et en particulier l’ONU, est prête à travailler en étroite collaboration avec le gouvernement pour faire en sorte que ces réformes fondamentales aillent de l’avant. Malgré son importance capitale pour la consolidation durable de la démocratie, le processus électoral qui se déroulera prochainement ne devrait pas détourner le Gouvernement de ces objectifs essentiels.

En ce qui concerne les préparatifs des élections prévues pour 2015 et 2016, je me félicite des bons offices entrepris par mon représentant spécial en vue de promouvoir un dialogue politique ouvert à tous et transparent entre toutes les parties prenantes congolaises, compte tenu en particulier des appréhensions au sujet d’éventuelles modifications à la Constitution. J’encourage les autorités congolaises à renforcer le caractère inclusif du processus afin que les prochaines élections bénéficient du soutien le plus large. La publication en temps voulu de l’intégralité du calendrier électoral, en particulier, contribuera à la réalisation de cet objectif et garantirait que la communauté internationale apporte son plein appui au processus.

Conformément aux résolutions 2098 (2013) et 2147 (2014), la MONUSCO a transféré ses tâches d’appui technique aux élections à l’équipe de pays des Nations unies, en particulier au PNUD. Toutefois, le projet d’appui au cycle électoral mis au point par le PNUD en vue de fournir une assistance technique à la Commission électorale nationale indépendante, en complément de la mission de bons offices de mon représentant spécial et de l’assistance logistique de la Mission, reste largement sans financement. Je demande donc à la communauté internationale d’envisager de fournir des fonds pour le démarrage du projet d’appui au cycle électoral sans délai, étant entendu que tout soutien logistique et technique fera l’objet d’une évaluation et d’un examen constants.

L’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région reste un pilier de la consolidation de la paix et de la stabilité en République démocratique du Congo et dans la région. Je me félicite des travaux techniques menés au niveau régional en vue d’en appliquer les dispositions. L’organisation par le gouvernement de la 7ème  séance du Comité technique d’appui du Mécanisme de suivi régional à Goma, en mai, a été un événement important pour le renforcement de la confiance et la coopération entre les pays de la région des Grands Lacs. Dans le même temps, je tiens à rappeler à tous les signataires de l’Accord-cadre qu’ils doivent honorer pleinement les engagements qu’ils ont pris au niveau régional, et notamment respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale des pays voisins.  Je me félicite à cet égard de la participation continue de l’équipe d’envoyés spéciaux de l’Union africaine, de l’Union européenne et des États-Unis, sous la direction de mon envoyée spéciale pour la région des Grands Lacs, en étroite collaboration avec mon représentant spécial pour la République démocratique du Congo et chef de la MONUSCO. Je félicite également le président angolais pour le rôle important qu’il joue, en sa qualité de président en exercice de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, en poursuivant l’action menée par son prédécesseur, le président ougandais, et en suscitant une plus grande collaboration entre les principales parties prenantes dans la région.

La lutte contre l’impunité et la promotion du principe de responsabilité pour les auteurs de violations des droits de l’homme restent au cœur du mandat de la MONUSCO. Tout en reconnaissant la souveraineté des institutions nationales congolaises, je suis déçu par les arrêts rendus dans les procès de Minova, qui ne sont pas à la hauteur des attentes des victimes. Ces verdicts montrent qu’il faut progresser dans la réforme de l’appareil judiciaire et renforcer son indépendance de façon à accroître l’efficacité de la lutte contre l’impunité.

Je suis reconnaissant à mon représentant spécial et chef de la MONUSCO, Martin Kobler, à mon envoyée spéciale pour la région des Grands Lacs, Mary Robinson, et aux envoyés spéciaux de l’Union africaine, de l’Union européenne et des États-Unis pour les efforts inlassables qu’ils ont déployés. Mes remerciements vont à tous les membres du personnel de la MONUSCO et de l’équipe de pays des Nations unies qui travaillent dans cet environnement qui continue d’être dangereux et imprévisible, en particulier dans l’Est du pays. Je voudrais en particulier remercier les nombreux membres du personnel recruté sur le plan national qui concourent à la paix et à la stabilité en République démocratique du Congo grâce à leur travail depuis de nombreuses années.

 

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A propos de l'auteur : Adeline Marthe

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