(Forum des As)
De Kampala, le M23 accuse le Gouvernement d’obstruction du processus. Kinshasa rejette et assure avoir tout exécuté. C’est dans les prochains 14 jours qu’arrivent à échéance, les 6 mois accordés aux bénéficiaires potentiels de la loi d’amnistie.
Au -delà, ceux qui n’auront pas encore signé les Actes d’engagement prévus dans ce texte seront considérés comme forclos, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent introduire aucun recours.
On sait que c’est la rébellion du M23 soutenue par le Rwanda et l’Ouganda qui a suscité cette loi d’amnistie sans laquelle ils menaçaient de reprendre les hostilités malgré leur cinglante défaite militaire. Kigali et Kampala qui accueillent l’essentiel de ces anciens rebelles, étaient prêts à les réarmer et les lancer à l’affût de la RDC au cas où celle-ci ne leur accordait pas d’amnistie.
Ce sont ces menaces claires qui ont conduit à la signature de l’Accord de Nairobi sur la cessation de la guerre signé entre Kinshasa et le M23 malgré que ce mouvement était déjà défait. Ce qui veut dire que s’il y a un grain de sable dans l’application au détriment du M23, la même menace de guerre resurgirait.
Comment se déroule alors le processus d’amnistie, côté M23 en Ouganda et au Rwanda mais aussi à l’extérieur du pays ? Hier de Kampala, le M23 a donné de la voix par le biais du directeur de cabinet de son Président Bertrand Bisimwa, appuyé par René Abandi, chargé du suivi de l’Accord de Nairobi. Le M23 accuse le Gouvernement d’avoir obstrué le processus d’amnistie en ne disponibilisant pas assez de fiches d’actes d’engagement.
il fait savoir qu’il y a eu sécheresse surtout du côté du Rwanda où on n’a rien vu du tout. Le M23 estime que c’est à dessein que Kinshasa n’a pas déployé ces documents, seul gage pour prétendre à l’amnistie afin qu’à l’échéance de six mois qui tombe dans les 14 jours, que ces anciens rebelles refugiés au Rwanda soient exclus du champ d’amnistie.
Quant à l’extérieur du pays, c’est René Abandi qui enfonce le clou en indiquant qu’un cadre du M23 s’est présenté à l’Ambassade de la RDC à Pretoria en RSA, s’est vu refuser le retrait de la fiche d’engagement sous prétexte qu’il n’y en avait pas alors que la chancellerie en disposait. Jusqu’aujourd’hui, il ne l’a pas signé. Il n’est pas seul dans ce cas, ajoute René Abandi.
A ce jour, aucun membre du M23 n’a signé l’acte d’engagement dans une chancellerie de la Rdc comme prévu. Ce document y est introuvable pour les demandes des bénéficiaires du M23. Selon René Abandi, il n’y a qu’à la seule ambassade de la RDC en Ouganda, à Kampala où il y a ces fiches portant actes d’engagement en grand nombre.
Le Gouvernement congolais a spontanément réagi sur cette question sensible d’amnistie par la bouche de son porte-parole Lambert Mende Omalanga. Celui-ci rejette en bloc les récriminations du M23 qui sont fausses. Pour lui, toutes les ambassades de la RDC à travers le monde sont inondées de ces fiches d’engagement que les concernés pouvaient retirer sans encombres.
Il s’étonne des propos sur Pretoria où lui n’ a pas eu connaissance d’une demande d’un cadre du M23 qui serait renvoyée faute de fiches comme avancé, c’est faux. En rendant disponibles ces fiches partout, même dans des centres pénitentiaires, le Gouvernement a rempli sa part du contrat.
A l’échéance dans deux, semaines, il arrête le processus. C’est donc maintenant qu’il faut courir. Quant aux anciens rebelles du M23 réfugiés au Rwanda qui se plaignent de ne pas avoir été servis, Mende leur rappelle qu’une équipe officielle vient de passer dans tous les centres de cantonnement où le Rwanda les a hébergés et leur a distribué ces fiches d’engagement.
L’équipe s’est rendue là où les autorités rwandaises l’ont conduite. Il n’y a pas eu une seule plainte d’insuffisance des fiches qui a été portée à la connaissance de l’équipe congolaise. En comparant ces deux déclarations du M23 et de Kinshasa, on se rend compte qu’elles sont diamétralement opposées. Ce qui veut dire qu’il y a problème. il faut donc faire un effort pour démêler l’écheveau car il s’agit de la mise en œuvre de la loi d’amnistie.
Le bénéficiaire principal est pour la Communauté internationale, le M23. Que va-t-il se passer si à l’échéance celui-ci continue à accuser Kinshasa de l’avoir empêché d’accéder aux fiches d’engagement ? Puisque ce sont les anciens rebelles qui sont refugiés auprès de leurs parrains rwandais et ougandais, on entendra à coup sur des menaces de guerre.
C’est peut-être cela que veulent Kampala et Kigali qui sont mecontents que les Sultani Makenga et autres criminels de guerre qui ne sont pas éligibles à l’amnistie. On n’a pas oublié qu’à Kampala et Kigali on exigeait l’amnistie les yeux fermés à tous les membres du M23.
On sait aussi que Kampala et Kigali protègent le leadership militaire du mouvement auteur des crimes de guerre dont Kinshasa exige sans succès l’extradition. Tout cela fait peser l’hypothèque sur une paix durable au Nord-Kivu où du reste les populations n’ont pas encore fini de panser les plaies de la dernière guerre. On sait aussi qu’il y a encore dans le périmètre du Kivu-Nord et Sud-44 groupes armés nationaux qui tuent, pillent, violent.
Rien que pour la région de Masisi, attenante au Rwanda et berceau de toutes les rébellions pro-rwandaises, évoluent des milices parmi les plus redoutables comme APCLS de Janvier Kalairi, « Nduma defense of Congo » (NDC) de Cheka, les Raïa Mutomboki de Shetani et les FDLR qui continuent à faire régner la terreur dans l’axe Walikale-Masisi. Tandis que dans le nord, dans le territoire de Beni, les Fardc se livrent encore à des opérations de ratissage contre les ADF/NALU qui se sont repliées en Province Orientale.
Dans son dernier rapport, l’équipe des experts de l’Onu notent qu’à ce jour, les ADF/NALU ont gardé intacte leur chaîne de commandement qui n’a pas été démantelée par les Fardc. Comme on le voit, le Nord-Kivu bouillonne encore fortement. Il serait donc illusoire de prêter le flanc, donner prétexte à ceux qui hébergent les anciens rebelles du M23 à exploiter tout mécontentement sur l’application de la loi d’amnistie. Nous n’en sommes pas très loin avec les propos des leaders du mouvement par René Abandi et le directeur de cabinet de Bisimwa.