Ituri : pourquoi ces seigneurs de guerre n’ont-ils pas peur de la CPI ?

(Forum des As)

La terreur noire est revenue en Ituri seulement deux mois après la mort du seigneur de guerre Sadala dit Morgan, chef des miliciens Maï-Maï dénommés Simba qui sont d’une rare cruauté sur les populations civiles. Réorganisée par le jeune frère du défunt Morgan Sadala, la milice, qui détient un important stock d’armes, a fait coalition avec celle de Cobra Matata, les FRPI, qui tient sous coupes réglées toute la région de Mambassa.

C’est cette coalition criminelle de ces deux milices qui sèment mort et désolation sur leur passage en Ituri. Ils ont planifié une campagne de terreur dans les villages et maintenant en forêt où ils détiennent en otage plusieurs personnes, dont de nombreuses femmes.
Celles-ci sont utilisées comme esclaves sexuels tandis que les hommes sont soumis à des travaux forcés dans des mines de diamants et d’or contrôlées par les combattants de ces deux milices, les Simba de Morgan et les FRPI de Cobra Matata qui frappent impitoyablement l’Ituri.
Des femmes-otages qui sont parvenues à s’enfuir ont raconté le calvaire connu : elles étaient violées plusieurs fois par jour par plusieurs hommes avides d’assouvir leurs désirs sexuels, devant leurs proches, pères, frères, oncles, maris, otages aussi. Des dizaines d’autres femmes seraient toujours détenues par ces miliciens dans la forêt, à Okapi, près de Nyanya où elles continuent à subir leur martyre sexuel.
Quant aux mines qui ne sont pas sous contrôle de ces miliciens, ces derniers y opèrent systématiquement des razzias au détriment des mineurs clandestins à qui ils ravissent tout, à défaut de les tuer froidement.
Comme on le voit, ce tableau macabre imposé aux Ituriens par la milice Simba de Morgan Sadala et celle de Cobra Matata montre bien que l’impunité continue à avoir droit de cité en Ituri.

LA MAJORITE DES PENSIONNAIRES
Mais, pourquoi seulement là où pourtant sont originaires la plupart des pensionnaires de Scheveningen, dans les faubourgs de La Haye à la CPI. C’est là où cette juridiction internationale a puisé l’essentiel de ses dossiers pour la Rdc. Il y a par exemple, Thomas Lubanga Diyilo, chef de la milice Hema de l’UPC, Bosco Ntaganda, son chef militaire ; Germain Katanga, chef de la milice Lendu et son colistier Ngujolu de la milice Ngiti, des FNI.
Pourquoi alors malgré que c’est justement en Ituri où la CPI a le plus opéré qu’il n’y ait pas en conséquence de reserve pour la création des milices. Bien au contraire, on assiste à l’inflation des nouvelles milices qui commettent des exactions pires même que l’ensemble de celles perpétrées par ceux qui sont internés à ce jour à la CPI ? Cela n’a pas servi de leçon, sinon l’Ituri serait pacifié rien que par la crainte inspirée par la CPI.
C’est le contraire qui s’observe sur le terrain avec la campagne de terreur entreprise par la milice Simba et les FRPI de Cobra Matata. Tout ce questionnement vaut son pesant d’or.
Effectivement, la CPI n’inspire aucune crainte à ces seigneurs de guerre qui ne la redoutent guère. Et pour cause. Ils savent bien que dans l’état actuel des choses, la CPI n’est pas en mesure d’enclencher des poursuites contre leurs personnes. Le mandat d’arrêt de la CPI ne tombe pas du ciel, mais respecte une procédure stricte.
Pour que la Cour l’émette, il faut qu’au préalable, le Parquet ait mené des enquêtes sur les faits incriminés et juger de leur validité. Ce qui n’est pas le cas avec des crimes internationaux actuellement commis en Ituri par les Cobra Matata et autres Simba de feu Sadala Morgan. Il n’y a que les juridictions congolaises qui peuvent connaître ces faits.

CONTRADICTION DANS L’AFFAIRE NGUJOLO
Mais, c’est connu, tous ces criminels n’ont jamais redouté la justice congolaise qu’ils ne cessent de défier. La deuxième raison qui pousse ces seigneurs de guerre à se moquer de la CPI est justement l’issue des dossiers qui y sont traités concernant des faits survenus en Ituri. On en veut pour preuve la contradiction dans l’affaire Ngujolo et Germain Katanga qui ont brulé le village de Bogoro en tuant 200 personnes.
Ngujolo, le criminel principal est innocenté par un jugement de la CPI faute de preuves. Tandis que Germain Katanga dont les hommes avaient longtemps encerclé le village de Bogoro à qui Ngujolo a prêté main forte pour brûler et tuer 200 personnes s’en sort avec 12 ans de prison. Plus grave, la CPI dans son jugement ne le reconnait pas donneur d’ordre mais comme exécutant.
Même chose pour Ngujolo qui, pour la CPI, n’a rien fait dans les incidents de Bogoro. Katanga, pas responsable, Ngujolo de même. Mais qui, finalement, a donné l’ordre de tuer quand on sait qu’il n’y a eu que ces deux chefs des milices pour donner l’assaut meurtrier au village Hema de Bogoro qu’ils ont incendié.
Ce sont justement ces contradictions dans le travail de la CPI et surtout les limites des enquêtes incapables de réunir des preuves indiscutables pour étayer les faits mis à charge des prévenus qui poussent les autres seigneurs de guerre d’Ituri à rivaliser avec les Germain Katanga et surtout Ngujolo qui est libre comme de l’air.
Le dernier à arriver à la CPI, c’est Bosco Ntaganda, chef de la milice de l’UPC de Thomas Lubanga, qui était sous mandat d’arrêt de la CPI depuis 2006 mais qui avait juré d’envoyer son cadavre à Scheveningen. Retournement de veste en 2012, il est le seul à s’y être volontairement rendu. Mais c’est après l’acquittement de Ngujolo, sa libération pure et simple et son renvoi aux fins des poursuites, c’est-à-dire qu’il ne peut plus être poursuivi pour les mêmes faits. Ngujolo que Bosco Ntanganda connaît très bien.

 

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A propos de l'auteur : Adeline Marthe

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