(AFP)
L’ »affaire Chebeya », qui empoisonne jusqu’au sommet de l’Etat congolais, revient devant la justice à Kinshasa après plus d’un an de suspension, suscitant l’espoir chez les défenseurs des droits de l’homme de voir enfin jugés les véritables assassins du fondateur de « La voix des sans voix ».
La Cour suprême de justice doit se réunir à 09h00 (08h00 GMT) pour examiner une requête des parties civiles destinée à rendre inattaquable le jugement final dans cette affaire. Celles-ci estiment qu’un vice de forme, survenu selon elles à l’issue du procès en première instance, pourrait remettre en cause à terme l’intégralité de la procédure.
Leur demande, déposée en mai 2013, avait entraîné la suspension du procès en appel de cinq policiers accusés du meurtre de Floribert Chebeya, fondateur de l’organisation de défense des droits de l’homme La Voix des sans voix (VSV), et de son chauffeur Fidèle Bazana.
Chebeya a été retrouvé mort le 2 juin 2010 dans sa voiture en périphérie de Kinshasa.
La veille, Chebeya il avait été conduit par Bazana à l’Inspection générale de la police pour y rencontrer le général John Numbi, alors chef de la police nationale congolaise. Le corps du chauffeur n’a jamais été retrouvé.
Le double meurtre avait suscité la consternation en République démocratique du Congo. Le défenseur des droits de l’homme, qui était devenu de plus en plus virulent dans sa critique du pouvoir du président Joseph Kabila, en fonction depuis 2001, avait eu droit des obsèques nationales.
L’affaire a été à l’origine d’une brouille diplomatique entre Paris et Kinshasa en 2012 lors de la tenue du sommet de la francophonie dans la capitale congolaise, après que le président français François Hollande eut honoré publiquement la mémoire de Chebeya.
Quelle que soit la réponse apportée à la requête des parties civiles vendredi, le procès en appel des cinq policiers condamnés en première instance (quatre à mort et un à la prison à vie) doit se poursuivre dans les semaines qui viennent.
Les parties civiles comptent sur la reprise du procès pour faire comparaître sur le banc des accusés le général Numbi, qu’ils considèrent comme le « suspect numéro un ».
Celui-ci a toujours affirmé n’avoir jamais rencontré Chebeya. Entendu comme témoin lors du procès en première instance, le général Numbi avait déclaré n’avoir « jamais » donné rendez-vous à Chebeya.
– Procédure au Sénégal –
Mais pour Rostin Maketa, directeur adjoint de la VSV, le général Numbi « avait été cité dès le premier jour de la disparition et à la découverte du corps de Chebeya ». « Nous attendons qu’il soit arrêté et transformé en prévenu », a-t-il ajouté.
L’officier avait été suspendu de ses fonctions quelques jours après le meurtre de Chebeya et Bazana et a été officiellement démis en décembre 2013.
Un des accusés du procès en appel, en fuite et réfugié aujourd’hui au Sénégal, a mis en cause le général Numbi dans le meurtre des deux hommes, mais la Cour a refusé que son témoignage soit produit.
Mardi, la justice sénégalaise a accepté d’ouvrir une information judiciaire à l’encontre de ce policier à la suite d’une plainte déposée en juin par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et les familles des victimes. Cette procédure « sert d’aiguillon » pour la justice congolaise, estime maître Joseph Mukendi, avocat des parties civiles.
Aujourd’hui, « le sentiment général est que la justice n’a pas été rendue » et que « les vrais auteurs [ne sont] pas encore punis », a déclaré à l’AFP Abdoul Aziz Thioye, directeur adjoint du bureau de l’ONU pour les droits de l’homme en RDC.
« Avec la reprise de ce procès […] nous avons cette fois bon espoir que la justice sera enfin rendue », indique pour sa part Ida Sawyer, basée à Kinshasa pour l’organisation Human Rights Watch.