(Tempête des tropiques)
« Une guerre sans combattants? » L’armée congolaise progresse au Sud-Kivu face à des rebelles rwandais des FDLR qui préfèrent fuir, faisant craindre que les problèmes causés par leur présence depuis plus de 20 ans ne soient en rien réglés.
« Les FDLR s’en vont, ils fuient vers la forêt » située plus à l’est dans le territoire de Mwenga, raconte à l’AFP Patrick, un enseignant.
Les opérations lancées fin février dans le Sud-Kivu, région de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), ont d’abord eu lieu dans le territoire d’Uvira, dans le sud-est de la province, et concernent désormais celui de Mwenga (centre), selon un porte-parole militaire. Des informations confirmées par des observateurs et des sources humanitaires.
Pour l’instant, « c’est une guerre sans combattants », affirme à l’AFP une source proche des opérations en cours. La résistance opposée par les rebelles des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) au début de l’opération avait pour but de mettre à l’abri leurs familles, mais depuis lors ils fuient devant le déploiement des Forces armées de la RDC (FARDC), ajoute cette source.
« Dans notre optique, il ne s’agit pas de faire un combat avec » les FDLR, fait valoir le major Simon Tuajiki Mameja, porte-parole de l’opération militaire au Sud-Kivu, depuis le QG situé en plein cœur de Bukavu, cité de quelque 1,5 million d’habitants au bord du lac Kivu. « Les forces armées n’ont pas pour mission principale de tuer les membres des FDLR, mais de les contraindre à désarmer », explique-t-il.
Selon l’armée, l’offensive avait permis à la mi-mars de « neutraliser » plus de 160 rebelles. Le commandement ne précise pas combien ont été tués, arrêtés ou se sont rendus.
Les effectifs des FDLR comprendraient aujourd’hui entre 1.500 et 2.000 personnes, soit quatre ou cinq fois moins qu’il y a six ans. Hormis le noyau dur de 200 à 300 chefs ou combattants historiques accusés d’avoir pris part au génocide des Tutsi de 1994 au Rwanda voisin, la plupart des FDLR sont aujourd’hui des jeunes, nés après les massacres et n’ayant jamais mis les pieds dans ce pays.
Résultat de l’absence de vraie confrontation entre FARDC et rebelles: pour les habitants, « la situation n’est pas alarmante », indique la source proche des opérations.
Près de 60% des 22.400 personnes déplacées par les opérations militaires sont déjà rentrées chez elles, précise-t-elle.
L’opération des FARDC se déroule aussi dans la province du Nord-Kivu, selon le même schéma, note un observateur militaire.
‘Cohabitation plutôt pacifique’
L’est de la RDC est déchiré depuis plus de 30 ans par des conflits alimentés par des différends ethniques et fonciers, la concurrence pour le contrôle des riches ressources minières et des rivalités régionales.
La communauté internationale exige depuis des mois que le gouvernement traque les FDLR, jugeant leur neutralisation essentielle à la stabilisation de l’Est congolais.
Mais l’offensive conjointe que les FARDC devaient mener avec la Mission de l’ONU en RDC (Monusco) a été annulée en janvier à la suite d’un différend entre les deux partenaires, portant notamment sur le choix des officiers congolais retenus pour diriger l’opération.
Selon le chef de la mission onusienne, Martin Kobler, Kinshasa et la Monusco doivent entamer lundi un « dialogue stratégique » pour apaiser leurs tensions.
L’ONU et le gouvernement congolais accusent régulièrement la milice de graves violations des droits de l’Homme. A Sange, à deux heures de route au sud de Bukavu, un « mzee » (ancien) indique que les combattants FDLR sont bien connus de la population et que, jusqu’au mois de janvier (date à laquelle était attendu le déclenchement de l’offensive FARDC-Monusco), ils venaient au marché de la ville.
Ils sont agriculteurs sur les plateaux un peu plus à l’ouest « et n’embêtent personne », assure-t-il. Dans les territoires de Mwenga et Uvira, « il y a une cohabitation plutôt pacifique entre les FDLR et la population », reconnaît une source humanitaire locale.
Elle s’inquiète en revanche que l’offensive en cours ne pousse les miliciens à sévir contre d’autres communautés, et de ce que l’armée ne semble pas avoir prévu un dispositif pour empêcher une éventuelle fuite des FDLR vers la province du Maniema, à l’ouest, ou vers le Nord-Kivu.
Comme lors de précédentes offensives contre la milice, « on risque fort de ne faire que déplacer le problème », avertit un diplomate.