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Face à la persistance des tueries à Beni, des évêques officiant dans lest de la RDC ont accusé le weekend dernier, le pouvoir de Kinshasa de laisser pourrir la situation. Ils ont été rejoints lundi par des élus du Kivu qui exhortent eux Barack Obama à nommer un nouvel envoyé spécial pour les Grands Lacs.
Il ne passe plus un jour sans que l’on compte des morts à Beni, dans l’est de la RDC. Au moins 419 personnes ont été massacrées entre octobre 2014 et mai 2015, selon le dernier décompte macabre de la société civile locale. Une situation insupportable qui avait récemment poussé Julien Paluku, gouverneur du Nord-Kivu, à sortir de sa réserve pour dénoncer l’immobilisme de Kinshasa.
C’est désormais au tour des évêques de la partie orientale de la RDC d’emboîter le pas. Dans un message adressé le 23 mai aux fidèles, dont Jeune Afrique a pu se procurer une copie ils accusent les autorités congolaises de “[laisser] pourrir la situation dans l’est du pays”.
Depuis octobre, plus de 350 personnes ont été tuées à Beni, dans l’est de la RDC. Dans le même territoire, une nouvelle embuscade attribuée aux ADF a fait jeudi deux morts.
Un camion est tombé dans une embuscade des ADF (Forces démocratiques alliées, un groupe armé ougandais actif dans l’est de la RDC, NDRL), jeudi vers 17 heures à une cinquantaine de km au nord de Beni, « et il y a eu deux morts et trois blessés », a déclaré, le 22 mai Amisi Kalonda, l’administrateur du territoire de Beni.
Un couple est poilé disparu depuis cette attaque qui a visé aussi un village où les rebelles ont pris quelques chèvres et une quantité de haricots, a ajouté Amisi Kalonda. Selon un porte-parole militaire, le major Victor Masandi, les Forces armées de la RDC (FARDC) sont intervenues et ont réussi à disperser les assaillants” après un-”échange de tirs nourris”.
Plus de 350 morts en sept mois
L’officier n’a pas fourni de bilan de l‘attaque et des affrontements en termes morts ou blessés. Depuis octobre, une succession de massacres attribués aux ADF a fait plus de 350 morts dans la région de cette plaque tournante pour le commerce et le trafic du bois. Des tueries à répétition à l’origine d’un mouvement de contestation populaire depuis le 11 mai accusant État de faillir à son devoir de protéger la population.
Depuis début octobre, le territoire de Beni, dans l’est de la RDC, est la cible d’attaques répétées d’individus armés qui s’en prennent aux populations civiles. Environ 120 morts en un mois. Décryptage de la situation en quatre points.
Les attaques contre les civils se suivent et se ressemblent à Beni, territoire de la province du Nord-Kivu, dans l’est de la RDC. Par armes à feu ou à la machette, les populations sont massacrées dans les quartiers périphériques de la ville éponyme et dans les villages environnants. À en croire le bilan de la société civile locale, du ‘2 octobre au 2 novembre”, es tueries ont fait environ 120 morts et entraîné le “déplacement massif d’au moins 10000 ménages”.
Fin octobre, Joseph Kabila lui- même s’était rendu dans la région pour essayer de rassurer la population, promettant de “vaincre” les rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF), soupçonnés d’être responsables de cette série des massacres. Mais le passage du chef de l’État congolais n’a rien changé sur le terrain. Dès le lendemain de son départ, entre 7 et 11 personnes ont été tuées à Beni, provoquant une violente émeute dans la ville.
Pourquoi les attaques se sont-elles multipliées depuis octobre ?
« Personne ne s’attendait à ce retour de bâton », admet une source de la Mission de l’ONU pour la stabilisation du Congo (Monusco). Ragaillardie par sa victoire sur le Mouvement du 23-Mars (M23), l’armée congolaise, appuyée par la brigade d’intervention de la Monusco, avait en effet lancé depuis le 16 janvier l’opération « Sokola » (nettoyage, en français) contre les combattants de l’ADF, actifs dans le territoire de Beni. Très rapidement, des bastions et autres sanctuaires des rebelles ougandais avaient été repris. « Les ADF étaient en déroute », commente notre source onusienne.
L’État congolais n’a-t-il pas démissionné?
“Nous avons des difficultés à comprendre les ambigüités, les tergiversations et les paradoxes de notre gouvernement’, écrivent-ils, dénonçant entre autres e maintien dans l’Est “des officiers au passé chargé qui ont causé bien des torts à la population”. Alors qu’du même moment, des “malfaiteurs incendient des villages en toute impunité (…). tuent brutalement avec des machettes, des couteaux ou des haches certaines de leurs victimes ont la gorge tranchée. es bras de nombreux enfants sont mutilés, des femmes enceintes éventrées et des familles entières sont décimées”, rappellent-ils, qualifiant ces actes à la fois de “génocide”, de “crimes de guerre’ et de “crimes contre humanité”.
« En laissant à des individus et des groupes [armés] perturber impunément la paix, l’ordre et la sécurité, cet État (..) s’acquitte-t-il encore de ses obligations régaliennes ? Ne serait-il pas en train de démissionner tout en restant en place ? Cela ne risque-t-il pas d’être perçu comme une complicité ?“ interrogent les clergés, invitant le chef de l’État, Joseph Kabila, à “prendre ses responsabilités” pour pacifier l’ensemble du pays.
De leur côté, des députés du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, rejoints par quelques uns de Kinshasa et du Katanga, se sont tournés vers Barack Obama. Dans une lettre ouverte publiée le 25 mai, 10 élus congolais exhortent le président américain à “procéder à la désignation d’un nouvel envoyé spécial pour la région des Grands Lacs dans le meilleur délai ».
Depuis la démission à ce poste de l’ancien sénateur américain Russ Feingold, l’administration Obama n’a toujours pas dépêché un nouvel émissaire dans la région. Les signataires rappellent alors au président américain que Russ Feingold, ex-envoyé spécial des Etats-Unis dans la région des Grands-Lacs, avait « joué un rôle déterminant dans la défaite du Mouvement du 23-Mars (M23) », rébellion défaite fin novembre 2013 dans l’est de la RDC.