(Le Potentiel)
A Beni, ville de la province du Nord-Kivu, le décompte des personnes tombées sous la barbarie des rebelles ougandais de l’ADF est macabre. D’octobre 2014 jusqu’à ce jour, environ 600 personnes sont mortes. Dans l’indifférence la plus totale de Kinshasa qui semble ne pas s’en émouvoir. Au-delà de ces morts en série, il ya bien des zones d’ombre à élucider, notamment l’invulnérabilité des ADF.
Beni continue d’enterrer ses morts. Dans le compteur, il y a déjà environ 600 Congolais qui ont été victimes de la grande bataille qui se trame depuis octobre 2014 dans cette ville de la province du Nord-Kivu.
A l’officiel, les massacres en série de Reni continuent d’être attribués à la rébellion ougan1aise de l’ADF qui passe finalement pour une nébuleuse que Kinshasa n’arrive pas à démanteler. Comment comprendre, entre-temps, que les troupes des Forces armées de la RDC, déployées à deux reprises dans le cadre des opérations Sukola I et Sukola II, à côté des Casques bleus des Nations unies pataugent dans la boue, rendant presqu’invulnérables ces rebelles ougandais.
Sans aucun doute, les événements de Beni cachent bien des choses. Autour de tueries de Beni, il y a une stratégie macabre qui est en train de se mettre en place. A qui profitent-elles ? On n’en sait rien. Toujours est-il que dans le territoire de Beni, près de 600 paisibles Congolais sont déjà morts, tués dans une atrocité sans commune mesure, généralement à l’arme branche.
A Kinshasa, on reste coller à une seule et unique piste ce sont les rebelles ougandais de l’ADF! Et, on ne se donne pas la peine d’explorer d’autres pistes. Or en 2014, le gouvernement s’était félicité d’avoir défait les ADF, après une offensive menée par les FARDC. Hélas ! Ce n’était que de la poudre aux yeux. Ce sont les premiers massacres d’octobre 2014, attribués curieusement aux mêmes ADF défaits, qui avaient contredit les déclarations faites quelques mois plus tôt par Kinshasa.
L’on découvrait enfin que les ADF n’avaient rien perdu de leur capacité de feu. Ils étaient là, bien présents dans la province du Nord-Kivu, narguant pudiquement les autorités de Kinshasa.
Près d’une année après les premiers massacres de Beni, les ADF continuent de tuer de paisibles citoyens, sous la barbe des FARDC et des éléments de la Monusco, déployés dans le secteur de Beni. Il y a certainement anguille sous roche. Beni serait au centre d’un complot qui ne dit pas son nom ? Sinon, comment
Comment expliquer l’incapacité aussi bien des FARDC que de la Monusco à neutraliser les ADF qu’on rend responsables de tout le sinistre qui s’abat sur cette ville martyre de la province du Nord-K vu.
Les derniers événements
Neuf autres personnes ont été tuées le week-end à la machette dans les localités de Ntoyi et Mukida, dans le secteur de Beni-Mbau dans le territoire de Beni. Les militaires avaient d’abord retrouvé trois cadavres samedi. Six autres corps sans vie ont été découverts dimanche.
Comme avec, les morts déjà répertoriés à Beni, le mode opératoire reste le même. C’est par la décapitation à la machette que ces neuf civils ont été tués
Selon Paluku Lumande, chef du secteur de Beni-Mbau, contacté dimanche matin par radio Okapi, les trois victimes découvertes samedi, ont été exécutées «sauvagement à ‘la machette». Qui plus est, poursuit-il, sur les trois nouvelles victimes de ce samedi, deux sont des femmes, des mères de famille. Le corps de l’une d’elles, habitante du village Ntoyi près de Mavivi, a été décapité devant trois de ses onze enfants qui l’avaient accompagnée au champ aux environs de Ntoyi. Comme si cela ne suffisait pas, les assaillants ont également exécuté un couple à Mukida, village voisin de Ntoyi toujours à Mbau. Cette fois, c’est le corps de l’époux qui a été décapité, selon cette source. Ces assaillants sont présentés comme des Jihadhistes ADF, selon des sources locales, à cause de leur mode opératoire barbare : dépecer les victimes à l’aide d’armes blanches.
ACTE DE « TERRORISME », SELON KOBLER
Réagissant à ces nouvelles tueries, Martin Kobler, le chef de la Monusco, n’a pas hésité à qualifier ces actes de « terrorisme »; appelant ardemment les FARDC à s’associer aux troupes de la Monusco pour démanteler la pieuvre de Beni.
Un pas a été franchi. L’Onu est convaincue aujourd’hui que Beni est victime du terrorisme. Mais, au-delà de ce mea culpa, il y a une autre piste qu’il faut explorer.
En effet, les tristes événements de Beni sont destinés avant tout à créer la peur, une psychose généralisée dans la population afin de la pousser, sans doute, à abandonner ses terres. On est donc en face d’une stratégie de la transplantation des populations. Ce qui n’est pas loin de la menace de balkanisation qui plane toujours sur la RDC. Il ne faut pas oublier que c’est la partie Est qui est visée. Les massacres en série pourraient tout aussi s’inscrire dans ce schéma. C’est une hypothèse à prendre très au sérieux.
Mais, le plus révoltant, c’est le silence complice de Kinshasa. Ailleurs, la mort d’un compatriote ferait l’objet d’une vaste mobilisation nationale. Curieuse- ment en RDC, la mort de près de 600 ‘personnes passent pour un fait divers, un non-événement. Aucune voix ne s’élève pour dénoncer. A Kinshasa, les regards sont ailleurs.
On a vite trouvé un raccourci en chargeant les rebelles ougandais de l’ADF. Puis, plus rien. C’est à croire, à peine, que dans le secteur de Beni, sont postés des milliers d’éléments des FARDC et un nombre impressionnant de casques bleus de la Monusco.
Le cas de Beni doit être élucidé. C’en est trop de voir des Congolais mourir au moment où ils attendent sécurité et protection de ceux qui ont juré de les protéger. Les massacres de Beni prennent une proportion telle qu’il devient impérieux d’agir. Aujourd’hui, à Kinshasa comme ailleurs, on est convaincu que Beni est au centre d’un complot, ourdi en haut lieu, avec des ramifications internes et régionales.
Kinshasa ne peut pas continuer d’étaler sa passivité en se cachant derrière la rébellion de I’ADF à qui l’on attribue des pouvoirs surnaturels au point de les rendre presque indestructibles. Si tel n’est pas le cas, pourquoi n’arrive-t-on pas à les neutraliser? Avec l’arsenal militaire déployé dans le secteur de Beni aussi bien par les FARDC que de la Monusco, l’on voit très mal que les ADF conservent toujours leur capacité de nuisance. A moins qu’ils bénéficient d’une main noire qui couvrirait leur forfait. Dans l’opinion publique, l’on n’écarte plus cette hypothèse.
«Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose », prédit un adage. Sans doute, le jour viendra- et i1 n’est pas loin – où le Congo entier connaître enfin la vérité sur ce qui se passe réellement à Beni. Il en a été le cas pour l’Ituri jusqu’à ce que Thomas Lubanga et ses sbires se retrouvent à la CPI (Cour pénale internationale). Les massacres de Beni sont tout autant des crimes contre l’humanité que la CPI ne manquera pas de punir un jour.