Publication du calendrier électoral: HRW craint la recrudescence des manifestations et de la répression

(Tempête des tropiques)

La commission électorale nationale indépendante (CENI) a fixé au 23 décembre 2018 les élections présidentielle, législatives et provinciales, soit plus de deux ans après la fin du deuxième et dernier mandat constitutionnel du président Joseph Kabila.

Selon le calendrier, le nouveau président prêterait serment le 12 janvier 2019 et le cycle électoral complet, y compris les élections locales, se poursuivrait jusqu’au 16 février 2020. Comme les calendriers électoraux antérieurs ignorés de manière flagrante par la CENI et les responsables gouvernementaux, Human Rigthts Watch (HRW) note que le nouveau calendrier comporte une liste de 15 « contraintes » légales, financières et logistiques susceptibles de retarder les échéances.

Et de relever que l’annonce de la CENI tombe environ une semaine après la visite en RDC de l’ambassadrice des Etats-Unis aux Nations unies, Nikki Haley, qui, avant de rencontrer Kabila, avait annoncé que les élections au Congo-Kinshasa devaient se tenir avant la fin de 2018, sans quoi, elles ne pourraient bénéficier de l’appui de la communauté internationale.

De la mascarade

Alors que certains diplomates pourraient voir dans ce calendrier un signe de progrès, un grand nombre de Congolais sont, à juste titre, sceptiques.
En effet, au cours de dernières années, Joseph Kabila et sa famille politique ont empêché l’organisation des élections, repoussant sans cesse la date à laquelle il doit quitter le pouvoir. De hauts responsables américains et d’autres diplomates ont fait parvenir des messages semblables à Kabila dans la période précédant le 19 décembre 2016, fin du deuxième et dernier mandat de Kabila autorisé par la Constitution.

Une fois la limite dépassée, en l’absence de progrès sur la voie des élections, le Conseil de sécurité de l’ONU et d’autres ont fait pression sur Kabila pour que les élections soient organisées d’ici la fin de l’année 2017, conformément à l’Accord de partage de pouvoir conclu sous l’égide de l’église catholique et signé le 31 décembre 2016, appelé « Accord de la Saint Sylvestre ». Mais Joseph Kabila et sa coalition au pouvoir n’ont alors tenu aucun compte des principales dispositions de l’Accord, alors que Kabila renforçait son emprise sur le pouvoir par la répression brutale de l’opposition, des activistes, des journalistes et des manifestants pacifiques.

La terreur au rendez-vous

HRW accuse les agents des forces de sécurité qui ont mis en œuvre une « stratégie du chaos » apparemment délibérée et une violence orchestrée, notamment dans la région du Kasaï où près de 5000 personnes ont été tuées depuis août 2016.

L’organisation rappelle que les responsables du gouvernement et de la CENI avaient annoncés depuis juillet 2017 qu’il était impossible de tenir des élections en 2017 comme l’exigeait l’accord de la Saint-Sylvestre, sous prétexte de la violence dans le Kasaï.

Mais les organisations de la société civile et les dirigeants de l’opposition ont fait part de leurs préoccupations concernant la possibilité de fraude à grande échelle. Certains craignent l’utilisation d’une liste électorale profondément déficiente pour permettre la tenue d’un referendum de modification de la Constitution qui pourrait éliminer les limites de mandats et ainsi autoriser Kabila à présenter sa candidature pour un troisième mandat.
Kabila a lui-même refusé à plusieurs reprises d’annoncer publiquement et de manière explicite qu’il ne sera pas candidat à de futures élections.

Crainte de HRW

L’organisation américaine craint que l’année supplémentaire que donne à Kabila le nouveau calendrier lui laisse plus de temps pour tenter des moyens constitutionnels ou extraconstitutionnels de rester au pouvoir. C’est pourquoi le mouvement citoyen Lutte pour le changement (LUCHA) a fermement dénoncé le calendrier qu’il juge de « fantaisiste » et a appelé le peuple congolais à se mobiliser et à se défendre pacifiquement contre la « manœuvre honteuse pour faire gagner plus de temps à Kabila et son régime afin d’accomplir leur volonté de rester indéfiniment au pouvoir ». La LUCHA a déclaré que le mouvement ne reconnaît plus Kabila et son gouvernement comme représentants légitimes du peuple congolais et a appelé les partenaires internationaux à en faire autant.

D’autres mouvements citoyens, activistes des droits humains et leaders de l’opposition ont lancé des appels similaires, dénonçant le nouveau calendrier du CENI, et exhortant le peuple congolais à se mobiliser pour œuvrer en faveur d’une « transition citoyenne » sans Kabila pour permettre l’organisation d’élections crédibles. Pendant ce temps, la répression exercée contre les leaders et les partisans de l’opposition, les activistes œuvrant pour les droits humains et la démocratie, les manifestants pacifiques et les journalistes se poursuivent sans relâche, note HRW.

Les forces de sécurité ont arrêté environ 100 partisans de partis d’opposition et activistes pro-démocratie pendant des manifestations qui se sont déroulées à Lubumbashi, Goma, Mbandaka et Beni au cours des deux dernières semaines, signale l’ONGDH. Beaucoup d’entre eux ont été relâchés plus tard.

Des manifestations en vue

De nouvelles manifestations sont prévues dans le pays au cours des jours à venir pour rejeter le calendrier nouvellement annoncé par la CENI. HRW appelle les responsables du gouvernement congolais et les forces de sécurité à ne pas utiliser la force inutile ou excessive contre les manifestants, mais tolérer les manifestations pacifiques et les réunions politiques ainsi que permettre aux activistes, leaders des partis de l’opposition et journalistes de circuler librement et de travailler indépendamment, sans entraves.

Il invite aussi les partenaires internationaux de la RDC, dont la MONUSCO à s’employer en vue de protéger les manifestants pacifiques et les personnes en danger et à manifester leur soutien à la quête du peuple congolais pour un avenir plus démocratique et respectueux de leurs droits.

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A propos de l'auteur : Adeline Marthe