[Jeune Afrique] Les forces spéciales rwandaises ont officiellement quittél’est de la République démocratique du Congo (RDC), où elles collaboraientdiscrètement avec l’armée congolaise depuis mars 2011. Un départ qui soulèvedes questions sur la nature de leur mission et leur éventuel rôle dansla rébellion du M23.
Le départ des forces spéciales rwandaisesa été officiellement annoncé vendredi 31 août. D’après Kigali, ces dernièresfaisaient partie d’un bataillon conjoint, mis en place en mars 2011, quiétait composé de quatre compagnies (deux rwandaises et deux congolaises).
Selon le ministre congolais de la Défense, Alexandre LubaNtambo, ce bataillon « public » et « officiel » était basé dans le territoirede Rutshuru pour combattre la rébellion hutu des Forces démocratiques delibération du Rwanda (FDLR), active dans l’est du pays et dont certainsdes membres sont recherchés par le Rwanda pour leur participation présuméeau génocide de 1994 contre les Tutsis.
Ce bataillon conjoint avait pris le relais après les opérationsmilitaires congolo-rwandaises de janvier et février 2009 contre les FDLR.Les troupes rwandaises restées en RDCpour participer à la traque des génocidaires n’avaient qu’un simple mandatd’« observation » des mouvements de la rébellion hutue.
Reste que le départ de ces soldats – dont le nombre exactn’a pas été précisé mais qui pourrait avoisiner les 280 hommes – intervientalors que les relations entre Kinshasa et Kigali sont très tendues. LaRDC accuse le Rwanda de soutenir le Mouvement du 23 mars (M23), un groupearmé composé d’anciens mutins de l’armée congolaise. L’ONUestime également que Kigali soutient les rebelles du M23.
Vendredi, les autorités congolaises ont demandé à l’ONUde sanctionnerdes responsables militaires rwandais pour leur soutien au M23.Un rapport d’expert de l’ONU met notamment en cause le ministre de la Défense,James Kabarebe, et le chef d’état-major du Rwanda, Charles Kayonga.
250 000 réfugiés au Nord-Kivu
Kigali assure avoir « planifié et négocié » le retraitde ses soldats « depuis un certain temps ». De son côté, Kinshasa affirmeavoir exprimé à son voisin son « souhait » de voir ces soldats partir,entre autres pour prévenir les tentations d’alliance entre les forces spécialeset le M23. « Le gouvernement congolais accuse le Rwanda d’avoir soutenule M23, en même temps qu’il y a les forces armées rwandaises qui soutiennentles forces armées congolaises », raille pour sa part le lieutenant-colonelVianney Kazarama, porte-parole du M23.
Bien que les compagnies rwandaises « n’aient pas pris partaux hostilités aux côté du M23, des officiers des FARDC ont dit (…) qu’ilscraignaient un tel scénario », souligne l’annexe du rapport des expertsde l’ONU. Selon Jason Luneno, député national à Goma, capitale du Nord-Kivu,« ces militaires rwandais [qui participaient aux opérations de début 2009,NDLR], beaucoup d’entre eux étaient restés, s’étaient enrôlés dans lesFARDC », et « très, très vite » ont soutenu le M23 quand les combats avecl’armée ont commencé, faisant quelque 250 000 déplacés et réfugiés.
« La population nous dit que ces bataillons (rwandais)n’ont jamais bougé vers le M23. Tout ce que nous savons, c’est que lessoldats en activité avec le M23 viennent directement du territoire rwandais», affirme de son côté Thomas D’Aquin Muiti, président de la Société civiledu Nord-Kivu. Ce départ officiel permet dans tous les cas à Kigali de «montrer que le gouvernement congolais avait autorisé la présence de l’arméerwandaise sur le sol congolais », analyse Thierry Vircoulon, directeurdu projet Afrique centrale au groupe de réflexion International CrisisGroup (ICG).
Jeune Afrique