[Afrikarabia]
La reprise de la guerre au Nord-Kivu focalise les craintes de la communauté internationale et l’attention des médias. Mais d’autres régions sont également le théâtre de rébellions, de défections de soldats ou de mouvements sécessionnistes. Au Katanga, au Sud-Kivu, en Province orientale, au Kasaï ou au Bas-Congo, l’Etat peine à imposer son autorité. La République démocratique du Congo est-elle au bord de l’éclatement ?
Depuis le mois d’avril 2012, les regards sont tournés vers le Nord-Kivu, une province de l’Est de la République démocratique du Congo, en proie aux rebelles du M23, soutenus par le Rwanda voisin. A juste titre, la communauté internationale et les médias se sont portés au chevet de la « poudrière des Kivus« , qui menace le fragile équilibre de la région des Grands lacs. Kinshasa se mobilise comme elle peut pour tenter d’endiguer l’avancée des rebelles… en vain. L’armée congolaise, qui n’est plus que l’ombre d’elle même recule sans se battre. Mal payés, mal commandés, l’armée régulière ne réussit pas à s’imposer… même avec l’appui (timide) des casques bleus de la Monusco. Le M23 contrôle maintenant une partie du Nord-Kivu dont la ville-frontière de Bunagana et Rutshuru, nouvelle « capitale » de la rébellion. Mais si la situation au Nord-Kivu inquiète, d’autres foyers d’instabilités secouent le reste de la RDC. Au Katanga, au Sud-Kivu, en Ituri, au Kasaï, en Equateur ou au Bas-Congo, les rébellions et les nombreuses défections de soldats font craindre un embrasement général des provinces.
Katanga, province très « indépendante »
A Lubumbashi, le sécessionnisme semble être inscrit dans les gènes des Katangais. Depuis l’indépendance du Congo en 1960, la province a toujours revendiqué sa volonté d’indépendance. Et les mouvements sécessionnistes sont légions. Depuis l’ère Kabila (père, puis fils), le Katanga a toujours apporté un soutien inconditionnel au régime en place. Lubumbashi a constitué un « réservoir de voix » important pour Joseph Kabila aux élections de 2006, puis en 2011. Mais depuis plusieurs mois, la province gronde. « Marre de payer pour Kinshasa » entend-on dans les rues de la capitale du cuivre. Au coeur de la discorde : la non rétrocession des 40% de l’Etat à la province, prévue par la loi sur la décentralisation de 2006. Plusieurs fois, l’aéroport de Lubumbashi a été la cible d’attaques mystérieuses « d’hommes en armes« . A chaque fois, on croit à un coup de force d’éléments sécessionnistes. A chaque fois, l’affaire ne va pas plus loin, mais l’inquiétude gagne à Lubumbashi. Les sécessionnistes gagnent du terrain.
A la manoeuvre, on trouve Gabriel Kyungu et son parti politique, l’Unafec. Cet été il a recueilli plus de 50.000 signatures pour demander un référendum en faveur du fédéralisme, d’ici 2016. Objectif : obtenir plus de 100.000 signatures. En parallèle, le poids du président Joseph Kabila s’est écorné par le choix du président d’imposer son frère, Zoé, à la tête de la province, à la place du charismatique Moïse Katumbi. L’arrivée du jeune frère passe mal dans la population.
Côté milice, le retour de Kyunga Mutanga, alias Gédéon, sème la peur au Katanga depuis le début 2012. Ce seigneur de guerre a été condamné à la peine capitale pour crimes contre l’humanité par la justice congolaise. Emprisonné depuis 2006, Gédéon s’est évadé en septembre 2011 de la prison de Lubumbashi… en plein jour. Depuis, l’enquête est au point mort et un vent de panique souffle au Nord-Katanga. « La région est en train de sombrer dans la violence, la psychose et la peur. Il y en a beaucoup qui se cachent en brousse », indique Mgr Fulgence Muteba Mugalu, évêque de Kilwa-Kasenga.
Le Kasaï se réveille
Autre province aux avant postes de la contestation : le Kasaï. D’habitude plutôt calme, ce fief de l’opposant Etienne Tshisekedi, connait lui aussi des soubresauts. Depuis le mois d’août 2012, le chef d’état-major de la région, le colonel John Tshibangu a fait défection et mis en place son propre groupe armé pour « chasser Kabila du pouvoir« . La traque infructueuse de Kinshasa n’a toujours pas permis de mettre la main sur Tshibangu, qui vient d’annoncer son ralliement à l’Apareco d’Honoré Ngbanda, un ancien mobutiste en exil.
Province-orientale, Sud-Kivu, Maniéma, Bas-Congo… la colère monte
En août, c’est au tour du colonel Mandro Mazelo de faire défection pour rejoindre le maquis dans le Maniema, une province proche du Nord-Kivu. La Province orientale connait elle aussi un regain de violence. Les groupes d’auto-défense Maï-Maï sèment de nouveau la terreur. Près de la frontière ougandaise, le groupe de Paul Sadala, alias « Morgan » a tué 15 okapis en juin 2012 et continue, depuis, de terroriser la population. Au Sud-Kivu, le commandant Yakutumba a pris le maquis et collabore notamment avec Agathon Rwasa des FNL (Forces pour la Libération Nationale), une rébellion burundaise en lutte contre Bujumbura. Là encore Yakutumba prône clairement le départ de Joseph Kabila.
Au Bas-Congo, une province de l’Ouest du pays, les tensions entre la population et le pouvoir central se sont ravivées avec la « disparition« , ou « l’enlèvement » (selon ses proches) d’Eugène Diomi Ndongala, le patron de la Démocratie chrétienne. Accusé par Kinshasa de « viol sur mineures », les autorités le disent en « fuite« , alors que sa famille dénonce un « enlèvement » par les services de renseignements congolais (ANR). En 2007 et 2008 la province du Bas-Congo avait été le théâtre d’une violente répression contre les membres du Bundu Dia Kongo (BDK), un parti politico-religieux, interdit depuis. L’opposition avait dénoncé le « massacre » de 150 personnes par les forces de sécurité congolaises. En octobre 2012, les élections des gouverneurs du Bas-Congo et de la province orientale se dérouleront donc sous haute tension avec des risques de fraudes, comme en 2007. Hasard du calendrier, ces élections auront lieu en même temps que le Sommet de la Francophonie de Kinshasa, fixé du 12 au 14 octobre 2012.
Dernier foyer d’instabilité : la discrète province de l’Equateur, au Nord de la RDC. Cette zone a toujours tenu tête à Kinshasa, depuis la création du MLC de Jean-Pierre Bemba en 1998. En 2010, la rébellion de la tribu Enyele déstabilise le pouvoir central et fait douter Kinshasa, après la courte prise de Mbandaka, la capitale provinciale. Depuis, la situation s’est calmée, mais l’Equateur « la rebelle« , pourrait refaire parler d’elle, si l’autorité de Kinshasa venait à vaciller.
Depuis avril 2012 et le naissance du M23, le pouvoir central est de nouveau mis à mal. L’instabilité fait tâche d’huile aux quatre coins de la RDC. La reprise du conflit à l’Est a remis en lumière l’absence de l’Etat congolais et son incapacité à imposer son autorité sur l’intégralité de son territoire. Cette situation constitue une opportunité dans laquelle tente de s’engouffrer rebelles, hommes politiques, militaires frustrés et aventuriers de tout poil. Pour l’instant, tous ces mouvements sont trop disparates et trop peu coordonnés pour déstabiliser à eux seuls Kinshasa. Chacun de ces groupes représentent quelques dizaines d’hommes, quelques centaines tout au plus. Pas assez, pour le moment, pour marcher sur la capitale et ébranler le pouvoir central.
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