Dialogue des sourds à Kampala

[Le Potentiel]

lundi 17 juin 2013

Kinshasa a réservé, il y a quelques mois, un avis de non recevoir au projet d’accord proposé en avril dernier à la facilitation ougandaise par le M23. De la manière aussi, le M23 ne se dit-il pas prêt à céder au désidérata de Kinshasa, tel que présenté la semaine dernière par les délégués de Kinshasa au dialogue de Kampala. Un dialogue des sourds demeure entre les deux parties. Dans tous les cas de figure, pour Kinshasa, l’issue des pourparlers de Kampala passe par la disparition du M23. Et rien d’autre. Quelle sera dès lors la réaction de la communauté internationale qui croit encore à une solution politique dans les tensions qui minent toujours l’Est de la RDC.

Malgré la signature le 24 février 2013 à Addis-Abeba de l’accord-cadre pour la paix et la sécurité dans l’Est de la RDC, suivie de la Résolution 2098 autorisant le déploiement d’une Brigade spéciale d’intervention dans la partie orientale du pays, l’ONU continue de privilégier une solution politique pour le retour d’une paix durable dans la région des Grands Lacs. Pendant ce temps, à Kampala où se tiennent depuis décembre des pourparlers directs entre Kinshasa et le M23, le spectre d’un accord s’éloigne au quotidien.

Entre le M23 et Kinshasa, c’est finalement le dialogue des sourds. De part et d’autre, personne ne se dit prêt à faire une quelconque concession pour faire avancer les négociations. L’impasse que l’on craignait depuis des jours, se confirme finalement.

La volonté du M23 de reprendre incessamment la route de Kampala n’a pas résolu le problème. Cette déclaration n’a pas non plus dissipé les malentendus entre les deux parties. En effet, Kinshasa qui a hâte de terminer avec Kampala ne cache pas ses réelles intentions. Tout compte fait, pour Kinshasa, le M23 devait se plier à la réalité des faits. Le contexte jouant en sa faveur, Kinshasa n’a qu’un seul objectif : celui d’obtenir la disparition du M23.

Les autorités de Kinshasa jouissent, sur ce point de vue, d’un avantage de taille par rapport au mouvement de Bunagana. La signature, sans le M23, de l’accord-cadre d’Addis-Abeba et l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies du déploiement d’une Brigade d’intervention dans l’Est sont les deux atouts majeurs sur lesquels Kinshasa s’accroche, en vue d’obtenir gain de cause à Kampala. Un autre argument de taille sur lequel s’appuient les autorités de la RDC est le dernier passage dans les Grands Lacs du secrétaire général des Nations unies et du président de la Banque mondiale.

Dans les différents contacts qu’ils ont prévus dans la région, les deux personnalités ne se sont entretenues qu’avec des délégations officielles de la RDC, du Rwanda et de l’Ouganda, ignorant superbement la branche politique du mouvement rebelle. A Kinshasa, la mise à l’écart du M23 dans l’agenda de Ban Ki-moon et de Jim Yong Kim est parue comme un désaveu du mouvement rebelle. Kinshasa s’y accroche donc depuis.

Il a d’ailleurs réaffirmé sa position à l’issue de la visite que vient d’effectuer dans la capitale ougandaise le ministre des Affaires étrangères et chef de la délégation de Kinshasa aux pourparlers de Kampala, Raymond Tshibanda.

Kinshasa ne s’en cache plus

A la tête d’une forte délégation congolaise, dans laquelle on a également compté le coordonnateur du Mécanisme national de suivi de l’accord-cadre d’Addis-Abeba, François Muamba. Après s’être entretenu avec le ministre ougandais de la Défense, également facilitateur du dialogue de Kampala, Raymond Tshibanda a fortement décliné ce qu’il faut désormais considérer comme position officielle la RDC. Pour Kinshasa, la conclusion des pourparlers de Kampala rime avec la fin du M23. Au-delà de cet aspect, aucun autre point, comme celui remettant en cause la Constitution de la RDC, ne peut être inscrit au calendrier des négociations. D’où, l’impasse.

Dans les rangs du M23, ses délégués considèrent la position de Kinshasa comme un simple chantage. A Kinshasa, non plus, on ne veut pas transiger sur les préalables, c’est-à-dire une quelconque remise en cause des dispositions les plus pertinentes de la Constitution de la RDC. Comme l’exige d’ailleurs le M23, suivant le projet d’accord soumis en avril dernier à la facilitation ougandaise.

Autant dire qu’à Kampala, on est déjà en face d’un dialogue de sourds. Ce qui n’est pas l’avis de la communauté internationale, particulièrement les Nations unies qui continuent de croire en une solution politique en lieu et place d’une solution militaire telle que préconisée avec le déploiement de la brigade d’intervention. Quelle sera dès lors l’attitude de Kinshasa ? Pour l’instant, c’est la grande inconnue. Car, en cette matière, notamment depuis la résurgence de nouvelles tensions dans l’Est, Kinshasa n’a pas clairement affiché ses ambitions. Il est souvent embarqué sa réelle conviction de sa part dans des initiatives internationales déployées ça et là.

S’opposer à Kampala, à un accord qui porte atteinte à la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC, c’est bien. Faudrait-il encore que Kinshasa ait le courage de le défendre et de le clamer tout haut pour amener la communauté internationale à adhérer finalement à cette thèse.

 

 

 

 

 

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