(Le Potentiel)
Des combats ont eu lieu depuis les premières heures de mardi à Kipushi, dans les encablures de Lubumbashi, entre les FARDC et des hommes de Kyungu Gédéon. Cette énième incursion de ces hommes armés qui se réclament d’être des « Bakata Katanga » aux contours flous est interprétée comme l’arbre qui cache la forêt. La grande crainte est que l’onde de choc ne se propage progressivement et n’embrase l’ensemble du territoire national.
Les Bakata Katanga ont encore frappé. C’est dans la nuit du 6 au 7 mardi, aux environs de Kipushi, dans la localité de Kiziba. Une récidive lorsque l’on se souvient qu’après les événements malheureux du 30 décembre 2013 qui ont eu lieu simultanément à Kinshasa, Lubumbashi, Kolwezi au Katanga de même qu’à Kindu au Maniema, ces hommes armés ont poursuivi leur festival d’incursions dans la capitale du cuivre jusqu’au 2 janvier 2014. Ils ont gâché la fête de réveillon et de Nouvel an.
Que ces hommes armés aux contours flous reprennent du service aussi facilement dénote d’une hardiesse hors du commun. Pour rappel. Le 23 mars 2013, un groupe de jeunes, non autrement identifiés, investissent armes à la main la ville de Lubumbashi, chef-lieu de la province du Katanga. Ils seront présentés à côté d’autres milices et groupes armés qui pullulent dans la province comme faisant partie d’un nouveau mouvement, les « Bakata Katanga ». Arrêtés, une bonne partie d’entre-eux seront transférés à Kinshasa. Et puis, plus rien. Pour quelle raison ? Nul ne le sait.
Ce que l’on retient c’est que ces hommes qui réclament le morcellement du Katanga ne cessent de se signaler de temps, empêchant les Katangais, particulièrement les Lushois de vaquer librement à leurs occupations quotidiennes. A telle enseigne qu’une certaine psychose a gagné tous les habitants de même que les autorités politico-administratives de la province minière.
Au fil du temps, les « Bakata Katanga » passent pour une nébuleuse. Ils se signalent pas des actions isolées qui se soldent toujours par mort d’hommes. Ils surgissent tantôt de l’est, tantôt du nord du chef-lieu de la province, font leur opérette macabre et puis se fondent dans la nature. La récurrence de leurs irruptions fait à une partie de plaisir que s’offrent des hommes qui se croient tout permis.
Les autorités politico-administratives minimisent l’influence grandissante de ce phénomène. A Kinshasa, siège des institutions, l’on ne s’en émeut pas.
L’on se rappelle cependant de la grande vigueur avec laquelle Kinshasa s’était déployé pour étouffer dans la province du Bas-Congo un groupe d’individus se réclamant proches de la secte religieuse « Bundu dia Kongo ». L’action de Bundu dia Kongo n’aura eu que l’effet d’un feu de paille – Kinshasa ayant déployé de gros moyens pour démanteler ce mouvement. Pour décourager toute action du genre, Bundu dia Kongo a été interdit d’exercer sur le sol congolais.
Pourquoi tarde-t-on d’appliquer la même thérapie à l’encontre de « Bakata Katanga » ? La question est sur toutes les lèvres. Abordées à ce sujet, la plupart des autorités restent évasives.
Et pourtant après les événements du 23 mars 2013, l’Assemblée nationale avait diligenté une enquête sur place au Katanga pour lever le voile sur cette affaire. Les députés nationaux avaient d’ailleurs bouclé leur mission. Mais, leur rapport, déposé au bureau de l’Assemblée nationale, est resté lettre morte. Pour quelle raison ? Mystère.
LES « BAKATA KATANGA », UNE HYDRE
Des tensions restent vives dans la province du Katanga. Du fait de ces fameux « Bakata Katanga » que l’on se refuse de poursuivre en dehors de Lubumbashi. On dirait des envahisseurs qui se replient en traversant des frontières. Encouragés par cette absence de poursuite, ils s comportent comme au temps de la conquête du « Nouveau monde » par les Européens.
Pour revenir aux affrontements de ce mardi 7 janvier 2014 dans le village de Kiziba, à Kipushi, un porte-parole militaire, cité par l’AFP, a confirmé qu’il y avait eu des combats, mais il a refusé de communiquer le moindre élément d’information complémentaire. Qu’est-ce à dire ? Qu’il est tenu au secret qui l’empêche de dire des choses qui pourraient rompre la quiétude certaines personnes censées tirer les ficelles de toutes ces actions interprétées comme des intimidations tantôt comme du chantage, davantage comme un message clair à l’endroit des pouvoirs publics.
Les apparitions et disparitions des « Bakata katanga » tendrait à faire croire à l’opinion qu’il s’agirait d’une hydre dont les têtes et les tentacules coupés peuvent repousser sans cesse.
« Le Katanga est un volcan endormi dont il faut redouter les dégâts en cas d’éruption»
Cette insécurité qui gagne insidieusement le Katanga, province à très forte vocation minière, n’est pas de bon augure pour le business et le développement de cette partie de la RDC. Il faut craindre désormais un embrasement sur l’ensemble de la République démocratique du Congo. Il faut parer au plus pressés, suggèrent des observateurs avisés.
En marge des événements du 23 mars 2013 à Lubumbashi, la commission d’enquête dépêchée par l’Assemblée nationale avait tiré la sonnette d’alarme. Sa voix n’a pas malheureusement été entendue. Pourtant, interrogé alors par Radio Okapi, le rapporteur de la commission parlementaire, André-Claudel Lubaya, avait mis le doigt dans la plaie indiquant dans des termes clairs que « le Katanga est un volcan endormi dont il faut redouter les dégâts en cas d’éruption».
Son intervention à la radio onusienne lui avait valu de sévères blâmes du bureau de l’Assemblée nationale
Toujours est-il que, confirmait-il, le rapport parlementaire avait été déposé en haut lieu. Mais, personne, autant à l’Assemblée nationale qu’ailleurs, n’avait trouvé intérêt à en débattre ou à l’analyser dans les moindres détails. Tout s’est passé comme si on a voulu délibérément soustraire l’affaire Bakata Katanga de la connaissance de l’opinion publique. « Chassez le naturel, il revient au galop », renseigne cependant un vieux adage.
SORTIR DU MUTISME
Kinshasa a feint de minimiser le phénomène Bakata Katanga. Il se retrouve aujourd’hui dans l’obligation de combattre une nébuleuse, alors que dans le temps, certains, dont la commission parlementaire dépêchée par l’Assemblée nationale avait vu le danger venir. Au galop.
Depuis avril 2013, date à laquelle l’Assemblée nationale avait bouclé son enquête, la commission avait insisté sur l’urgence d’appliquer avec « responsabilité, objectivité et sans complaisance » les recommandations contenues dans son rapport. André-Claudel prévenait, à ce propos, que : « Si on ajoute un brin de complaisance, ça va exploser ». Il indiquait, par la suite que l’entrée des Bakata Katanga, le 23 mars 2013, dans Lubumbashi et les affrontements qui s’en sont suivis n’étaient que la partie visible de l’iceberg. Cet arbre qui cache la forêt.
Peu importe le prisme selon lequel l’on analyse les événements qui secouent le Katanga, il faut craindre que ce « volcan endormi » n’entre en ébullition. On a laissé délibérément pourrir la situation sur le terrain. Il y a certainement des complicités – déjà connues et non encore identifiées.
Raison pour laquelle Kinshasa doit sortir de son mutisme et déployer sa grande artillerie pour remettre de l’ordre dans le Katanga. Avant que l’onde de choc des tensions récurrentes ne se propage dans d’autres coins du pays.