(Le Phare)
Martin Kobler avait décidé, dès sa prise de fonction en 2013, de ne pas faire de cadeau aux forces négatives opérant à l’Est du Congo et semble tenir parole. L’éradication du M23 ainsi que celle de son « frère jumeau », ADF-Nalu, même si ces deux mouvements rebelles entretiennent encore plusieurs « sous-traitants » au Nord-Kivu, mérite d’être saluée. De même, l’on ne peut que se réjouir de sa détermination à traquer les FDLR (Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda).
Mais, face à cette force négative, l’ennemi le plus redoutable à combattre s’appelle « Business ». Ainsi que cela avait été démontré dans plusieurs rapports des Nations Unies et des organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme, ces rebelles rwandais ne représentent plus une menace militaire ni pour la balkanisation de la RDC, encore moins pour la chute du régime de Paul Kagame au Rwanda.
Plusieurs raisons expliquent ce constat. D’abord, en termes d’effectifs, les éléments FDLR ne dépassent pas la barre de 1.500. Ensuite, ils ne constituent pas un corps soudé contrôlant un front déterminé. Il s’agit de combattants essaimés par groupe de 200 ou 300 au niveau des puits des mines d’or, du diamant, de coltan, de cassitérite, entre le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. Pendant qu’on les accuse de vouloir déstabiliser la République Démocratique du Congo ou le Rwandais, les FDLR passent le plus clair de leur temps à creuser des minerais, à surveiller les sites miniers, à commercer avec les représentants des négociants qui attendent impatiemment aux abords des puits, à trouver des arrangements à l’amiable avec des officiers et soldats inciviques des FARDC qui ont fini par découvrir la face cachée de la guerre de l’Est.
A propos de l’exploitation illicite de ces mines, il a été constaté aussi que des réseaux maffieux organisent des rotations d’avions en provenance du Rwanda, de l’Ouganda et d’ailleurs, pour l’embarquement des cargaisons de minerais, en vue de leur vente sur les marchés internationaux.
La Monusco sera-t-elle en mesure de casser le « business » qui produit, chaque année, des millionnaires en République Démocratique du Congo, au Rwanda, en Ouganda et ailleurs, aussi bien dans les milieux des membres des forces négatives que des décideurs politiques et militaires ainsi que des hommes de troupes des armées régulières ? Aura-t-elle suffisamment des moyens d’action pour empêcher les avions des réseaux maffieux de venir chercher des cargaisons ou colis d’or, de diamant, de coltan, de cassitérite… sur la multitude de pistes en terres battues du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, qui échappent au contrôle de l’administration et des services spéciaux congolais?
Les FDLR et les autres …
D’où, hormis la cible principale visible qu’est la force négative rwandaise, la Monusco devrait ratisser large au niveau des sites miniers du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, si elle tient réellement à effacer les FDLR et leurs « alliés » de la carte géographique de l’Est. Il ne sera pas facile d’identifier ces rebelles rwandais qui ont la faculté de se diluer dans les communautés autochtones congolaises, avec la complicité des Congolais. La grande difficulté sera de faire la différence entre un agriculteur, un éleveur, un pêcheur, un charpentier, un cordonnier, un enseignant, un creuseur congolais et un membre des FLDR dans un village, dans une forêt, sur un sentier, dans un champ, dans une rivière, dans une boutique, dans un marché, etc.
Au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, où il a été dénombré plus d’une cinquante de forces négatives congolaises, le pari à relever par la Monusco serait d’arriver à les neutraliser toutes, sans quoi elle risque de frapper un coup d’épée dans l’eau. Les FDLR disposent, ainsi qu’on le sait, des « pépinières » qui les alimentent en troupes depuis 1994, d’où leur capacité étonnante de renouvellement d’effectifs.
Opération « mains propres » en RDC, au Rwanda et en Ouganda ?
Les FDLR bénéficient des parapluies protecteurs en République Démocratique du Congo, au Rwanda et en Ouganda. La Monusco va-t-elle, au-delà des actions militaires, déclencher des opérations « mains propres » contre leurs parrains politiques et militaires installés dans ces trois pays ? Car, il est sûr et certain que ceux-ci sont en train de réfléchir aux stratégies de riposte pour torpiller l’initiative de Martin Kobler.
Il serait difficile d’éventrer les FDLR si leurs sponsors ne sont pas mis hors d’état de nuire. S’il y a une solution radicale à appliquer, ce serait aussi l’identification et l’arrestation de tous les gros bras qui ont transformé cette force négative en fond de commerce.