Kivu-Katanga-Kasaï : «triangle de l’insécurité»

(Le Phare)

Le « triangle de la mort » est entré dans le lexique congolais avec les Bakata-Katanga, cette force négative interne qui massacre, pille, vole et viole en toute tranquillité, voici plusieurs mois, à la jonction des territoires de Manono, Mitwaba et Pweto. Pas plus tard que le week-end dernier, l’évêque du diocèse de Kilwa Kasenga, Mgr Fulgence Muteba, a redonné de la voix pour en appeler à une intervention d’urgence et musclée des troupes loyalistes, afin de prévenir de nouveaux massacres, pillages et viols au sein des populations civiles dans cette partie de la province du Katanga.

Le corridor de l’insécurité, parti du Nord-Kivu, en passant par le Sud-Kivu et le Nord-Katanga, semble progresser vers le centre du pays, plus précisément à Kananga, au Kasaï Occidental. Un ancien gouverneur de cette province, député national de son état, a dernièrement lancé un cri de détresse, au nom des populations civiles kasaïennes, victimes de massacres et vols de leurs biens de valeur chaque nuit, suite à la présence massive d’éléments incontrôlés armés. Une question d’actualité a été déposée à cet effet sur la table du Bureau de l’Assemblée Nationale, à l’intention du ministre de la Défense. Des notables de cette province résidant à Kinshasa ont repris à leur compte son alerte, et promis de sortir une déclaration commune exigeant des explications aux autorités provinciales et nationales. Mais, depuis plus d’une semaine, leur prise de position se fait toujours attendre, pour des raisons inexpliquées.

A l’allure où le triangle de l’insécurité est en train de s’élargir, il y a lieu de craindre qu’il ne s’étende au-delà des deux Kasaï, pour toucher les provinces de l’Ouest (Equateur, Bandundu, Kinshasa, Bas-Congo). L’objectif des ennemis de la paix et de la stabilité du grand Congo ne serait-il pas de le rendre ingouvernable, de manière à obtenir, sans trop forcer, sa balkanisation tant recherchée et difficile à matérialiser à partir des mouvements rebelles pro-ougandais et rwandais ?

Bakata-Katanga intouchables ?

Mais qui sont les compatriotes, parmi les décideurs politiques, qui cautionnent les actes des forces négatives internes et externes ? Les défaites militaires à répétition des FARDC au Nord-Kivu avaient révélé à tous, les complicités internes qui empêchaient les troupes loyalistes de signer de hauts faits d’armes. Dès que les « traitres » avaient été mis hors d’état de nuire, la voie du succès était largement ouverte aux concitoyens sous le drapeau, avec en prime la montée en première ligne du regretté colonel Mamadou, promu général à titre posthume. Le « nettoyage à sec » opéré dans les rangs du M23 d’abord et de l’ADF-Nalu ensuite au Nord-Kivu a montré que le Nord-Katanga ne devrait pas végéter dans l’absence de paix, compte tenu de la faible puissance de feu des forces négatives, toutes tendances confondues.

Or, depuis que les Bakata-Katanga se sont signalés au Nord-Katanga, les autorités civiles et militaires qui devaient organiser la riposte afin de les neutraliser, donnent l’impression de les ménager, pour des raisons obscures. Alors que l’Etat dispose de tous les moyens militaires nécessaires à l’éradication de cette force négative, celle-ci ressurgit après chaque tentative de liquidation, pour faire davantage mal aux civils non armés dans les territoires de Manono, Mitwaba et Pweto.

Qui profite de la situation d’anarchie que tente d’instaurer ces combattants le plus souvent dotés d’armes blanches rudimentaires et de fusils de chasse ? Ces insurgés jouiraient-ils d’un statut spécial, comme c’est le cas du M23 et des FDLR au Nord-Kivu, dont la traque était assortie de plusieurs préalables, consignés dans l’Accord-cadre d’Addis-Abeba et les « Déclarations » de Nairobi. S’agissant du M23 par exemple, en dépit de sa déroute militaire d’octobre 2013 face aux FARDC, ces rebelles sont couverts par une loi d’amnistie, un engagement du gouvernement congolais de les indemniser pour leurs biens saisis ou pillés (par qui et où ?) et les  rapatrier, désarmer, démobiliser dans le cadre d’un mécanisme concerté de réinsertion sociale.

Le flottement que l’on note dans la chasse aux Bakata-Katanga, pourtant publiquement annoncée par la Monusco voici plusieurs semaines, dans le cadre de son appui aux FARDC, pousse à se demander si ce temps mort n’est volontairement pas entretenu. Apparemment, des forces occultes s’activeraient pour leur permettre de recruter suffisamment de combattants et de s’équiper militairement en vue de s’imposer comme un redoutable mouvement rebelle, et brandir, le moment venu, leur cahier de charges au pouvoir en place à Kinshasa et à la communauté internationale. C’est cette perspective de légalisation planifiée d’une rébellion qui fait penser que les Bakata-Katanga ne frappent pas au hasard. Leur agenda caché procèderait d’une planification au niveau d’officines du mal.

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A propos de l'auteur : Adeline Marthe

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