Les incidents de Likasi : le message de fermeté de Kinshasa toujours attendu

(Le Phare)

Les observateurs continuent de s’étonner de ce qui s’apparente à la tolérance, par les autorités nationales et provinciales, des actes de désobéissance civile et de rébellion contre l’autorité établie que posent, voici plusieurs mois au Katanga, les miliciens appartenant à la JUNAFEC (Jeunesse de l’Union Nationale des Fédéralistes Congolais). Le week-end dernier, faut-il rappeler, ces inciviques se sont affrontés aux éléments de l’armée régulière dans la ville de Likasi, provoquant trois morts et cinq blessés.

Alors que l’on s’attendait à un message de fermeté de la part du Gouvernement central, l’on a constaté, avec regret et déception, que celui-ci s’est contenté de prendre acte des dérapages de cette rébellion rampante, lors de sa réunion extraordinaire du mardi 22 avril 2014 à la Cité de l’Union Africaine. En effet, l’exécutif national s’est limité à souligner que le calme a été rétabli par les FARDC dans la ville de Likasi. Sans plus.

Le Conseil des ministres n’a évoqué ni une quelconque enquête pour identifier les membres de la Juferi et leurs commanditaires, ni une quelconque sanction à l’endroit de qui que ce soit. A la lumière du compte rendu livré à l’opinion nationale par le porte-parole du gouvernement, l’on a eu l’impression que celui-ci a clos le dossier.

Aussi, tous les compatriotes soucieux de l’émergence de l’Etat de droit en RDC attendent que Kinshasa envoie un message de fermeté en direction de Gabriel Kyungu wa Kumwanza, président de l’Assemblée provinciale du Katanga et « autorité morale » de l’Unafec et de la Junafec, une famille politique spécialisée dans la contestation des dépositaires du pouvoir d’Etat, de l’armée, de la police et des services spéciaux. A force d’être tolérée comme une structure d’auto-défense populaire, la milice de cet acteur politique mêlé dans le dossier de l’épuration kasaïenne en 1993 au Katanga commence à se croire tout permis.

La complaisance avec laquelle les officiels de Kinshasa ont traité le dossier des morts et blessés victimes de la barbarie d’une force paramilitaire illégale est de nature à faire croire aux autochtones du Katanga que leur salut réside désormais dans des actes d’allégeance aux miliciens de la Junafec. Or, lonséquence d’une adhésion massive des populations civiles aux discours et actions des partisans de Kyungu serait, dans ce contexte, de fragiliser davantage les autorités civiles et militaires locales et d’installer, par ricocher, un régime de non Etat au Katanga.

Beaucoup de concitoyens auraient aimé voir le gouvernement prendre des mesures conservatoires contre l’Unafec et ses jeunes miliciens, notamment en suspendant, toutes affaires cessantes, leurs activités sur toute l’étendue de cette province, en traquant les auteurs et commanditaires des crimes du samedi 19 avril à Likasi et en désarmant les unités combattantes d’une milice visiblement au service du mal.

Pourtant, le même gouvernement s’est empressé de mettre hors jeu l’Assemblée provinciale de l’Equateur, sous prétexte qu’il y régnerait une crise dont les contours n’ont pas été déterminés. Les animateurs de ce parlement provincial se sont du reste étonnés de la mesure suspendant leur fonctionnement, car ignorant tout des tensions qu’auraient décelées les autorités en place à Kinshasa.

Si le gouvernement a anticipé une éventuelle implosion sociale à l’Equateur, il aurait dû faire plus pour le cas du Katanga, où il y a eu mort d’hommes sur fond de remise en question des missions de l’armée et de la police nationale en matière de protection des personnes et de leurs biens. Ce qui vient de se passer à Likasi ne méritait pas moins la neutralisation de l’Assemblée provinciale du Katanga, dont le numéro un se trouve être, comme par hasard, le parrain des miliciens tueurs, et pourquoi pas, la décapitation de l’exécutif provincial, coupable de manque criante d’autorité dans l’affaire. Puisqu’il n’est pas encore tard pour corriger la mauvaise gestion des événements de Likasi, Kinshasa a l’obligation morale de se ressaisir, en vue de rassurer des civils gagnés par le sentiment d’abandon de la part de ceux qui devaient garantir leur sécurité.

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A propos de l'auteur : Adeline Marthe

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