(Le Phare)
Alors que d’autres acteurs s’activent, Kinshasa garde curieusement un mutisme réprobateur. Le phénomène Bakata Katanga, qui passe désormais pour une nébuleuse, est en pleine résurgence sur l’axe Pweto-Mitwaba–Manono, surnommé le « Triangle de la mort ». Mgr Fulgence Muteba, évêque de Kilwa-Kasenga vient de tirer la sonnette d’alarme sur cette tragédie qui a mis en errance des centaines de milliers de Congolais.
Ça bouillonne à nouveau dans le Katanga où les Bakata Katanga tentent de se regrouper sur l’axe Pweto-Mitwaba-Manono. Des mouvements des jeunes, visiblement affiliés à cette milice, sont signalés depuis un temps sur ce qu’on appelle désormais le « Triangle de la mort ». C’est Mgr Fulgence Muteba, évêque de Kilwa-Kasenga, un des diocèses de la province du Katanga, qui a tiré la sonnette d’alarme.
Selon des propos du prélat rapportés par radio Okapi, les miliciens Bakata Katanga ont repris un mouvement de regroupement il y a environ deux semaines dans les territoires de Manono, Mitwaba et Pweto. Mgr Fulgence Muteba pense que ces miliciens, qui se dirigent vers les vallées du territoire de Mitwaba, proviendraient des alentours de la ville de Lubumbashi.
« Les paysans ont attesté qu’il y a un mouvement massif des Maï-Maï Bakata Katanga. On a vu d’abord un groupe de jeunes gens au nombre de 12 qui ne parlaient à personne, et qui visiblement connaissent le chemin. On a vu un autre groupe beaucoup plus nombreux. C’est difficile de vous donner un chiffre précis », a affirmé l’évêque de Kilwa-Kasenga hier lundi 31 mars 2014 à radio Okapi.
Selon des témoignages recueillis sur place, ces jeunes tentent de rejoindre un lieu de regroupement non encore identifié. Sauf que, sur leur passage, ils arrachent tout ce qu’il y a dans les champs, et recrutent de force des jeunes gens. Une situation que Mgr Fulgence Muteba juge « très dramatique » quand on sait que depuis l’apparition de ces hors-la-loi il est enregistré des déplacements massifs des populations civiles.
Comme dans bien d’autres occasions où les Bakata Katanga se sont signalés jusqu’à leur spectaculaire incursion sur la ville de Lubumbashi, la sixième région militaire a, rapporte radio Okapi, dit prendre en compte cette inquiétude, promettant de s’activer pour intensifier la traque de ces milices.
Pendant ce temps, l’on ne signale encore aucun mouvement des unités des Forces armées de la RDC vers le triangle de la mort où les populations ne savent plus quel saint se vouer.
Vendredi dernier, en marge de l’adoption par le Conseil de sécurité de la résolution portant prorogation du mandat de la Monusco et de la Brigade d’intervention des Nations unies, Martin Kobler, le chef de la Monusco, a réaffirmé sa détermination à neutraliser les Bakata Katanga, ragaillardi par le récent succès des troupes onusiennes face aux ex-rebelles du M23.
« C’est à nous maintenant de gagner la paix avec énergie, conviction et persistance », a affirmé le représentant spécial du secrétaire général de l’Onu en rappelant que dans le « Triangle de la mort », les groupes Maï-Maï Bakata Katanga ont brulé 80 villages provoquant le déplacement de 400.000 civils. Selon lui, le retour de la paix à Goma et les horreurs du triangle de la mort, illustre les espoirs et désespoirs, les chances et les défis du peuple congolais.
L’ENIGME DU KATANGA
La milice Bakata Katanga passe pour un mystère. A ce jour, personne ne sait décrire avec certitude les composantes de cette milice, encore moins sa hiérarchie. Et, lorsqu’on évoque la question de Bakata Katanga, personne ne prend le risque d’en parler à haute voix.
En 2013, après la première incursion sur Lubumbashi, l’opération qui a révélé finalement les Bakata Katanga, l’Assemblée nationale avait diligenté une commission d’enquête parlementaire au Katanga pour s’enquérir de la situation. La Commission avait dû déposer son rapport sur le bureau de l’Assemblée nationale. Et puis, plus rien. La chambre basse du Parlement a gardé un silence de marbre sur la question. Le rapport de la Commission parlementaire a été classé, avant même qu’on en débatte. Comme si tout le monde n’avait pas envie de débattre du phénomène Bakata Katanga sur la place publique.
La question qui est sur toutes les lèvres est celle de savoir à qui profite le silence qui entoure cette nébuleuse ? Tout récemment, la Monusco a eu à s’expliquer devant le gouvernement lorsqu’il a décidé de déployer ses troupes sur le tringle de la mort. Le gouvernement est monté sur ses quatre chevaux, revendiquant ses droits, estimant que la Monusco devait obtenir son avis préalable avant d’entreprendre quoique ce soit sur l’axe Pweto-Mitwaba-Manono.
Une question en appelant une autre : qu’est-ce qui se cache derrière ce phénomène au point d’en faire finalement une véritable forteresse ? Il est temps que le pan soit levé sur ce phénomène destructeur facile à classer dans la catégorie de tous les groupes armés qui pullulent dans l’est.
Il y a certainement quelque chose qui se prépare sur ce « Triangle de la mort ». Kinshasa ne devrait pas dormir sur ses lauriers et ignorer les cris de détresse de ces compatriotes en situation d’apatrides sur leur propre territoire. Il ne suffit pas de déclarer suivre la situation, au contraire, il urge de juguler la marche des Bakata Katanga avant de les neutraliser comme on l’a fait à l’encontre du M23 et autres rebellions dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.
Une catastrophe se prépare dans le Katanga. Et, l’Etat, garant de la sécurité des biens et personnes, doit impérativement déployer de gros moyens pour venir à bout de ce phénomène.
Il est temps de rompre avec la langue de bois pour sauver des vies humaines en péril dans le Katanga. Auquel, le gouvernement risque d’être taxé de complicité avec des inciviques invétérés.