Les scientifiques divisés sur ’’la partialité’’ de la CPI

(Forum des As)

« Aujourd’hui, 80% des dossiers traités par la Cour Pénale Internationale (CPI) sont congolais. Mais, aucun citoyen n’a pensé à y réfléchir. De même, le premier arrêt de cette Cour a été prononcé sur un Congolais ». Ce constat, fait par le Professeur Bernard Mumpasi Lututala de l’Université de Kinshasa, a poussé le Centre Régional de Recherche et de Documentation sur les femmes, le genre et la construction de la paix dans la région du Grands Lacs (CERED-GL) à organiser hier mardi 22 juillet un forum sur la justice pénale internationale.

Au rendez-vous, des dizaines de scientifiques venant de quatre coins de Kinshasa ont tenu à participer activement à ces assises tenues au Centre Interdiocésain, dans la commune de la Gombe. Axée sur le thème ’’Justice Pénale Internationale, Réconciliation et paix en Afrique : la CPI et au-delà’’, la conférence a connu le concours du Conseil pour le Développement de la Recherche en Sciences sociales en Afrique (CODERSIA).
« On ne peut pas être un centre de réflexion sans s’intéresser à la justice, a indiqué Bernard Mumpasi, directeur général du CERED-GL et professeur ordinaire à l’université de Kinshasa. La justice est importante dans une société. Instrument d’organisation sociale, elle doit réguler les antagonistes. Nous voulons ainsi susciter l’intérêt autour de cette question dans un cadre scientifique. Faisons de telle sorte que la population ait facilement accès à la justice. Car, son rôle est de contribuer à la paix ».

 

RENDRE LA JUSTICE NATIONALE INDEPENDANTE
Saisissant la balle au bond, le Professeur André Mbata a axé son exposé sur la CPI. Institution qui, selon lui, a la compétence de juger les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et de génocide. « La CPI, poursuit-il, est complémentaire des juridictions nationales. Elle est apparue, dans le cas du Rwanda, comme une justice des vainqueurs et non des vaincus ».
« Très souvent, constate le professeur André Mbata, les Etats africains envoient les opposants à la CPI. Mais, quand il s’agit des personnes au pouvoir, ils refusent de coopérer avec cette Cour. Or, il faut rendre la justice nationale indépendante, parce que les Etats africains n’ont pas besoin de la CPI pour mettre fin à l’impunité dans le continent », a souligné le professeur André Mbata.
« La CPI a pour vocation de poursuivre des auteurs des crimes graves qui constituent une menace contre la paix et la sécurité du monde, fait savoir Patrick Tshibuyi, assistant chargé de la sensibilisation auprès de cette institution. Les bénéficiaires de cette cour sont les victimes des atrocités. L’avantage du statut de Rome est que les Etats membres adhérent librement. Cette juridiction a un caractère permanent et complémentaire ».

 

LE DANGER D’UNE COUR SEGREGATIONNISTE
« En Afrique, martèle le professeur Akele, habitué des méandres judiciaires africains, nous sommes dans la refondation de la justice. Si le continent n’utilise pas la CPI à bon escient, elle risque de devenir une Cour ségrégationniste ».
Pour sa part, le professeur Tasoki a déploré le fait que les Etats africains ont ratifié le statut de Rome sans réflexion. « L’adhésion à cette juridiction a été faite par le continent africain pour des contraintes politiques et morales, a-t-il souligné. Il est donc tout fait contraire de parler de la paix sans évoquer la justice transitionnelle ».

 

STIMULER UNE REFLEXION MURE
A travers ce forum, les organisateurs ont voulu susciter des débats auprès des chercheurs et promouvoir la culture démocratique à travers les conférences et la dissémination des résultats des études. Selon Bernard Mumpasi Lututala, le CODESRIA a été conçu pour faciliter la recherche scientifique en Afrique, en vue d’améliorer les conditions de vie de la population.
Institution autonome et indépendante, dotée de la personnalité civile et de la capacité juridique, le CERED-GL opère comme un centre de catégorie 2 de l’Unesco qui émane de la volonté politique des ministres en charge des questions des femmes ou du genre. Basé à Kinshasa, ce centre mène ses activités à travers onze pays de la région des Grands Lacs qui l’ont fondé.
La première sortie en public du CERED-GL a permis aux scientifiques de discuter du programme conjoint établi par CODESRIA. L’objectif majeur de ce programme est d’améliorer significativement la qualité de la recherche, des débats et des politiques sur la justice pénale internationale, la paix et la réconciliation en Afrique.

 

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A propos de l'auteur : Adeline Marthe

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